Marcel 础测尘茅
(1902-1967)
Dossier
Bibliographie
| Ouvrages cit茅s |
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芦 Pr茅face 禄 au聽Chien jaune, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. 芦 Vlaminck 禄,聽Bulletin Flammarion, 1953, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. Antoine Blondin, Aspects de la France, 17 novembre 1949, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. 芦 Pr茅face 禄 aux Oeuvres compl猫tes de C茅line, Balland, 1966, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. 芦 Humour rose noir 禄, Les nouvelles litt茅raires, 29 d茅cembre 1949, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. Silhouette du scandale, Paris, Le Sagittaire, 1938. 芦 Pr茅face 禄 aux聽Cinq Livres, Paris, Magnard, 1965, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. 芦 Comment un romancier devient auteur dramatique 禄,聽翱辫茅谤补, 6 f茅vrier 1952, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996 Les Tirages 脿 part du Palimugre, 1946, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. Le Quotidien, 9 d茅cembre 1929, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. Les Nouvelles litt茅raires, 9 ao没t 1930, dans Cahier Marcel 础测尘茅, textes r茅unis par Yves-Alain Favre et Michel L茅cureur, no 6, Paris, Soci茅t茅 des Amis de Marcel 础测尘茅, 1988. 芦 Pri猫re d'ins茅rer 禄 脿 Travelingue, 1941, dans Pol Vandromme, 础测尘茅, Paris, Gallimard, 芦 La Biblioth猫que Id茅ale 禄, 1960. 芦 La Fin de Paris聽: critique 禄,聽Gringoire, Paris, 13 janvier 1933, dans Cahier Marcel 础测尘茅, no 4, Soci茅t茅 des Amis de Marcel 础测尘茅, 1984. Enqu锚tes : 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te de Ren茅 Groos [芦 Estimez-vous que le cin茅ma ait eu ou puisse avoir une influence sur le roman? Et laquelle? 禄],聽L'Ordre, 26 octobre 1930, dans聽Cahier Marcel 础测尘茅, no 6, Paris, 脡ditions de la Soci茅t茅 des Amis de Marcel 础测尘茅, 1988. 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te d'Andr茅 Bridoux,聽Le Bulletin des lettres, no 19, 2猫me ann茅e, 25 juin 1933. 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te : 芦 Y a-t-il une crise du roman fran莽ais? 禄, par Jeannine Delpech,聽Les Nouvelles litt茅raires, 18 d茅cembre 1947. 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te de M. Lema卯tre,聽Le Libertaire, 13 janvier 1950, dans Cahier Marcel 础测尘茅, no 9, Paris, Soci茅t茅 des Amis de Marcel 础测尘茅, 1992. 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te de Michel de Saint-Pierre,聽Les Nouvelles litt茅raires, 3 octobre 1957, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
Citations
| 芦 Pr茅face 禄 au聽Chien jaune, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
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| 芦聽De tous les romanciers de son 茅poque, Simenon est s没rement celui qui a 茅crit l'oeuvre la plus abondante. En moins de quarante ann茅es, il a 茅crit et publi茅 quelque cent vingt volumes, soit 脿 peu pr猫s la cadence d'un roman par quatre mois. J'admire, chez un 茅crivain, cette grande et r茅guli猫re f茅condit茅 qui n'a jamais nui 脿 la qualit茅 de l'oeuvre et toutefois, elle n'est pas ce qui m'茅tonne le plus dans le cas de Simenon. Apr猫s tout, il y a eu des pr茅c茅dents, entre autres celui de Balzac qui 茅crivit sa Com茅die humaine en vingt ans. Non, ce qui m'茅tonne le plus, c'est que les romans de Simenon soient au moins aussi lus dans les autres langues qu'ils le sont en fran莽ais聽: il existe m锚me des pays o霉 ils touchent un public beaucoup plus 茅tendu que dans le n么tre.听禄 (p. 282) 芦聽C'est justement le miracle que les fronti猫res et les distances soient abolies entre les personnages et les lecteurs, 脿 quelque nationalit茅 qu'appartiennent les uns et les autres. Ni son m茅tier, ni son milieu social, ni les moeurs, ni les lois de son pays ne sauraient faire 茅cran 脿 l'锚tre humain qui surgit d'entre les pages du roman. L'auteur se garde d'ailleurs d'expliquer ses personnages et de d茅monter devant son lecteur les rouages d'un m茅canisme psychologique. Il se contente de donner des renseignements, des indications, des rep猫res, et non sans 茅conomie. 脌 vrai dire, il semble que ce soit le lecteur qui cr茅e les personnages de Simenon et qui les diff茅rencie. Il y a l脿, de la part de l'auteur, une remarquable discr茅tion. Ma卯tre absolu de sa cr茅ation romanesque et de ses cr茅atures, il s'applique 脿 ne pas abuser de sa toute-puissance, sachant bien que de tels exc猫s n'ont d'autre r茅sultat que celui de desservir la v茅rit茅. En les 茅veillant 脿 la vie romanesque, il dote ses personnages non pas d'une musique int茅rieure, mais d'un clavier faisant de chacun d'eux une sorte de harpe 茅olienne qui s'茅meut lentement selon le vent, les mar茅es et les d茅tours de l'enqu锚te. 脌 la lecture de ses livres, il m'arrive d'锚tre pris de l'horrible soup莽on qu'int茅rieurement, nous nous ressemblons tous de tr猫s pr猫s et que ce sont d'infimes et microscopiques et insignifiantes particularit茅s qui cr茅ent la diversit茅 des caract猫res. En tout cas, nombre de ses h茅ros, pour ne pas dire la plupart, nous apparaissent comme des individualit茅s floues, incertaines, qui donnent 脿 penser, lorsqu'elles se pr茅cisent dans un sens, qu'elles auraient aussi bien pu se pr茅ciser dans le sens contraire et qu'il s'en est fallu de fort peu de chose et peut-锚tre m锚me d'un simple hasard.听禄 (p. 284-285) 芦聽Le fameux commissaire Maigret est le plus illustre repr茅sentant de cet univers simenonien et probablement le plus typique. Tout en mouvances et en incertitudes, il 茅chappe 脿 la description et plus encore aux d茅finitions. La meilleure chance qu'on ait de le saisir est sans doute de l'approcher par les c么t茅s n茅gatifs de sa personne聽: il se m茅fie des d茅ductions brillantes, des techniques, des esprits trop m茅thodiques et m锚me de la psychologie. 脌 ses yeux, la recherche criminelle est avant tout celle d'une v茅rit茅 humaine qu'on ne saurait mieux comprendre que si on l'a d'abord sentie. Il convient donc d'茅carter au cours de l'enqu锚te tout ce qui peut g锚ner une exp茅rience sensible, en premier lieu les raisonnements trop bien construits. Maigret poss猫de justement cette forme de sensibilit茅, doubl茅e d'une sorte de plasticit茅, qui lui permet de sentir les 锚tres, d'entrer dans la peau d'un personnage et de vivre un peu de la vie du suspect, f没t-ce fugitivement, le temps d'apercevoir une v茅rit茅 que les plus savantes d茅ductions m'auraient su tirer de son humble retraite. Ainsi, durant ces longs silences dans lesquels se plonge le commissaire en tirant sur sa pipe, n'est-ce pas de m茅ditation qu'il s'agit, mais d'un jeu tr猫s subtil qui s'apparente 脿 l'art du romancier et 脿 celui du com茅dien.听禄 (p. 286) |
| 芦 Vlaminck 禄,聽Bulletin Flammarion, 1953, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
| 芦聽J'oubliais de signaler qu'en publiant聽Paysages et Personnages, Vlaminck ne peut pas manquer de r茅volutionner l'art du roman, car il renouvelle compl猫tement le genre. Qu'on en juge. Dans le premier chapitre, il se d茅barrasse de l'intrigue et de toute la mati猫re proprement romanesque. Au cours des sept autres chapitres, lib茅r茅 des personnages et de leurs aventures, il explique au lecteur ce que c'est que l'homme, la soci茅t茅, la charrue, les boeufs, la peinture, la radio, l'univers, et quand il a fini, on s'aper莽oit que l'univers particulier du premier chapitre se trouve impliqu茅 et expliqu茅 dans la description du grand. Admirable proc茅d茅 qui nous d茅livre des lenteurs et des pesanteurs du roman habituel.听禄聽 (p. 310) |
| Antoine Blondin, Aspects de la France, 17 novembre 1949, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
| 芦聽[Au sujet d'Antoine Blondin] Je parle de ce don plus rare qui consiste 脿 锚tre de sa chaleur et de sa chair dans les choses qu'on 茅crit, 脿 donner aux id茅es la pr茅sence, aux mots le poids et la consistance d'un objet familier, maniable, le fr茅missement sanguin, nerveux, humoral et hormonal de la vie, en m锚me temps qu'une certaine libert茅 qui continue 脿 circuler dans la phrase apr猫s qu'elle a 茅t茅 fix茅e sur le papier聽; qui consiste aussi dans la joie d'茅crire, de se transformer soi-m锚me en livre, dans le plaisir de jouer avec les mots, de les t芒ter comme des p锚ches de vigne ou des chairs de femme, de mouiller un substantif avec un peu d'adjectif, d'empoigner une phrase r茅tive et de la r茅duire, apoplectique et signifiante, ou au contraire de l'茅tirer, de la tendre comme une corde de guitare et d'en 茅couter la r茅sonance jusque dans ses doigts de pied.听禄 (p. 353) 芦聽J'allais oublier le meilleur, c'est 脿 savoir une libert茅 de sentir, de renifler, de voir, d'appr茅cier, de choisir, en ignorant un certain nombre de crit猫res provisoires. Il va de soi que cette libert茅 n'est effective que si elle s'accompagne, comme c'est le cas chez notre auteur, d'une 茅gale libert茅 d'allures dans l'expression. L'une n'est rien sans l'autre. 脌 mon avis, rien n'est plus important pour un 茅crivain que cette disponibilit茅 d'esprit, cette facult茅 de changer de point de vue 脿 chaque instant, de disposer de tous les horizons pour regarder les hommes et les situations et 脿 l'occasion, pour 锚tre contre soi-m锚me. C'est 脿 cause de tout cela qu'Antoine Blondin repr茅sente un grand espoir pour notre pauvre litt茅rature qui ne rougit pas de se faire faire des enfants par des comit茅s, des partis, des rassemblements, des groupes, des sous-groupes et qui semble aspirer, dans des camps divers, 脿 la caporalisation.听禄 (p. 354) |
| 芦 Pr茅face 禄 aux Oeuvres compl猫tes de C茅line, Balland, 1966, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
| 芦聽On ne le dira jamais assez聽: en face de l'universel d茅lire alimentaire et m茅caniste, il est le champion de la vie spirituelle, des arts, de la po茅sie, de la beaut茅, de la gratuit茅. 摆鈥 L'irruption de C茅line dans la litt茅rature a 茅t茅 un 茅v茅nement d'une port茅e mondiale et ce n'est pas trop dire, car elle a fini par introduire dans tous les pays et dans les compartiments les plus divers de la soci茅t茅, de notables transformations de la sensibilit茅. 摆鈥 Il est scandaleux qu'on puisse faire un 茅pouvantail d'une langue aussi belle dont le fr茅missement et le foisonnement n'ont pas de pr茅c茅dent dans notre litt茅rature. Mais, dira-t-on, il y eut Rabelais. C'est en effet un nom qui vient facilement 脿 l'esprit quand on pense 脿 C茅line. On retrouve chez Rabelais le foisonnement du verbe et la joie d'茅crire, mais on n'y rencontre jamais l'茅motion qui nous 茅treint si souvent chez l'auteur du聽Voyage.听禄 |
| 芦 Humour rose noir 禄, Les nouvelles litt茅raires, 29 d茅cembre 1949, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
| 芦聽L'homme leur appara卯t in茅vitablement tel que l'a vu C茅line, tel qu'il l'a montr茅 dans son oeuvre聽: l芒che, avide, m茅chant, plein de contradictions louches et de redoutables virtualit茅s. Et c'est l'humour c茅linien auquel ils s'efforcent dans leurs 茅crits, un humour 芒cre qui semble se d茅lecter 脿 la vision d'une humanit茅 tordue et nuiteuse, mais qui en 茅clate vigoureusement les tares. Voil脿 un humour incomparablement plus fort que ne l'茅tait celui des Robert de Flers et des Francis de Croisset. On le d茅couvre sans peine chez nombre d'茅crivains聽: Jean Meckert, Roger Nimier, Ren茅-Jean Clot, Herv茅 Bazin, Robert Merle, Romain Gary et beaucoup d'autres.听禄 (p. 81) |
| Silhouette du scandale, Paris, Le Sagittaire, 1938. |
| 芦聽Puis, en 1933, C茅line publiait聽Voyage au bout de la nuit聽dont la langue, r茅solument r茅volutionnaire, s'inspirait, en la stylisant et en la surpassant, de la langue des faubourgs. La crudit茅 du vocabulaire, la violence du pessimisme, les grincements de cette g茅niale machine 脿 draguer les bas-fonds de la conscience lui valurent un accueil orageux. 脌 la faveur du scandale, on s'avisa que la grammaire fran莽aise portait un faux col s茅rieusement amidonn茅 et, satisfait de cette constatation, on en resta l脿.听禄 (p. 56) |
| 芦 Pr茅face 禄 aux聽Cinq Livres, Paris, Magnard, 1965, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
| 芦聽Il me semble que Rabelais n'a pas eu le sort auquel pouvait pr茅tendre un 茅crivain de sa taille et que l'influence de son g茅nie aura 茅t茅 beaucoup plus r茅duite qu'on ne se pla卯t 脿 le croire. Cette Renaissance dont nous sommes fiers, 脿 laquelle il a particip茅 avec tant d'茅clat, devait rapidement l'ensevelir ou 脿 tout le moins le faire reculer dans je ne sais quelle brume moyen芒geuse. Dans la deuxi猫me moiti茅 de ce XVIe si猫cle qui n'a m锚me pas retenu la date de sa mort ni celle de sa naissance, il n'y en eut que pour les Latins et les Grecs, et ce ne fut pas聽Pantagruel聽qui forma une nouvelle g茅n茅ration d'茅crivains, mais聽L'Iliade, mais聽尝'脡苍茅颈诲别. Au XVIIe si猫cle, sa richesse verbale et sa fantaisie ne passaient plus dans l'茅tranglement d'un langage pr茅cis茅ment calibr茅. Pendant deux cents ans, Rabelais n'allait plus 锚tre pour les Fran莽ais qu'un 茅crivain dr么le, mais inconvenant, un barbare gothique, heurtant le go没t et la raison au m锚me titre que l'architecture et la statuaire des temps obscurs de la pr茅histoire de l'honn锚te homme. Le XIXe, qui op茅rait dans tous les genres une r茅volution fracassante, ne pouvait manquer de red茅couvrir Rabelais. En effet, on se remit 脿 le lire, on le r茅茅dita, les augures se mirent 脿 en parler et lui accord猫rent une place honorable au panth茅on de la litt茅rature. Regard茅 par les 茅crivains de la nouvelle 猫re comme un 茅l茅ment pittoresque du pass茅, il n'inspire aucun d'entre eux. Certes, on peut parler de lyrisme aussi bien 脿 propos des romantiques qu'脿 propos de Rabelais, mais le mot, dans chacun des deux cas, rev锚tant un sens particulier, les 茅loigne beaucoup plus qu'il ne les rapproche. Le lyrisme de l'un est comparable 脿 l'ivresse lucide et diserte que procure un vin sec, celui des autres 脿 l'ivresse des stup茅fiants qui dissout le contour des choses et fait surgir des phantasmes. Le romantisme, jeu de loup-garou qui consiste pour un 茅crivain 脿 surgir dans une clart茅 brumeuse en se frappant la poitrine, en montrant ses mains meurtries et son visage ravag茅 de larmes et de myst猫re, exige du lecteur une grande complaisance ou une grande na茂vet茅. Un chapitre, une page, une phrase de Rabelais peut suffire 脿 rompre le charme, le climat vif et salubre de Pantagruel n'茅tant pas aux moiteurs ni aux 茅vanescences. D'autre part, la r茅volution romantique n'茅tait pas une vraie r茅volution. Il ne s'agissait pas de rompre avec le classicisme, mais de prendre des libert茅s avec lui, de l'att茅nuer en s'appliquant 脿 cr茅er une confusion entre l'id茅e et la sensation, en introduisant dans le vocabulaire le flou et l'impr茅cision. Le vrai chambardement e没t 茅t茅 de mettre au rancart la langue acad茅mique, de repartir d'une langue populaire, abondante, color茅e, charnue, livrant le monde sous des angles vari茅s et dans des lumi猫res changeantes, telle par exemple la langue de Rabelais. Mais, pr茅cis茅ment, on tenait 脿 ne rien chambarder, sinon quelques disciplines purement formelles. Pour les grands romanciers r茅alistes du XIXe, y compris Stendhal, l'ambition de peindre largement leur 茅poque dans la langue de l'abb茅 Delille leur donnait assez de tintouin pour que la nostalgie ne leur v卯nt pas d'un vocabulaire foisonnant, sans compter qu'ils se prenaient terriblement au s茅rieux et que le grand rire de Pantagruel ne pouvait leur inspirer que de la m茅fiance. En somme, Rabelais a 茅t茅 au si猫cle dernier l'objet d'une curiosit茅 d茅f茅rente, mais sa r茅surrection n'a pas infl茅chi les destins de la jeune litt茅rature, o霉 on chercherait en vain son reflet. Submerg茅 apr猫s sa mort par un renouveau de l'Antiquit茅 qu'il a contribu茅 脿 d茅clencher, il refait son entr茅e apr猫s des si猫cles de demi-oubli, et c'est une entr茅e manqu茅e.听禄 (p. 164-168) 芦聽Rabelais, lui, est l'explosion d'une extraordinaire puissance verbale qui trouve dans le mouvement m锚me sa forme et ses significations sans le secours d'aucun moule et sans recourir 脿 une m茅canique des id茅es et des sentiments. Au lieu d'锚tre un agent de liaison, une alg猫bre servant 脿 d茅bo卯ter les id茅es les unes des autres, 脿 les 茅pingler dans un ordre convenu, la langue para卯t avoir repris chez lui sa fonction premi猫re qui est de pr茅c茅der la pens茅e et de la lib茅rer comme par bonheur. Et lorsque nous lisons ces livres pleins de聽faicts et prouesses espouentables, c'est justement ce bonheur dans le d茅ferlement des mots qui nous entra卯ne au-del脿 de ce qu'ils expriment, vers des horizons qui ne ressemblent 脿 rien de connu, comme ferait la po茅sie. Par malheur, lorsque nos 茅coliers prennent contact avec Rabelais, ces horizons et ces 茅chapp茅es leur sont pratiquement interdits, les professeurs se faisant un devoir de s'interposer entre le texte et les jeunes gar莽ons. 摆鈥 Pour ma part, Rabelais ne me para卯t jamais plus admirable que lorsqu'il est gratuit et qu'il se laisse aller simplement 脿 la joie d'茅crire. Infiniment plus que sa position 脿 l'茅gard du protestantisme m'importe le fait que la jument ait鈥β�les aureilles ainsi pendantes comme les chi猫vres de Languegoth, et une petite corne au cul.听摆鈥 Le grand rire de Rabelais est un ph茅nom猫ne unique dans la litt茅rature de tous les temps, et, 脿 c么t茅 de lui, Aristophane, Boccace, Moli猫re, font figure de croque-morts.听禄 (p. 169-171) 芦聽Dans l'茅tat actuel des choses, il est vain d'esp茅rer que Rabelais devienne un jour un auteur populaire ou simplement lu par ce qu'on appelle le grand public. Reconnaissons que la pente de l'茅poque n'y est pas. Le fait d'锚tre mort depuis plusieurs si猫cles constitue d茅j脿 un handicap聽; mais surtout il ne sert 脿 rien d'锚tre un g茅ant de la litt茅rature si on n'est pas r茅clam茅 par la gauche ou si on n'a pas les catholiques dans sa manche. Rousseau et Diderot font encore du bruit parce qu'ils sont de gauche, Corneille et Marivaux ont pour eux le T.N.P., Pascal est une gloire catholique. Pour le pauvre Rabelais, il n'a rien d'un 茅crivain engag茅, et on le dit 脿 regret, g锚n茅 qu'on en est pour lui, mais enfin il pr锚che surtout la tol茅rance, ce qui 脿 l'茅poque o霉 il vivait, on l'oublie facilement aujourd'hui, t茅moignait d'ailleurs de beaucoup de hardiesse, de courage, et le mettait souvent en f芒cheuse posture. 摆鈥 Pour l'instant, la tendance de la jeune litt茅rature para卯t 锚tre 脿 une expression neutre, impersonnelle, dont le mod猫le accompli serait l'inventaire de grand magasin ou le constat de commissaire de police. Parmi nos 茅crivains des si猫cles pass茅s, il n'en est aucun qui soit 脿 la fois plus 茅loign茅 et plus proche de nous que Rabelais聽: plus proche par le besoin que nous avons de sa pr茅sence, de tout ce qui dans son oeuvre nous parle d'une certaine g茅n茅rosit茅 de la vie, sur le ton d'un optimisme foncier, visc茅ral聽; 茅loign茅 par son art chaleureux, populaire, sans appr锚t, n'茅veillant que de rares 茅chos dans un monde contract茅 h茅sitant entre des perspectives de servitude et de suicide, un monde o霉 sa joie est devenue aussi g锚nant, aussi incongrue qu'un 茅clat de rire dans la chambre d'un agonisant.听禄 (p. 175-176) 芦聽Ce n'est pas la religion des belles-lettres qui l'a pouss茅 脿 l'茅crire [Pantagruel]. L'id茅e lui en est venue en constatant le succ猫s d'un livret vendu sur les foires, intitul茅 les聽Grandes et inestimables Chroniques du grand g茅ant Gargantua聽dont il s'est vendu, dit-il lui-m锚me dans le Prologue du聽Pantagruel, plus d'exemplaires en deux mois qu'il ne sera achet茅 de Bibles en neuf ans. S'il ne lui 茅tait venu le d茅sir de toucher ce m锚me gros public afin de gagner de l'argent, Rabelais n'aurait sans doute jamais 茅crit que des ouvrages de m茅decine, peut-锚tre d'茅rudition sur le tard, et 脿 coup s没r une foule d'茅p卯tres en vers et autres monuments conventionnels dont il a laiss茅 quelques sp茅cimens. 摆鈥 En somme, c'est en faisant de la litt茅rature alimentaire que Rabelais d茅couvre son propre g茅nie.听禄聽 (p. 178) |
| 芦 Comment un romancier devient auteur dramatique 禄,聽翱辫茅谤补, 6 f茅vrier 1952, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996 |
| 芦聽Je n'ai pas choisi mon m茅tier. J'ai d'abord 茅crit pour mon plaisir. Et puis, 莽a s'est arrang茅. Je ne suis ni seul, ni en famille. Il n'y a plus de mouvement litt茅raire en 1952. J'ai des amis que j'aime bien.听禄 (p. 38) 芦聽Je m'assois pendant trois mois devant ma table. De pr茅f茅rence le soir. Ce n'est que la lune m'inspire, mais, en g茅n茅ral, le t茅l茅phone ne sonne pas la nuit. Je n'ai pas tenu une comptabilit茅 de mes efforts, vous m'excuserez. J'avouerai ne pas faire de brouillon, mais je recopie 芦聽au propre聽禄 apr猫s. Quand j'ai commenc茅 une sc猫ne, il faut que je la finisse. On peut penser que je suis consciencieux. Mais c'est surtout pour ne pas avoir de remords et pour bien dormir. Quand tout est fini, il ne reste plus qu'脿 couper et 脿 recommencer ce qui ne me pla卯t pas.听禄 (p. 37-38) |
| Les Tirages 脿 part du Palimugre, 1946, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
| 芦聽Autrefois, hier, l'art du romancier consistait 脿 regarder l'humanit茅 par le trou de la serrure, puis 脿 茅crire copieusement ce que tout le monde savait de ses activit茅s et de ses comportements sociaux en laissant appara卯tre de loin en loin certains aspects de l'homme un peu 茅tranges, un peu troubles, confus茅ment aper莽us par l'茅crivain 脿 travers le trou. Tous les genres du roman utilisaient ces moyens d'investigation et ce mode d'exposition. Le roman psychologique lui-m锚me se contentait de d茅crire un m茅canisme conforme aux habitudes et aux exigences de la vie en soci茅t茅, et les d茅couvertes du trou de la serrure y 茅taient aussi parcimonieuses, aussi impr茅cises que dans le roman de moeurs ou d'atmosph猫re. L'ann茅e derni猫re [1945], le trou de la serrure a saut茅 et, du m锚me coup, la porte et la muraille derri猫re lesquels s'abritait une vieille humanit茅 clandestine. Le monde, 茅tonn茅 ou feignant de l'锚tre, a d茅couvert les camps d'extermination et de torture聽: Auschwitz, Dachau, Buchenwald et autres. Dans chacun de ces camps de torture existait un personnel important compos茅 d'Allemands et d'茅l茅ments 茅trangers. Quand on demande 脿 d'anciens d茅port茅s 脿 quoi ressemblaient les bourreaux, les r茅ponses ne varient gu猫re. Ils avaient l'air de gens comme tout le monde. Des types d'humanit茅 moyenne dont la plupart n'avaient m锚me pas 茅t茅 form茅s 脿 ce genre de besogne. 脌 les voir, on pouvait tout au plus soup莽onner que, dans le priv茅, les plus m茅chants 茅taient des 茅poux un peu grognons, des chefs de famille un peu fermes, en somme bon p猫res et bons 茅poux. Il semble bien que le gouvernement allemand n'ait pas eu plus de mal 脿 constituer cette vaste organisation de mort que s'il se fut agi, par exemple, d'un service d'intendance. Le recrutement des bourreaux ne posait aucun probl猫me. 摆鈥 La litt茅rature n'avait pas oubli茅 tous ces t茅moignages de la cruaut茅 des hommes [il a fait la liste des horreurs]. Elle feignait d'y voir des accidents sans importance et, 脿 l'occasion, voulait bien s'en souvenir pour pimenter les oeuvres d'allusions voil茅es 脿 la v茅rit茅. Pour les 茅crivains, le comble de la m茅chancet茅 consistait 脿 锚tre ingrat envers son bienfaiteur, 脿 battre sa femme et 脿 mal payer ses ouvriers. Dans leurs oeuvres d'imagination, les gens ayant les pires instincts se livraient au chantage, volaient la petite 茅pargne et couraient les filles, 茅tant entendu que les assassins 茅taient des tar茅s et des anormaux. Le respect de la loi et des conventions sociales s'appelaient le respect humain. Aujourd'hui, et c'est dans l'ordre, on se h芒te de relever le mur 茅croul茅 derri猫re lequel est apparue cette horrible humanit茅 clandestine. Les romanciers vont-ils poursuivre le petit jeu qui consiste 脿 regarder par le trou de la serrure et le pourront-ils sans 锚tre un peu ridicules? Si on lit aujourd'hui聽Cousine Bette, en pensant au camp d'Auschwitz, on en sait 茅videmment un peu plus long que Balzac sur le compte de l'h茅ro茂ne. Un romancier scrupuleux, s'il se sent l'茅toffe d'un moraliste, ne pourra plus se contenter d'茅crire聽: 芦聽Irrit茅 par cette r茅flexion de la comtesse, M. de Prompignan ne r茅pondit pas et, lui tournant le dos, la planta au bord de la route.听禄 Il devra tenir compte des virtualit茅s aujourd'hui bien connues de M. de Prompignan et les transcrire dans la langue du romancier. Partageant sa page en deux par un trait vertical, il 茅crira donc en regard de la premi猫re phrase聽: 芦聽Irrit茅 par cette r茅flexion de la comtesse, M. de Prompignan lui flanqua un poing en pleine gueule et la pendit 脿 un arbre de la route.听禄 C'est l脿 une technique entre beaucoup d'autres. Plus simplement, il y aurait 脿 茅crire le roman d'un brave homme gagnant soucieusement le pain de ses enfants ch茅ris; mobilis茅, les hasards d'une affectation l'am猫nent 脿 tuer, 脿 torturer, et 脿 d茅penser avec all茅gresse un partie de ses in茅puisables r茅serves de cruaut茅 et de sadisme; rendu 脿 la vie normale, il retrouve sa petite famille avec des larmes de joie et se remet courageusement au travail. Mais, peut-锚tre qu'apr猫s tout, le romancier fera oeuvre utile en s'en tenant au trou de la serrure et en affectant de ne pas prendre au s茅rieux ce que nous savons.听禄 (p. 8-11) |
| Le Quotidien, 9 d茅cembre 1929, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
| 芦聽On reproche souvent aux jeunes 茅crivains, et il y a une grande hypocrisie dans ce reproche-l脿, d'茅crire des romans trop courts. C'est qu'ils savent 茅carter tout ce qui est d'un ennui flagrant. On 茅crivait en 1900聽: 芦聽L茅on Aubert 么ta lentement ses bretelles de soie verte, fit jouer le remontoir de sa montre en or accroch茅e 脿 une longue cha卯ne ouvr茅e barrant sa poitrine muscl茅e sous le gilet de velours marron, d茅boutonna, etc., etc.听禄 On 茅crit aujourd'hui聽: 芦聽L茅on Aubert se coucha.听禄 Tant pis pour les lecteurs d茅sireux de s'entretenir en neurasth茅nie. On peut encore douter si une promenade en automobile est plus agr茅able qu'en voiture attel茅e d'o霉 l'on d茅couvre un paysage moins fugitif. En mati猫re de roman, le doute n'est pas possible; il est des paysages qu'il faut br没ler. Les bretelles en soie verte de L茅on Aubert ne procurent aucune satisfaction dans l'ordre esth茅tique, la montre en or non plus. Ce qu'il est curieux de conna卯tre, c'est l'homme, l'homme tout nu, et son coeur, s'il en a un. De cette mani猫re d'茅crire, heureusement tomb茅e en d茅su茅tude, il nous reste encore une superstition touchant le 芦聽m茅tier聽禄 du romancier. Pour louer un roman, on dit couramment qu'il est bien observ茅. Il est admis, en effet, qu'un romancier est avant tout un observateur et, dans les nombreuses vies d'茅crivain qui paraissent actuellement, le biographe recherche avec un soin exact quels milieux, quelles ambiances ont pu fournir aux grands ma卯tres la mati猫re et la documentation d'un roman. Il y a l脿 erreur d'habitude, pr茅par茅e par l'茅cole naturaliste et consacr茅e par l'茅cole psychologique. La v茅rit茅 est qu'un romancier honn锚te, digne de nom, n'observe pas. Il re莽oit. La vie humaine, la vie secr猫te d'un 锚tre ne se d茅duit pas d'une op茅ration math茅matique trac茅e au bas d'une page de notes. On la sent. Les observations faites dans la rue, dans une usine ou dans un salon, seront utiles au philosophe, 脿 l'essayiste, au statisticien. Elles n'int茅ressent pas directement le romancier, qui joue surtout avec des impressions. Les notes, les documents mijot茅s ne peuvent que le desservir dans son oeuvre et aboutissent toujours 脿 isoler dans un fatras descriptif la nature humaine, sensible, qui importe seule. Dans un roman, il n'est pas besoin et il est dangereux, pour cr茅er une ambiance d'usine, d'accumuler des d茅tails sur une dynamo ou sur un moteur 脿 gaz pauvre. Ces d茅tails sont 脿 leur place dans des ouvrages techniques. Il suffit de dire au lecteur qu'il est dans une usine et de lui montrer des hommes. Douze vers de Verhaeren nous donnent aussi bien l'atmosph猫re des villes de labeur que trente pages de tel romancier naturaliste. Une simple phrase, m锚me si elle contredit la r茅alit茅, peut sugg茅rer plus d'impressions vraies que tout un livre de scrupuleuse documentation. 摆鈥 Dans un roman, il n'y a aucune raison 芦聽d'茅tudier聽禄 -- mot ha茂ssable 鈥� les r茅actions du m茅tier de plombier sur un individu, de pr茅f茅rence 脿 celles d'une affection de la prostate. Pourtant, un paysan ne sent pas comme un ouvrier ou un banquier聽? Sans doute, mais ce ne sont pas des m茅canismes de profession qui les diff茅rencient ou m锚me les s茅parent. C'est leur vie priv茅e, intime. Et s'il est vrai que cette vie intime soit d茅termin茅e par leur travail, ce n'est pas l'affaire du romancier. Cela est du domaine de l'茅conomie politique, de la sociologie. Il ne manque pas d'objections 脿 me faire et je ne les pr茅vois pas toutes. La premi猫re聽: vous paraissez ignorer les genres, que faites-vous du roman d'id茅es, du roman de moeurs, du roman psychologique, etc.聽?... Il n'y a pas de roman psychologique, ni de roman de moeurs, il y a le roman. Il doit 锚tre g茅n茅ral et donner l'impression de la v茅rit茅 profonde. Cette v茅rit茅, on peut la donner avec une voix baryton ou une voix de soprano, mais elle doit sortir du coeur. Se tourmenter les m茅ninges ou remuer de la documentation sont des travaux qui n'ont rien 脿 voir avec le probl猫me du roman. 摆鈥 Le m茅rite d'un roman est aussi bien d'锚tre g茅n茅ral. Pour moi, l'action d'un roman parfait ne se passerait nulle part, les personnages seraient tout nus et sans profession. Au d茅but, et en mani猫re d'avertissement, on mettrait simplement聽: l'action est 脿 Paris, ou 脿 la campagne聽; un Tel a un complet noir et vend des bonnets de coton, tel autre, etc. De sorte qu'il suffirait de changer l'avertissement pour avoir un roman nouveau.听禄 (p. 111- 114) |
| Les Nouvelles litt茅raires, 9 ao没t 1930, dans Cahier Marcel 础测尘茅, textes r茅unis par Yves-Alain Favre et Michel L茅cureur, no 6, Paris, Soci茅t茅 des Amis de Marcel 础测尘茅, 1988. |
| 芦聽Le grand succ猫s de certains romans naturalistes parmi le peuple ne doit pas faire illusion sur les possibilit茅s d'une litt茅rature prol茅tarienne. Au r茅giment, j'ai eu pour camarade de chambr茅e un ouvrier parisien, d'une vive intelligence, qui justifiait ainsi son admiration de Zola聽: 芦聽Il y a des moments o霉 c'est cochon鈥β犅� Voil脿 une admiration qui n'茅tait pas proprement litt茅raire. J'ai, d'ailleurs, rarement entendu parmi les gens du peuple un jugement sur Zola qui f没t dans un autre esprit, 脿 l'expression pr猫s聽: les plus avertis appr茅cient surtout, du ma卯tre naturaliste, une violence qui leur para卯t vengeresse. On peut objecter qu'脿 ce d茅faut de culture, la litt茅rature prol茅tarienne se propose justement de rem茅dier. Mais quelle dr么le d'id茅e聽! Les livres qui enseignent le peuple dans les belles-lettres doivent-ils 锚tre fabriqu茅s sp茅cialement pour lui聽? et ne voit-on pas ce qu'il y a de pr茅cis茅ment injurieux 脿 son 茅gard, 脿 lui infliger une litt茅rature m茅diocre sous le pr茅texte qu'elle sera 脿 sa port茅e聽? Si tel est le but de la litt茅rature prol茅tarienne, je me garderai d'y revendiquer une place, si modeste soit-elle鈥β犅� (p. 14) |
| 芦 Pri猫re d'ins茅rer 禄 脿 Travelingue, 1941, dans Pol Vandromme, 础测尘茅, Paris, Gallimard, 芦 La Biblioth猫que Id茅ale 禄, 1960. |
| 芦聽Ce qui importe, pour un roman, ce n'est pas de repr茅senter quelque chose, mais d'锚tre quelque chose.聽Comme toute cr茅ation libre, il s'achemine vers sa fin sans la conna卯tre et chaque moment nouveau fait surgir une possibilit茅 de choisir impr茅vue. 禄 (p. 153) |
| 芦 La Fin de Paris聽: critique 禄,聽Gringoire, Paris, 13 janvier 1933, dans Cahier Marcel 础测尘茅, no 4, Soci茅t茅 des Amis de Marcel 础测尘茅, 1984. |
| 芦聽[脌 propos de聽La Fin de Paris聽(1932) de Marcel Sauvage] Nous reconnaissons l脿 l'art v茅ritable du romancier, le don de cr茅er et d'imposer sa vision des choses, m锚me dans le domaine du fantastique听摆鈥. D'un bout 脿 l'autre du livre, c'est un grand 茅clat de rire. 摆鈥 L'auteur ne perd pas son temps 脿 s'excuser de la libert茅 qu'il prend avec la vraisemblance, il entre sans balancer dans le sujet avec tant d'aisance que nous acceptons la supposition sans r茅ticence.聽芦聽C'est un roman d'une fantaisie hardie, o霉 le comique n'exclut pas un certain lyrisme de bon aloi, 茅crit avec une verve et un sens de l'ironie qui appelaient justement le parrainage de Courteline. 摆鈥 Par les temps qui courent, on n'a gu猫re l'occasion de rire, et les 茅crivains, un peu crisp茅s sur leur porte-plume, ne cultivent gu猫re la fantaisie. M. Marcel Sauvage a su renouveler un genre qui mena莽ait de s'茅tioler. Depuis longtemps, l'on n'avait vu para卯tre un ouvrage d'une fantaisie aussi vive qui s没t donner au franc rire cette expression mesur茅e et spirituelle sans laquelle il n'est pas de bon comique.听禄 (p. 32) |
| 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te de Ren茅 Groos [芦 Estimez-vous que le cin茅ma ait eu ou puisse avoir une influence sur le roman? Et laquelle? 禄],聽L'Ordre, 26 octobre 1930, dans聽Cahier Marcel 础测尘茅, no 6, Paris, 脡ditions de la Soci茅t茅 des Amis de Marcel 础测尘茅, 1988. |
| 芦聽C'est une opinion r茅pandue dans le public qui lit les romans que la v茅rit茅 psychologique doit se mouler sur la r茅alit茅. Pour le lecteur, le d茅part entre les notions de r茅alit茅 et de v茅rit茅 est d'ailleurs difficile, parce que la situation et les personnages restent dans l'abstraction. Si l'on veut appr茅cier la vraisemblance du聽P猫re Goriot, par exemple, il faut l'茅voquer, et c'est un jeu auquel tout le monde ne peut pas 锚tre heureux 脿 coup s没r. Le grand m茅rite du cin茅ma, dans les oeuvres imagin茅es, sera d'avoir fait appara卯tre sans discussion que la v茅rit茅 artistique n'est pas forc茅ment conforme 脿 la r茅alit茅, qu'elle l'est m锚me assez rarement. Au cin茅ma, en effet, le spectateur est toujours en face de la r茅alit茅, puisque le film est la r茅alisation visuelle 鈥� et auditive maintenant 鈥� d'une chose imagin茅e. Par l脿 m锚me il devient relativement ais茅 de saisir 芦聽la r茅alit茅 de l'invraisemblance ou du mensonge artistique聽禄 qui sautent aux yeux. Voil脿 qui est d'une grande cons茅quence pour le romancier. Cela lui permet de penser que le document, la chose vue carnet en main, mesur茅e au compas, et habill茅s de bonne grammaire, ne sont pas des 茅l茅ments n茅cessaires et suffisants 脿 une oeuvre vraie. 脌 supposer qu'il ait un peu de toupet l'habitude du cin茅ma, il se dira qu'une oeuvre de cette fa莽on l脿 n'est, 脿 tout prendre, rien autre chose que le pendant du film documentaire. (S'il pr茅sente par hasard un int茅r锚t diff茅rent, c'est 脿 cause des erreurs qui s'y sont gliss茅es聽; d'o霉 il peut para卯tre que l'erreur est propice 脿 l'oeuvre d'art, mais c'est une chose qu'on n'oserait pas dire en dehors des parenth猫ses). Ainsi, il semble que ce soit au cin茅ma que nombre de romanciers actuels aient trouv茅 leur direction. Devant l'茅cran, ils ont d茅couvert toute la force de v茅rit茅 qui tient dans une d茅formation de la r茅alit茅聽; ou plut么t, ils ont red茅couvert, car on le savait d茅j脿聽: 鈥l dit et d茅racine un ch锚ne Des gens accusent ces romanciers-l脿 de ne donner, comme le cin茅ma, que l'illusion de la v茅rit茅. Mais qu'est-ce qu'on peut bien demander de plus聽?聽禄 (p. 23-24) |
| 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te d'Andr茅 Bridoux,聽Le Bulletin des lettres, no 19, 2猫me ann茅e, 25 juin 1933. |
| 芦聽Sans doute, les possibilit茅s presque sans fin du roman n'apparaissent-elles pas 脿 notre 茅poque, mais c'est parce que les romanciers sont trop appliqu茅s 脿 l'imitation de leurs devanciers, parce que la plupart des critiques, dans leur appr茅ciation sur les romans d'aujourd'hui, se r茅f猫rent trop volontiers aux grandes r茅ussites d'hier et d'avant hier. Une 茅cole qui se survit, et c'est le cas du naturalisme, n'offre plus 脿 l'茅crivain que des orni猫res commodes et le distrait de tout effort vers une forme nouvelle. C'est pr茅cis茅ment la fortune du roman de n'锚tre brid茅 par aucune r猫gle, de pouvoir se transformer sans cesse et bousculer les habitudes du lecteur quand les raisons profondes de la mode appellent un changement.听禄 (p. 179) |
| 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te : 芦 Y a-t-il une crise du roman fran莽ais? 禄, par Jeannine Delpech,聽Les Nouvelles litt茅raires, 18 d茅cembre 1947. |
| 芦 Pour moi, la principale qualit茅 d'un roman, c'est de ne pas 锚tre ennuyeux. L'ennui n'est pas une n茅cessit茅. Aujourd'hui, peut-锚tre y a-t-il trop de professeurs parmi les romanciers聽: ils croient qu'on peut remplacer la fl芒nerie par la logique, l'observation par la th茅orie, le mouvement par la morale, je pense aussi que beaucoup de lecteurs aimeraient tirer un enseignement moral d'un roman聽: l'art de l'auteur est de les amener 脿 trouver eux-m锚mes la morale de l'histoire qu'on leur raconte.听禄 (p. 54) |
| 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te de M. Lema卯tre,聽Le Libertaire, 13 janvier 1950, dans Cahier Marcel 础测尘茅, no 9, Paris, Soci茅t茅 des Amis de Marcel 础测尘茅, 1992. |
| 芦聽Ses ennemis auront beau mettre en jeu contre lui toutes les ressources d'une haine ing茅nieuse, Louis-Ferdinand C茅line n'en est pas moins le plus grand 茅crivain fran莽ais actuel et peut-锚tre le plus grand lyrique que nous ayons jamais eu. Le fait est que la jeune litt茅rature proc猫de de lui sans oser s'en r茅clamer. La IVe R茅publique ne s'honore pas en tenant en exil un homme de cette envergure. Elle ne se montre pas non plus tr猫s habile car un C茅line exil茅 pourrait un jour 茅crire des聽颁丑芒迟颈尘别苍迟蝉聽que tous les Fran莽ais liraient avec plaisir.听禄 (p. 55) |
| 芦 R茅ponse 禄 脿 une enqu锚te de Michel de Saint-Pierre,聽Les Nouvelles litt茅raires, 3 octobre 1957, dans Michel L茅cureur,聽Marcel 础测尘茅. Confidences et propos litt茅raires, Paris, Les Belles Lettres, 1996. |
| 芦聽L'茅crivain ne peut plus 锚tre le t茅moin de son temps puisque le public est amplement renseign茅 par la presse, la radio, le cin茅ma et la t茅l茅 鈥� sans compter les ouvrages de documentation. L'茅crivain devrait 锚tre non plus le t茅moin, mais la conscience de son temps. Aussi refusera-t-il de s'engager, car il lui faut pouvoir dire tout comme une conscience聽: 芦聽Hier je me suis tromp茅聽禄 ou 芦聽Hier j'ai menti sur tel point dans l'int茅r锚t de ce que je croyais 锚tre la v茅rit茅聽禄 ou encore聽: 芦聽Un tel qui pense comme moi est un malhonn锚te homme.听禄 (p. 7) |
