Samuel Beckett
(1906-1989)
Dossier
Le roman selon Samuel Beckett
Respirer - L'écriture et le roman selon Samuel Beckett, par Xavier Phaneuf-Jolicoeur |
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« Bon qu’à ça », voilà la réponse laconique de Samuel Beckett (1906-1989) à une question qui lui était posée en 1985 par le journal ³¢¾±²úé°ù²¹³Ù¾±´Ç²Ô : « Pourquoi écrivez-vous[1] ? » La boutade ne doit pas surprendre : l’écrivain d’origine irlandaise, célèbre pour son théâtre[2], mais aussi pour ses trois romans majeurs, Molloy, Malone meurt (1951) et ³¢â€™I²Ô²Ô´Ç³¾³¾²¹²ú±ô±ð (1953)[3], résistera fréquemment à l’idée d’expliquer sa démarche : « L’erreur, la faiblesse tout au moins, c’est peut-être de vouloir savoir de quoi on parle. À définir la littérature, à sa satisfaction, même brève, où est le gain, même bref ? De l’armure que tout ça, pour un combat exécrable.[4] » Il refusera presque toute entrevue[5], réitérant son inaptitude à parler de son Å“uvre, même lorsqu’il remporte le Nobel, en 1969 :
La présente étude, que Beckett aurait sans doute considérée comme un exemple de « démence universitaire[7] », visera à cerner sa pensée diffuse de l’écriture et du roman, à partir de ses rares entretiens, de certains de ses hermétiques textes critiques – qui datent du début de sa carrière d’écrivain et qu’il juge sévèrement[8] – et, surtout, de son imposante correspondance. Il s’agira d’abord d’éclairer la notion de séparation qui caractérise son esthétique, puis la relation ambiguë qu’il établit entre fond et forme. Ayant montré comment Beckett tente de s’avancer vers l’impuissance, on pourra analyser la manière dont il conçoit l’exigence propre au roman. Enfin, l’on évoquera, en ouverture, le rapport entre l’œuvre beckettienne et la détresse. Une esthétique de la séparation. Dès ses premières tentatives critiques, antérieures à sa sortie du monde universitaire[9], Beckett accorde une place importante à la rupture entre soi et ce qui nous entoure. En effet, en 1931, il publie Proust, un court livre sur l’écrivain du même nom, étude qui en dit long, de son propre aveu, sur sa jeune esthétique[10], puisqu’il y voit « at its best a distorted steam-rolled equivalent of some aspect or confusion of aspects of myself[11] ». Dans ce texte, Beckett fait de l’impossible synchronisme entre sujet et objet – en l’espèce entre Marcel et Albertine – une catastrophe centrale à l’œuvre de Proust, y voyant la tragédie-type de la relation humaine vouée à l’échec[12]. Selon cette lecture, l’être humain serait essentiellement seul, isolé – « [w]e cannot know and we cannot be known[13] » – et l’art serait l’ « apotheosis of solitude » où toute communication est impossible « because there are no vehicles of communication[14] ». C’est aussi sur une telle « rupture of the lines of communication » qu’insiste Beckett lorsqu’il considère certains poètes irlandais de son temps : ces derniers représenteraient « the space that intervenes between [them] and the world of objects », comme « no-man’s land », « Hellespont » ou « vacuum[15] ». De cette séparation, rattachée à l’incommunicabilité, découle d’ailleurs un élément central de l’esthétique beckettienne : la nécessité pour l’art de désigner ce qui nous éloigne du monde, mais aussi – et peut-être surtout – ce qui nous éloigne de nous-mêmes. Les analyses de Beckett, qui en disent souvent davantage sur sa propre vision de l’art que sur celle des artistes qu’il étudie[16], sont particulièrement éclairantes à ce sujet lorsqu’elles se déploient sur la peinture. Par exemple, Beckett écrit, dans une lettre de 1934, que ce qu’il admire, chez Cézanne, c’est « the sense of his incommensurability not only with life of such a different order as landscape but even with life of his own order, even with the life °Ú…] operative in himself[17] ». De même, Beckett dialoguera intensément, pendant quelques années, avec le spécialiste d’art Georges Duthuit ; leurs débats, contemporains à l’écriture des trois romans en français, seront l’occasion de certaines des formulations les plus consistantes de l’esthétique beckettienne[18]. L’écrivain y soulignera, par exemple, dans la peinture de Bram van Velde – dont il se sent très proche, puisqu’il dit avoir « besoin d’une main dans la [s]ienne dans [s]on tort[19] » – que ce dernier aurait « sais[i] que la rupture avec le dehors entraîne la rupture avec le dedans[20] ». Dans les Three Dialogues (1949) – que Beckett dira regretter en 1965[21] –, une version retravaillée et publiée de certains échanges avec Duthuit[22], l’écrivain énonce les conséquences de cette impossibilité d’établir le moindre rapport, qu’il place au cÅ“ur de l’existence humaine :
Il faut, pour rendre les nuances de la pensée esthétique de Beckett – et son humour –, souligner que ce dernier sent tout à fait la démesure qui se rattache à une telle exigence[24]. Dans les Dialogues, par exemple, il se tourne fréquemment en ridicule, orchestrant si bien l’échange que le « Duthuit » fictif en vient à lui répondre que ses propos ne sont qu’ « a violently extreme and personal point of view », complètement inutile à leur débat, ce qui laisse Beckett coi[25]. La question n’en est pas moins sérieuse, pour l’écrivain, et il ne cessera, au fil des lettres qui inspireront et continueront les Three Dialogues, de tenter de formuler son idéal esthétique :
Ailleurs, il avancera plutôt que « la seule réponse possible » est de considérer la peinture de van Velde comme « inexpressive » ; il y aurait une « lâcheté » à affirmer « qu’elle exprime l’impossibilité de rien exprimer », parce que ce serait le « ramener tambour battant au bercail[27]. » Lucide, l’écrivain paraît conscient de la tension inhérente à son esthétique, concédant que son point de vue le place dans une « situation littéralement impossible », celle de l’ « absolu[28] ». En outre, c’est probablement cette séparation intrinsèque à l’être humain – par rapport au monde, au savoir, à lui-même – qui mène Beckett à privilégier un art qui serait interrogatif avant tout – « art [that] raises questions that it does not attempt to answer[29]. » Dans un texte de 1938, assez représentatif malgré son emphase, il écrit que l’artiste serait celui qui voit et fait voir « la monotone centralité de ce [que] chacun veut, pense, fait et souffre, de ce qu’un chacun est », celui qui se consacre à cette vision « alors qu’il n’y [voit] goutte, mais avant [d’avoir] accepté de n’y voir goutte[30] ». La mise à distance des autres et de soi pourrait d’ailleurs conduire à la découverte, par un artiste, de sa propre voie ; appelé à conseiller un écrivain plus jeune que lui, Beckett lui recommandera simplement : « éloignez-vous et de mon travail et de vous-même[31] ». Le fond et l’informe. Quoique la séparation soit au cœur de l’esthétique de Beckett, il se refuse à écarter, lorsqu’il est question d’écriture littéraire, la forme et le sens. Dans un article sur ce qui allait devenir Finnegans Wake, le jeune Beckett insiste d’ailleurs sur le trait suivant, qui le frappe chez Joyce :
Il réitère, beaucoup plus tard, l’importance de cet étroit rapport qui unit à ses yeux forme et contenu, répondant aux commentaires de Barbara Bray sur Comment c’est (1961), où elle voit de la poésie « pure if not simple » : « You have "understood" the book as no one so far. °Ú…] What you say of its being not about something, but something, is exactly what I wrote of Finnegans[33] ». Beckett s’appuie sur cette inséparabilité de la forme et du contenu, importante à sa conception de l’écriture, pour distinguer son Å“uvre de celle de Kafka, auquel on le compare souvent. En 1954, il écrit : « Je me rappelle avoir été gêné par le côté imperturbable de sa démarche. Je me méfie des désastres qui se laissent déposer comme un bilan[34]. » Quelques années plus tard : « What struck me as strange in Kafka was that the form is not shaken by the experience it conveys[35]. » Beckett considère que, chez Kafka, « form is classic, it goes on like a steamroller – almost serene », c’est-à -dire que « the consternation is in the form », tandis que dans sa propre écriture « there is consternation behind the form, not in the form[36] ». Cette idée, a priori un peu obscure, l’écrivain l’éclaire vaguement lorsqu’il affirme, en entretien, que l’art ne peut faire autrement, à l’époque qui est la sienne, que de faire place à un certain désordre – « the mess » – qui constitue « the very opposite of form » et qui est « destructive of the very thing that art holds itself to be[37] ». La position de Beckett quant à l’interaction entre ce désordre et la forme est complexe, voire contradictoire, et tient à un équilibre précaire en vertu duquel l’artiste devrait, d’une part, éviter de générer un total désordre dépourvu de forme et, de l’autre, se garder d’imposer un ordre formel au désordre :
Dans une entrevue donnée près du moment où il reçoit le Nobel, Beckett brouille davantage les cartes, laissant entrevoir la difficulté du travail qui serait celui de l’écrivain. Beckett affirme s’être libéré, comme le compositeur Schönberg ou le peintre Kandinsky, de « certain formal concepts », se tournant comme ces deux artistes vers une sorte d’abstraction, mais évitant, contrairement à eux, de lui trouver « yet another formal context[39] ». Il faut au passage préciser que l’abstraction dont il est ici question n’est pas intellectuelle ; c’est celle de la séparation évoquée plus haut, à laquelle renvoie par exemple Beckett pour décrire un décor rêvé pour sa pièce En attendant Godot : « sordidement abstrait comme la nature l’est[40] ». Quant à la difficulté de la tâche de l’écrivain telle que la conçoit Beckett, on en prend la mesure lorsqu’il déclare :
Le caractère insaisissable du rapport entre fond et forme découlerait de ce labeur impossible de l’écrivain qui ne peut rien affirmer ou infirmer ; devant l’impasse, c’est « [p]aradoxalement » à travers « la forme que l'artiste peut trouver une sorte d'issue » : « En donnant forme à l’informe. Ce n'est peut-être qu'à ce niveau qu'il y aurait une affirmation sous-jacente[42]. » Mal s’armer pour faire fausse route. Dans une lettre de 1954, après avoir quelque peu minimisé l’influence exercée sur son Å“uvre par des auteurs l’ayant précédé, Beckett se décrit comme un « piètre lecteur, incurablement distrait, à l’affût d’un ailleurs[43] ». Il avance du même souffle que les lectures qui l’ont « le plus marqué » sont celles qui l’ont le mieux renvoyé « à cet ailleurs[44] ». Quoi qu’il en dise, un simple regard sur sa correspondance et ses écrits critiques suffit à révéler la richesse de sa culture littéraire et l’importance de son rapport à la tradition[45]. Et le prédécesseur auquel Beckett a le plus été comparé – celui dont il a, par conséquent, le plus été appelé à se distinguer – est James Joyce, qu’il a connu lors de son passage à l’École normale à Paris, de 1928 à 1930[46]. La manière dont Beckett décrit la relation entre leurs démarches est pertinente pour comprendre son écriture, d’abord parce qu’elle est indicative des rapports généraux qu’il entretient avec la tradition littéraire, mais aussi parce qu’elle lui sert à articuler l’esthétique qui lui est propre. D’entrée de jeu, il est difficile de minimiser l’influence que Joyce exerce sur le jeune Beckett. Ce dernier révèle qu’il cherche à se débarrasser de cet ascendant dont il a bien conscience – « I vow I will get over J.J. ere I die. Yessir[47]. » –, notamment lorsqu’il constate, au sujet d’un texte narratif qui sera transformé et intégré à son premier roman (Dream of Fair to Middling Women, publié seulement en 1992, soit après sa mort) : « it stinks of Joyce in spite of most earnest endeavours to endow it with my own odours[48]. » Ainsi, bien que Beckett ait parfois nié avoir été influencé par Joyce – autrement que par son intégrité artistique, qu’il admire et dont il se revendique fréquemment[49] – il concède, en 1989, la possibilité d’une influence « ab contrario[50] ». Joyce peut sous cet angle être considéré comme une sorte de repoussoir pour Beckett, par exemple lorsqu’il affirme avoir « senti de bonne heure que la chose qui [l±Õ’appelait et les moyens dont [il] pouvai[t] disposer étaient pratiquement à l’opposé de [l]a chose [de Joyce] et de ses moyens à lui[51] ». Dans un entretien de 1956, il explique la spécificité de sa propre écriture à partir de la démarche de son imposant prédécesseur :
Il ne s’agit bien sûr pas uniquement, pour Beckett, de s’opposer à Joyce ; son écriture répond à une constatation liée à sa propre réalité : « anyone nowadays who pays the slightest attention to his own experience finds it the experience of a non-knower, a non-can-er[53] ». La place de cette impuissance et de cette inconnaissance dans sa démarche, Beckett l’illustre souvent, de façon presque mécanique, en s’appuyant des locutions qu’il n’explique jamais de façon très détaillée – l’une due à Démocrite, l’autre au philosophe du 17e siècle Arnold Geulincx. Des commentaires elliptiques sur son œuvre, qu’il consent à formuler en 1967, en témoignent :
L’écrivain se plaît d’ailleurs à situer très précisément dans sa vie le constat, la prise de conscience saisissante – malgré ses racines antérieures –, qui le mènera à accorder un tel rôle à la négativité dans son écriture. Beckett raconte en effet qu’il aurait connu une véritable révélation dans la chambre de sa mère, qu’il visitait peu après la guerre ; ce serait ce moment charnière qui lui aurait permis d’enfin apercevoir le chemin qu’il aurait à suivre comme écrivain, alors qu’il allait entamer la rédaction de Molloy et des deux romans suivants[55]. Beckett le confirme à James Knowlson : il aurait vécu, à l’instar de l’un de ses personnages, Krapp, une sorte d’illumination inversée – « the dark I have always struggled to keep under is in reality my most [precious ally[56]] ». Cette prise de conscience du rôle que pourrait jouer la noirceur, l’insuffisance, dans son œuvre – peut-être une voie vers cet ailleurs qu’il cherchait comme lecteur – n’est d’autre part pas étrangère à son passage au français après 1945. En effet, lorsqu’on l’interroge sur sa transition linguistique, Beckett précise, dans une lettre plutôt télégraphique de 1982 :
Ainsi, il semble que, pour parvenir au dépouillement – mais aussi pour établir une distance féconde entre son écriture et lui – Beckett ait cherché des façons de satisfaire un désir aporétique : son « besoin d’être mal armé[58] », selon une expression de 1954. Avant d’aborder la conscience générique de Beckett, il paraît utile de souligner qu’il est loin de considérer le dénuement comme la seule voie artistique possible. Après avoir mentionné qu’il avait « jusqu’en 1946 » tenté de « savoir, afin d’être en mesure de pouvoir », s’apercevant qu’il « faisai[t] fausse route », Beckett concède qu’il n’y a peut-être au final « que des fausses routes » et que le l’écrivain doit « pourtant trouver la mauvaise route qui [lui] convient[59]. » Non seulement Beckett est-il ouvert à la possibilité que sa démarche soit erronée, mais il admet même que « quelque part, [le désir de totalité et celui de pauvreté] doivent se rejoindre », ce qui le relie à des prédécesseurs dont il a longtemps cherché à se distinguer, notamment Joyce et Proust[60]. Ainsi, même lorsqu’il explique, dans une lettre de 1937 écrite en allemand, combien l’ « apotheosis of the word » de Joyce a peu à voir avec sa propre pratique, il ne peut s’empêcher de préciser : « [u]nless perhaps Ascension to Heaven and Descent to Hell are somehow one and the same » ; « How beautiful it would be to be able to believe that that indeed was the case[61]. » L’exigence du roman. Beckett ne semble pas avoir défini explicitement le genre romanesque, ce qui ne signifie pas qu’il n’ait pas exprimé, à plusieurs reprises dans son discours sur son œuvre, l’importance des distinctions génériques. Il les utilise lui-même – dont celle de roman – pour décrire ses œuvres, notamment dans sa correspondance[62], et il insiste souvent sur la nécessité de séparer les textes selon leurs spécificités. Cette position est évidente lorsqu’il s’oppose, dans une lettre de 1957, à l’adaptation pour le cinéma d’un texte composé pour le théâtre : « If we can’t keep our genres more or less distinct, or extricate them from the confusion that has them where they are, we might as well go home and lie down[63]. » Beckett considère en outre que sa production romanesque possède un caractère propre – probablement parce que forme et sens s’y allient – qui la distinguerait de l’affirmation directe d’idées ou de concepts : « Si le sujet de mes romans pouvait s’exprimer en termes philosophiques, je n’aurais pas eu de raison de les écrire[64]. » Autre particularité : contrairement à la nouvelle, le roman permet, grâce à son ampleur, que certaines précisions « be dealt with later », « there being leisure in the novel, and in the short story not[65] ». Mais la spécificité de l’écriture romanesque, aux yeux de Beckett, apparaît le plus clairement lorsque celle-ci est mise en rapport avec la production dramatique. D’abord, selon lui, il faut éviter de confondre les textes où les mots priment avec ceux qui sont faits pour être joués. En effet, Beckett écrivait en 1937 : « the poetical play can never come off as play, nor when played as poetry either, because the words obscure the action and are obscured by it[66] ». C’est d’ailleurs peut-être parce qu’il accorde plus d’importance à l’action qu’aux mots que le théâtre peut servir d’échappatoire : « I turned to writing plays [in 1947] to relieve myself of the awful depression the prose led me into[67] » ; « [I] began to write Godot [in 1948] as a relaxation, to get away from the awful prose I was writing at the time[68] ». En outre, le « soulagement » du théâtre est tel qu’il peut empiéter sur le véritable projet d’écriture, ce que sentira Beckett, en 1969, alors qu’il déclarera vouloir se « tenir loin du théâtre » et de la mise en scène pour arriver à « travailler[69] ». La comparaison avec le théâtre permet de comprendre que le caractère insoutenable du roman, ce qui le rend si exigeant pour l’écrivain, paraît étrangement découler, chez Beckett, de son absence d’exigences – its « wildness and rulelessness[70] » –, du peu de règles qui l’encadrent. Ce constat s’impose lorsque Beckett indique qu’il « n’envisageai[t] pas une carrière de dramaturge », mais qu’il est arrivé au théâtre parce que « le travail du romancier est dur », celui-ci « s’avan[çant] dans le noir[71] ». Il ajoute, sans équivoque :
Par contraste, le roman semble parfois conçu comme une forme redoutablement libre, ce qui a bien sûr ses avantages pour le créateur : « Quand j'ai écrit la première phrase de Molloy, je ne savais pas où j'allais. Et quand j'ai achevé la première partie, j'ignorais comment j'allais continuer. Tout est venu comme ça. Sans rature. Je n'avais rien préparé. Rien élaboré[73]. » L’écriture romanesque lui vient si naturellement, durant sa prolifique période d’après-guerre, qu’il admet avoir été en mesure de rédiger la dernière page de ³¢â€™I²Ô²Ô´Ç³¾³¾²¹²ú±ô±ð alors qu’il n’en était encore qu’à la trentième, puisque l’issue du livre « fai[sait] [déjà ] si peu de doute, quels que soient les tortillements [qui l’en séparaient], °Ú…] dont [il] n’a[vait] qu’une idée des plus vagues[74] ». Aux yeux de Beckett, il semble toutefois que la liberté du roman, sa fécondité, aille de pair avec ses écueils, ce que l’on entrevoit lorsque Beckett confie avoir écrit Molloy, Malone meurt et ³¢â€™I²Ô²Ô´Ç³¾³¾²¹²ú±ô±ð « avec élan, dans une sorte d’enthousiasme », mais « très difficilement[75] ». C’est que, paradoxalement, la liberté presque totale du roman conduit, chez Beckett, à l’impasse. Il écrit, en 1954 : « I think my writing days are over. ³¢â€™I²Ô²Ô´Ç³¾³¾²¹²ú±ô±ð finished me or expressed my finishedness[76] ». De même, en 1961, il affirme que « pendant longtemps » après la rédaction des trois romans, il n’a « plus vu du tout ce [qu’il] pourrai[t] dire », se sentant « enfermé dans un cercle » qu’il essayait de briser[77]. Le remède et le mal semblent presque se confondre lorsque Beckett explique, dans un entretien de 1968, que la seule issue, la seule possibilité créatrice consiste à pousser plus loin l’exigence même qui l’avait mené à l’incapacité d’écrire :
Le paradoxe de l’écriture romanesque – tirant sa fécondité de sa stérilité, brisant le silence et y retournant – est manifeste lorsque Beckett déclare, traversant l’un de ses nombreux moments de doute quant à son écriture, en 1957, qu’il doit : « either get back to nothing again and the bottom of all the hills again like before Molloy or else call it a day[79] ». En 1960, il note, limpide :
Le sensible et la détresse. On commence à saisir que, chez Beckett, la « révélation » de la voie qui lui est propre, après la guerre, a peu à voir avec une exploration formelle ou un exercice cérébral. L’écrivain précise au contraire l’aspect d’abord intuitif de la découverte faite dans la chambre de sa mère : « Jusque-là , j'avais cru que je pouvais faire confiance à la connaissance. Que je devais m'équiper sur le plan intellectuel. Ce jour-là , tout s'est effondré[81]. » Il explique, de même, à un journaliste : « Je ne suis pas un intellectuel. Je ne suis que sensibilité. J’ai conçu [Molloy] et la suite le jour où j’ai pris conscience de ma bêtise. Alors je me suis mis à écrire les choses que je sens[82]. » La boucle est soudain bouclée – et l’on peut enfin imaginer les raisons qui conduiraient un artiste à accepter de se livrer à l’irréalisable labeur que Beckett lui confie. C’est peut-être ce que ce dernier tente d’expliquer à Georges Duthuit, en 1949, alors qu’il se débat face à la peinture de van Velde : « Si tu me demandes pourquoi la toile ne reste pas blanche, je peux seulement invoquer cet inintelligible besoin, à tout jamais hors de cause, d’y foutre de la couleur, fût-ce en y vomissant son être[83]. » Et l’urgence – inintelligible soit, mais sensible – ramène Beckett à l’insoluble problème de la forme : « Dans ce sacré monde, tout nous invite à l’indignation… Mais au niveau du travail… Que pourrait-on dire ?... Rien n’est dicible[84]. » Il remarque à ce propos : « We cannot listen to a conversation for five minutes without being acutely aware of the confusion. It is all around us and our only chance now is to let it in. The only chance of renovation is to open our eyes and see the mess. It is not a mess you can make sense of[85]. » Ouvrant l’œil et l’oreille, réalisant que « quand on s'écoute, ce n'est pas de la littérature qu'on entend[86] », Beckett relie de près sa démarche à une conscience de la détresse qui l’entoure :
Ce Beckett, dont un reflet inattendu nous apparaît, est loin de se complaire dans les jeux formels, la négativité vide ; s’il s’est toujours refusé à expliquer son œuvre, à la théoriser, c’est sans doute parce qu’à ses yeux on écrit pour une raison très simple : « pour pouvoir respirer[88] ». Bibliographie : Textes critiques écrits par Beckett :
Entretiens et discussions avec Beckett :
Correspondance :
Autres sources :
Les romans de Beckett :
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[1] S. Beckett, « Lettre à Mathieu Lindon, 24 février 1985 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, p. 652. [2] Notamment grâce à la pièce En attendant Godot : voir J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 349-355 ; voir aussi G. Craig, M. D. Fehsenfeld, D. Gunn et L. M. Overbeck (dir.), The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. xxvii. [3] Voir la chronologie de l’œuvre romanesque de Beckett à la fin du présent texte. [4] S. Beckett, « Lettre à Georges Duthuit, 11 août 1948 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 96. [5] Voir, par exemple, S. Beckett, « Lettre à Jérôme Lindon, 8 janvier 1953 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 347 : « À toute demande d’interview, d’où qu’elle vienne, vous pouvez toujours et plus que jamais répondre non ». [6] J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210. [7] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (29 octobre 1973), p. 32. [8] Voir S. Beckett, « Lettre à Lawrence Harvey, 28 octobre 1963 », « Lettre à Martin Esslin, 9 novembre 1965 » et « Lettre à John Calder, 23 novembre 1965 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 577 et 678. [9] Qui n’allait tarder (voir S. Beckett, « Lettre à Thomas McGreevy, 11 mars 1931 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 72). [10] Plus tard, Beckett dira de ce texte : « [Proust] is a very youthful work, but perhaps not entirely beside the point. Its premises are less feeble than its conclusions. » (« Lettre à Barney Rosset, 25 juin 1953 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 385.) [11] S. Beckett, « Lettre à Thomas McGreevy, 11 mars 1931 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 72. [12] S. Beckett, Proust (1931), Samuel Beckett. The Grove Centenary Edition, vol. 4, p. 515. [13] Ibid., p. 540. [14] Ibid., p. 539 [15] S. Beckett, « Recent Irish Poetry » (1934), Disjecta, p. 70. [16] Voir J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 181, 248 et 324. [17] S. Beckett, « Lettre à Thomas McGreevy, [16 septembre 1934] », The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 227. [18] G. Craig, M. D. Fehsenfeld, D. Gunn et L. M. Overbeck (dir.), The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. xxvii-xxviii. [19] S. Beckett, « Lettre à Georges Duthuit, 9 mars 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 136-137 ; Beckett admet, dans une lettre à Bram van Velde, que leurs positions ne sont pas identiques, puisque que le peintre « résist[e] en artiste, à tout ce qui [l’] empêche d’œuvrer », tandis que l’écrivain « cherche le moyen de capituler sans [s]e taire – tout à fait. » (S. Beckett, « Lettre à Bram van Velde, 14 janvier 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 113) [20] S. Beckett, « Lettre à Georges Duthuit, 9 mars 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 136-137. [21] S. Beckett, « Lettre à Martin Esslin, 9 novembre 1965 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 678 : « Rightly or wrongly I regret the Duthuit Dialogues and prefer not to have them broadcast. » [22] C. J. Ackerley et S. E. Gontarski, The Grove Companion to Samuel Beckett, p. 577. [23] S. Beckett, « Three Dialogues » (1949), Disjecta, p. 139. [24] Beckett écrit, par exemple : « Il ne faut pas trop prendre au sérieux mes idées fixes, visions fixes et balbutiements d’affolé » (S. Beckett, « Lettre à Georges Duthuit, 2 mars 1954, The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 472.) [25] S. Beckett, « Three Dialogues » (1949), Disjecta, p. 139. [26] S. Beckett, « Lettre à Georges Duthuit, 9 mars 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 136-137. [27] S. Beckett, « Lettre à Georges Duthuit, mardi [? 28 juin 1949] », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 168. [28] Ibid. [29] T. F. Driver, « Beckett by the Madeleine » (1961), p. 219-220. [30] S. Beckett, « Les deux besoins » (1938), Disjecta, p. 55 ; dans un autre texte précoce, où Beckett parodie un exercice universitaire en étudiant l’œuvre d’un artiste de son invention – Jean du Chas, dont il partagerait la date de naissance –, Beckett qualifie son art de « parfaitement intelligible et parfaitement inexplicable » (« Le concentrisme » (1930), Disjecta, p. 43). [31] S. Beckett, « Lettre à Charles Juliet, 1er juin 1969 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, p. 161-162. [32] S. Beckett, « Dante . . . Bruno . Vico . . Joyce » (1929), Disjecta, p. 27 ; Beckett relève aussi ce trait dans Proust (1931), p. 551. [33] S. Beckett, « Lettre à Barbara Bray, 17 février 1961 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 397-398. [34] S. Beckett, « Lettre à Hans Naumann, 17 février 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 462. [35] C’est ce que Beckett aurait écrit à Ruby Cohn le 17 janvier 1962 (G. Craig, M. D. Fehsenfeld, D. Gunn et L. M. Overbeck (dir.), The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, note 1, p. 590). [36] I. Shenker, « Moody Man of Letters » (1956), p. 148. [37] T. F. Driver, « Beckett by the Madeleine » (1961), p. 219. [38] Ibid. [39] J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210. [40] S. Beckett, « Lettre à George Duthuit, mercredi [3 janvier 1951] », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 216. [41] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (11 novembre 1977), p. 68. [42] Ibid., p. 35-36. [43] S. Beckett, « Lettre à Hans Naumann, 17 février 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 462. [44] Ibid. [45] Voir J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 70, 107, 114, 122, 157, 161, 204-206, 217 et 269 ; voir généralement S. Beckett, « Dante . . . Bruno . Vico . . Joyce » (1929) et Proust (1931). [46] Voir J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 96, 104-112, 120 et 156 ; J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210. [47] S. Beckett, « Lettre à Samuel Putnam, 28 juin 1932, The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 108. [48] S. Beckett, « Lettre à Charles Prentice, 15 août 1931, The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 81-82. [49] Voir, par exemple, J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210 ; S. Beckett, « Lettre à Hans Naumann, 17 février 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 461 ; J. Knowlson et E. Knowlson (dir.), Beckett Remembering: Remembering Beckett, p. 47-49. [50] J. Knowlson et E. Knowlson (dir.), Beckett Remembering: Remembering Beckett, p. 47-49. [51] S. Beckett, « Lettre à Hans Naumann, 17 février 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 461. [52] I. Shenker, « Moody Man of Letters » (1956), p. 148. [53] Ibid., p. 148-149. [54] S. Beckett, « Lettre à Sig[h]le Kennedy, 14 juin 1967 », Disjecta, p. 113 ; voir aussi J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210 ; S. B. « Lettre à Georges Duthuit, samedi [le ou après le 30 avril, avant le 26 mai 1949], The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 148 ; S. Beckett, « Lettre à Thomas McGreevy, 16 janvier [1936] », The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 299. [55] J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 318-320, 686 (note 55) ; voir aussi Paul Lawley, « "The Rapture of Vertigo". Beckett's Turning-Point », p. 28-29. [56] J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 318-319 ; il s’agit de la pièce Krapp’s Last Tape et la précision entre crochets provient de Beckett lui-même, plus précisément d’une note de 1987 à James Knowlson. [57] S. Beckett, « Lettre à Carlton Lake, 3 octobre 1982 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, p. 592-593. [58] S. Beckett, « Lettre à Hans Naumann, 17 février 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 461-462. [59] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (14 novembre 1975), p. 53. [60] Ibid., p. 55. [61] S. Beckett, « Lettre à Axel Kaun, 9 juillet 1937 », Disjecta, p. 172. [62] Voir, par exemple, S. Beckett, « Lettre à Hans Naumann, 17 février 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 461 ; S. Beckett, « Lettre à Kay Boyle, 28 mai 1957 » et « Lettre à François Beloux, 24 septembre 1957 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 48-49 et 65. [63] S. Beckett, « Lettre à Barney Rosset, 27 août 1957 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 64. [64] G. d’Aubarède, « En attendant… Beckett » (1961), p. 7. [65] S. Beckett, « Lettre à Kay Boyle, 28 mai 1957 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 48-49. [66] J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 230. [67] D. Bair, A Biography : Samuel Beckett, p. 361 (Bair cite un échange de 1972 entre Beckett et lui). [68] Ibid., p. 381 [69] S. Beckett, « Lettre à Jérôme Lindon, 20 novembre 1969 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, p. 196. [70] D. Bair, A Biography : Samuel Beckett, p. 381 [71] P.-L. Mignon, « Le théâtre de A jusqu'a Z : Samuel Beckett », p. 8. [72] Ibid. [73] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (24 octobre 1968), p. 19. [74] S. Beckett, « Lettre à Georges Duthuit, 1er juin 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 160. [75] G. d’Aubarède, « En attendant… Beckett » (1961), p. 7. [76] S. Beckett, « Lettre à Barney Rosset, 21 août 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. p. 497. [77] G. d’Aubarède, « En attendant… Beckett » (1961), p. 7. [78] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (24 octobre 1968), p. 20-21 [79] S. Beckett, « Lettre à Barbara Bray, 29 novembre 1958 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 183-184. [80] S. Beckett, « Lettre à Matti Megged, 21 novembre 1960 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 376-377. [81] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (29 octobre 1973), p. 39. [82] G. d’Aubarède, « En attendant… Beckett » (1961), p. 7. [83] S. Beckett, « Lettre à George Duthuit, 9 mars 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 137. [84] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (11 novembre 1977), p 67. [85] T. F. Driver, « Beckett by the Madeleine » (1961), p. 218-219. [86] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (24 octobre 1968), p. 12. [87] T. F. Driver, « Beckett by the Madeleine » (1961), p. 221. [88] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (29 octobre 1973), p. 43. |
Bibliographie
Ouvrages cités |
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Citations
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Proust (1930) : |
BAIR, Deirdre.ÌýA Biography: Samuel Beckett, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1978, 736 p. |
“I turned to writing plays to relieve myself of the awful depression the prose led me into,†Beckett commented in 1972. “Life at that time [note : ce chapitre porte sur les années 1946-1948] was too demanding, too terrible, and I thought theater would be a diversion .†(p. 361) |
COHN, Ruby (éd.).ÌýDisjecta. Miscellaneous Writings and a Dramatic Fragment by Samuel Beckett, New York, Grove Press Inc., 1984, 178 p. |
Dante . . . Bruno . Vico . . Joyce (1929) : On turning to theÌýWork in ProgressÌýwe find that the mirror is not so convex. Here is direct expression – pages and pages of it. And if you don't understand it, Ladies and Gentlemen, it is because you are too decadent to receive it. You are not satisfied unless form is so strictly divorced from content that you can comprehend the one almost without bothering to read the other. The rapid skimming and absorption of the scant cream of sense is made possible by what I may call a continuous process of copious intellectual salivation. The form that is an arbitrary and independent phenomenon can fulfil no higher function than that of stimulus for a tertiary or quartary conditioned reflex of dribbling comprehension. °Ú…] (p. 26) Les deux besoins (1938) : Il n'y a sans doute que l'artiste qui puisse finir par voir (et, si l'on veut, par faire voir aux quelques-uns pour qui il existe) la monotone centralité de ce qu'un chacun veut, pense, fait et souffre, de ce qu'un chacun est. N'ayant cessé de s'y consacrer, même alors qu'il n'y voyait goutte, mais avant qu'il n'eût accepté de n'y voir goutte, il peut à la rigueur finir par s'en apercevoir. °Ú…] (p. 55) Humanistic Quietism (1934) : All poetry, as discriminated from the various paradigms of prosody, is prayer. °Ú…] (p. 68) Recent Irish Poetry (1934) : I propose, as rough principle of individuation in this essay, the degree in which the younger Irish poets evince awareness of the new thing that has happened, or the old thing that has happened again, namely the breakdown of the object, whether current, historical, mythical or spook. The thermolaters – and they pullulate in Ireland – °Ú…], would no doubt like this amended to breakdown of the subject. It comes to the same thing – rupture of the lines of communication. Intercessions by Denis Devlin (1938) : [Poetry's] own terms, that is terms of need, not of opinion, still less of faction; opinion being a response to and at least (at best) for a time an escape from need, from one kind of need, and art, in this case these poems, no more (!) than the approximately adequate and absolutely non-final formulation of another kind. Art has always been this – pure interrogation, rhetorical question less the rhetoric – whatever else it may be obliged by the ‘social reality' to appear, but never more freely so than now, when social reality (pace ex-comrade Radek) has severed the connexion. (p. 91) La peinture des van Velde ou Le monde et le pantalon (1945-1946) : Ici [chez G. van Velde] tout bouge, nage, fuit, revient, se défait, se refait. Tout cesse, sans cesse. On dirait l'insurrection des molécules, l'intérieur d'une pierre un millième de seconde avant qu'elle ne se désagrège.Ìý Peintres de l'empêchement (1948) : L'un dira : Je ne peux voir l'objet, pour le représenter, parce qu'il est ce qu'il est. L'autre : Je ne peux voir l'objet, pour le représenter, parce que je suis ce que je suis. Three Dialogues (1949) : I. Tal Coat °Ú…] II. Masson °Ú…] III. Bram van Velde °Ú…] |
RAIG, George, Martha Dow FEHSENFELD, Dan GUNN et Lois More OVERBECK (éd.).ÌýThe Letters of Samuel Beckett, Cambridge, Cambridge University Press, 2009-2016, 4 t. |
VOLUME 1 : 1929-1940. Lettre du 8 septembre 1934, Thomas McGreevy (p. 222-223). [...] Cézanne seems to have been the first to see landscape & state it as material of a strictly peculiar order, incommensurable with all human expressions whatsoever. Atomistic landscape with no velleities of vitalism, landscape with personality à la rigueur, but personality in its own terms, not in Pelman's, landscapability.ÌýRuysdael's [forÌýRuisdael's] Entrance to the Forest – there is no entrance anymore nor any commerce with the forest, its dimensions are its secret and it has no communications to make. °Ú…] Lettre du [16 septembre 1934],ÌýThomas McGreevy (p. 227). I do not see any possibility of relationship, friendly or unfriendly, with the unintelligible, and what I feel in Cézanne is precisely the absence of a rapport that was all right for Rosa or Ruysdael for whom the animising mode was valid, but would have been false for him, because he had the sense of his incommensurability not only with life of such a different order as landscape but even with life of his own order, even with the life – °Ú…] – operative in himself. °Ú…] Lettre du 7 juillet 1936, Thomas McGreevy (p. 350). The point you raise is one that I have given a good deal of thought to. Very early on, when the mortuary and Round Pond scenes were in my mind as the necessary end, I saw the difficulty and danger of so much following Murphy's own "end". There seemed 2 ways out. One was to let the death have its head in a frank climax and the rest be definitely epilogue (by some such means as you suggest. It thought for example of putting the game of chess there in a section by itself.) And the other, which I chose and tried to act on, was to keep the death subdued and go on as coolly and finish as briefly as possible. I chose this because it seemed to me to consist better with the treatment of Murphy throughout, with the mixture of compassion, patience, mockery and “tat twam asi†that I seemed to have directed on him throughout, with the sympathy going so far and no further (then losing patience) as in the short statement of his mind's fantasy of itself. There seemed to me always the risk of taking him too seriously and separating him too sharply from the others. As it is I do not think the mistake (Aliosha mistake) has been altogether avoided.Ìý°Ú…] Lettre du 13 novembre 1936, George Reavey (p. 380-381). °Ú…] Do they [the Houghton Mifflin editors] not understand that if the book [Murphy] is slightly obscure, it is so because it is a compression, and that to compress it further can only result in making it more obscure? The wild & unreal dialogues cannot, it seems to be [forÌýme], be removed without darkening & dulling the whole thing. They are the comic expression of what elsewhere is expressed in elegy, namely if you like the hermetism of the spirit. °Ú…] There is no time and space in such a book forÌýmereÌýrelief. The relief has also to do work and reinforce that from which it relieves. And of course the narrative is hard to follow, & of course deliberately so. °Ú…]Ìý Lettre du 9 juillet 1937, Axel Kaun (p. 518-520). [Note : traduction anglaise d'une lettre écrite en allemand.] ÌýVOLUME 2 : 1941-1956. Lettre du 25 septembre 1946, Simone de Beauvoir (p. 40-41). Je regrette le malentendu qui vous met dans l'obligation d'arrêter ma nouvelle à mi-chemin. Lettre du 11 août 1948, Georges Duthuit (p. 96). °Ú…] L'erreur, la faiblesse tout au moins, c'est peut-être de vouloir savoir de quoi on parle. À définir la littérature, à sa satisfaction, même brève, où est le gain, même bref ? De l'armure que tout ça, pour un combat exécrable. °Ú…] Il faut crier, murmurer, exulter, insensément, en attendant de trouver le langage calme sans doute du non sans plus, ou avec si peu en plus. Il faut, non, il n'y [a] que ça apparemment pour certains d'entre nous, que ce petit bruit de ha[l]lali insensé, et puis peut-être le débarras d'au moins une bonne partie de ce que nous avons cru avoir de meilleur, ou de plus réel, au prix de quels efforts, et peut-être l'immense simplicité d'une partie au moins du peu redouté que nous sommes et avons. Mais je commence à écrire. Minuit vient de sonner. [...] Lettre du 14 janvier 1949, Bram van Velde (p. 113). J'ai beaucoup pensé à votre travail ces derniers jours et compris l'inutilité de tout ce que je vous ai dit. Vous résistez en artiste, à tout ce qui vous empêche d'oeuvrer, fût-ce l'évidence même. C'est admirable. Moi, je cherche le moyen de capituler sans me taire – tout à fait. Mais quand je vais chez vous regarder ce que vous avez fait, il ne devrait pas être question de moi. °Ú…]Ìý Lettre du 2 mars 1949, Georges Duthuit (p. 126-129). Bram et moi, nous sommes loin l'un de l'autre, si je nous ai bien devinés, quoique réunis à un moment, [c'est-à -dire] à tout moment, dans un même coincement, car il y en a qui ne lâchent pas. °Ú…] J'ai cru à un moment donné qu'il finirait par y renoncer, par peindre le coincement, ne serait-ce que par épuisement. °Ú…] Mais je commence à croire depuis quelque temps qu'il est trop tard et que ce sera jusqu'à la fin ces formidables tentatives de rétablissement vers une cime furieusement rêvée, et qu'à vrai dire il porte dans ses bras, et que ce sera chez lui jusqu'à la fin la seule beauté de l'effort et de l'échec, au lieu de celle, tellement calme et même gaie, dont j'ai la prétention de me laisser hanter. N'empêche que pour moi ça reste une peinture sans précédent et où je trouve mon compte comme dans nulle autre, à cause justement de cette fidélité à l'oubliette et de ce refus d'une liberté à surveiller. De cette nécessité de génie où il se trouve de reconnaître à son trou, tout en s'obstinant à vouloir s'y arracher, la liberté, les hauteurs, la lumières et les seuls dieux qui le regardent et qu'il n'y a d'évasion que partielle et vers une mutilation. Et cependant le tableau c'est la trappe qui s'ouvre. Tou[t] ça est littéraire, simpliste, mais à chacun son poumon. °Ú…] Quelles affreuses noces depuis toujours que celles de l'artiste se frottant, de plus en plus câlin comme tu le dis, contre ses meubles, dans la terreur d'en être délaissé. À quoi on nous oppose, comme la seule alternative, les pures manstuprations de l'art orphique et abstrait. Et si l'on ne bandait tout simplement plus ? Comme dans la vie. Assez de sperme répandu.Ìý Lettre du 9 mars 1949, Georges Duthuit (p. 136-137). Pour moi, la peinture de Bram ne doit rien à ces piètres consolations [note : celles de la peinture non-figurative où l'artiste continue à être défini comme celui qui ne cesse d'êtreÌýdevant]. Elle est nouvelle parce que la première à répudier le rapport sous toutes ces formes. Ce n'est pas le rapport avec tel ou tel ordre de vis-à -vis qu'il refuse, mais l'état d'être en rapport tout court et sans plus, l'état d'être devant. Il y a longtemps qu'on attend l'artiste assez courageux, assez à son aise dans les grandes tornades de l'intuition, pour saisir que la rupture avec le dehors entraîne la rupture avec le dedans, qu'aux rapports naïfs il n'existe pas de rapports de remplacement, que ce qu'on appelle le dehors et le dedans ne font qu'un. Je ne dis pas qu'il ne cherche pas à renouer. Ce qui importe c'est qu'il n'y arrive pas. Sa peinture est, si tu veux, l'impossibilité de renouer. Il y a, si tu veux, refus et refus d'accepter son refus. C'est peut-être ce qui rend cette peinture possible. °Ú…] Ce qui m'intéresse c'est l'au-delà du dehors dedans où il fait son effort, non pas la portée de l'effort même. °Ú…]Ìý Lettre du 26 mai [1949], Georges Duthuit (p. 153). °Ú…] Pour moi, la question devient intéressante vraiment seulement à partir du moment où l'on s'occupe de ce qui est derrière les 2 attitudes, à savoir d'une part la passion du faisable, où les plus nobles recherches sont viciées par le besoin d'en faire reculer les limites, et d'autre part, peut-être, enfin, bientôt, le respect de l'impossible que nous sommes, impossibles vivants, impossiblement vivant, dont ni le temps du corps, ni l'investissement par l'espace, ne sont pas davantage à retenir que l'ombre le soir ou le visage aimé, et peignant tout simplement un sort, qui est de peindre, là où il n'y a rien à peindre, rien avec quoi peindre, et sans savoir peindre, et sans vouloir peindre, et cela de manière à ce qu'il en transpire quelque chose, tant qu'à faire. Voilà , je vais trop loin, j'irai toujours trop loin, et jamais assez loin. °Ú…] Lettre du 1er juin 1949, Georges Duthuit (p. 161). °Ú…] J'ai travaillé un peu. Chaque fois que je m'y mets, ça vient assez facilement, mais je répugne à m'y mettre, plus que jamais. J'ai fait une chose qu'il ne m'était jamais arrivé de faire, j'ai écrit la dernière page du livre en cours [note :ÌýL'Innommable], alors que je n'en suis encore qu'à la 30me. Je n'en suis pas fier. Mais l'issue déjà fait si peu de doute, quels que soient les tortillements, ce dont je n'ai qu'une idée des plus vagues, qui m'en séparent. Lettre du 9 juin [1949], Georges Duthuit (p. 164-165). Je profite d'un instant (passager) de lucidité pour te dire que je crois voir ce qui nous sépare, ce sur quoi nous finissons toujours par buter, après bien des locutions inutiles. C'est l'opposition possible-impossible, richesse-pauvreté, possession-privation, etc. etc. À ce point de vue les Italiens, Matisse, Tal Coat et tutti quanti sont dans le même sac, en chanvre supérieur, du côté de ceux qui, ayant, veulent encore, et, pouvant, davantage. °Ú…] Pour moi ils [note : les Italiens] ont seulement eu le tort de croire bien faire, peu importe par quels moyens. Tu opposes un temps quotidien, utilitaire, à un temps vital, de tripes, d'effort privilégié, le vrai. Tout ça revient à vouloir sauver une forme d'expression qui n'est pas viable. Vouloir qu'elle le soit, travailler pour qu'elle le soit, lui en donner l'air, c'est donner dans la même pléthore que depuis toujours, dans la même comédie. °Ú…] Existe-t-il, peut-il exister, ou non, une peinture pauvre, inutile sans camouflage, incapable de l'image quelle qu'elle soit, dont l'obligation ne cherche pas à se justifier ? Que je l'aie vue là où il n'y aurait qu'un renouvellement sans précédent du rapport, du banquet, ça n'a pas d'importance. Je ne pourrai jamais plus admettre que l'acte sans espoir, calme de sa damnation.Ìý Lettre du mardi [? 28 juin 1949], Georges Duthuit (p. 168). PourÌýmoi, [le fait de suggérer que la peinture de Bram van Velde est inexpressive est] la seule réponse possible. Répondre comme j'ai déjà eu la lâcheté de le faire, qu'elle exprime l'impossibilité de rien exprimer, c'est le ramener tambour battant au bercail. Lettre du jeudi [? 30 mars ou 6 avril 1950], Georges Duthuit (p. 193). °Ú…] Qu'il y ait des esprits supérieurs (sans ironie) qui savent et qui peuvent, je veux bien le croire. Mais lorsqu'on n'est pas doué, vraiment très bête et maladroit, que faut-il faire ? Le malin ? De l'art ? Se taire ? Le silence viendra assez tôt, non pas par orgueil, mais de langue lasse. Lettre du mercredi [3 janvier 1951], Georges Duthuit (p. 216-217). Franchement je suis tout à fait contre les idées de Stael sur le décor, peut-être à tort. Il voit ça en peintre. Pour moi c'est de l'esthétisme. °Ú…] Moi je ne crois pas à la collaboration des arts, je veux un théâtre réduit à ses propres moyens, parole et jeu, sans peinture et sans musique, sans agréments. °Ú…] Il faut que le décor sorte du texte, sans y ajouter. Quant à la commodité visuelle des spectateurs, je la mets là où tu devines. Crois-tu vraiment qu'on puisse écouter devant un décor de Bram, ou voir autre chose que lui ? DansÌýGodotÌýc'est un ciel qui n'a de ciel que le nom, un arbre dont ils se demandent si c'en est un, petit et rabougri. J'aimerais voir ça foutu n'importe comment sordidement abstrait comme la nature l'est °Ú…]. Rien du tout, ça n'exprime rien, c'est de l'opaque qu'on n'interroge même plus. Tout spécifisme formel devient impossible. °Ú…] Indigence, nous ne la dirons jamais assez, et décidément la peinture en est incapable. °Ú…] Lettre du lundi [16 avril 1951], Mania Péron (p. 240-241). Tout à fait d'accord avec votre judicieuse critique des critiques. Il fallait vraiment faire inattention pour confondre la victime de Moran avec le père Molloy. Mais ce n'est pas nécessairement Moran lui-même non plus. Que voulez-vous, je ne sais pas tout. Pour moi c'est simplement l'étranger indiqué, j'ai horreur des symboles. °Ú…] Lettre du mardi [18 septembre 1951], Mania Péron (p. 297). Mes petits textes sont en panne. Le dernier, je n'ai pas le courage de le relire. Décidément je suis dégoûté d'écrire, comme moi j'écris. °Ú…] Lettre du 3 décembre 1951, Bram van Velde et Marthe Arnaud-Kuntz (p. 304). Que Bram surtout ne s'imagine pas que je m'éloigne de lui, c'est tout le contraire. Plus je m'enfonce et plus je me sens à ses côtés et combien, malgré les différences, nos aventures se rejoignent, dans l'impensé et le navrant. Et s'il devait y avoir pour moi une âme soeur, je me flatte que ce serait bien la sienne et nulle autre, qu'on se voie ou qu'on ne se voie pas, ça ne change rien à l'affaire. Et que je ne puisse plus, autant qu'autrefois, l'encourager, n'est que l'effet d'une faiblesse et d'une fatigue qui me le rendent encore plus cher, si cela est possible. Bram est mon grand familier. Dans le travail et dans l'impossibilité de travailler, et ce sera toujours ainsi. Lettre [ultérieure au 23 janvier 1952], Michel Polac (p. 314). Je n'ai pas d'idées sur le théâtre. Je n'y connais rien. Je n'y vais pas. C'est admissible. Lettre du 8 février 1952, Aidan Higgins (p. 319). °Ú…] I used to think all [t]his work was an effort, necessarily feeble, to express the nothing. It seems rather to have been a journey, irreversible, in gathering thinglessness, towards it. Or also. Or ergo. And the problem remains entire or at last arising ends. °Ú…] Lettre du 9 janvier 1953, Roger Blin (p. 350). °Ú…] L'esprit de la pièce, dans la mesure où elle en a, c'est que rien n'est plus grotesque que le tragique, et il faut l'exprimer jusqu'à la fin, et surtout à la fin. J'ai un tas d'autres raisons pour vouloir que ce jeu de scène ne soit pas escamoté, mais je vous en fais grâce. Soyez seulement assez gentil de le rétablir comme c'est indiqué dans le texte, et comme nous l'avions toujours prévu au cours des répétitions, et que le pantalon tombe complètement, autour des chevilles. [Ç]a doit vous sembler stupide, mais pour moi c'est capital. °Ú…] Lettre du 25 juillet 1953, Carlheinz Caspari (p. 389). Il m'est très difficile de m'expliquer sur mon travail [note : il est question d'En attendant Godot]. °Ú…] Lettre du 2 décembre 1953, Niall Mongomery (p. 427). The heart of the matter [note : il est question de l'oeuvre de Beckett], if it has one, is perhaps rather in theÌýNaught more real than nothingÌýand theÌýubi nihil vales, already inÌýMurphyÌý– I imagine so. Lettre du 17 février 1954, Hans Naumann (p. 461-462). Je ne demande qu'à vous aider, quoiqu'il me soit très difficile, pour ne pas dire impossible, de parler de moi et de mon travail.Ìý Lettre du 2 mars 1954, Georges Duthuit (p. 472). °Ú…] Il ne faut pas trop prendre au sérieux mes idées fixes, visions fixes et balbutiements d'affolé. °Ú…] Ayant cru discerner chez Yeats la seule valeur qui me demeure encore un peu réelle, valeur que je ne veux plus essayer de cerner et dont les si respectables considérations de pays et de facture ne peuvent rendre compte, je deviens littéralement aveugle pour tout le reste. C'était déjà la même chose quand il s'agissait de Bram. Ce n'est donc pas avec moi qu'on puisse parler d'art et ce n'est pas là -dessus que je risque d'exprimer autre chose que mes propres hantises. °Ú…]Ìý Lettre du 11 mars 1954, Edouard Coester (p. 475). °Ú…] Pour être tout à [fait] franc, je ne crois pas que le texte deÌýGodotÌýpuisse supporter les prolongements que lui conférerait forcément une mise en musique. La pièce comme tout dramatique, si, mais pas le détail verbal. Car il s'agit d'une parole dont la fonction n'est pas tant d'avoir un sens que de lutter, mal j'espère, contre le silence, et d'y renvoyer. Je la vois donc difficilement partie intégrante d'un monde sonore.Ìý Lettre du 21 août 1954, Barney Rosset (p. 497). °Ú…] You know Barney, I think my writing days are over.ÌýL'InnommableÌýfinished me or expressed my finishedness.Ìý Lettre du 17 janvier 1956, Alec Reid (p. 596). °Ú…] The trouble about my little world is that there is no outside to it. Aesthetically the adventure is that of the failed form (no achieved statement of the inability to be). °Ú…]Ìý Lettre du 8 mars 1956, Robert Pinget (p. 604). °Ú…] Ne vous désespérez pas, branchez-vous bien sur le désespoir et chantez-nous ça. Lettre du 1er avril 1956, Desmond Smith (p. 610). I am afraid I am quite incapable of sitting down and writing out an "explanation" of the play. °Ú…] It is not in any sense a symbolic work. The point about Pozzo, for example, is not who he is, or what he is, or what he represents, but the fact that all this is not known, so that for a moment he can eve[n] ben confused with Godot. °Ú…] Confusion of mind and of identity is an indispensable element of the play and the effort to clear up the ensuing obscurities, which seems to have exercized most critics to the point of blinding them to the central simplicity, strikes me as quite nugatory.Ìý VOLUME 3 : 1957-1965. Lettre du 28 mai 1957, Kay Boyle (p. 49). °Ú…] I do not agree that the first five paragraphs [of Joyce'sÌýThe Boarding House] are relevant only in terms of an allegorical context. I know nothing about short story or any other aesthetics. But it seems normal to me, in exordium to the relation proper, to situate those who it concerns and establish their climate. And I feel the butchery and cleavery have no other purpose than this, and that it is achieved. "It was a bright morning etc" strikes me as more a novel opening than a short story one, there being leisure in the novel, and in the short story not, for the where and for whom to be dealt with later. °Ú…] It might also be enquired if these are short stories at all. They are chunks of Dublin, its air and light and scene and voices, and for me the only way to read them is right down in their immediacy. °Ú…] The last words of my regrettable novelÌýWattÌýare "no symbols where none intended". °Ú…] Lettre du 27 août 1957, Barney Rosset (p. 64). Now for my sins I have to go on and say that I can't agree with the idea ofÌýAct Without WordsÌýas a film. It is not a film, not conceived in terms of cinema. If we can't keep our genres more or less distinct, or extricate them from the confusion that has them where they are, we might as well go home and lie down.ÌýAct Without WordsÌýis primitive theatre, or meant to be, and moreover, in some obscure way, a codicil toÌýEnd-Game, and as such requires that this last extremity of human meat – or bones – be there, thinking and stumbling and sweating, under our noses, like Clov about Hamm, but gone from refuge. °Ú…]Ìý Lettre du 24 septembre 1957, François Beloux (p. 65). À mon grand regret, et malgré la valeur de votre travail [d'adaptation cinématographique de la moitié du romanÌýMolloy], je ne peux pas vous donner l'autorisation que vous me demandez. Je ne désire pas que l'on tire des films de mes écrits et je m'y opposerai toujours.Ìý Lettre du 29 décembre 1957, Alan Schneider (p. 82). °Ú…] But when it comes to these bastards of journalists I feel the only line is to refuse to be involved in exegesis of any kind. That's for those bastards of critics. And to insist on the extreme simplicity of dramatic situation and issue. °Ú…] My work is a matter of fundamental sounds (no joke intended), made as fully as possible, and I accept responsibility for nothing else. If people want to have headaches among the overtones, let them. °Ú…] Hamm as stated, and Clov as stated, together as stated, nec tecum nec sine te [note : neither with you can I live nor without you], in such a place, and in such a world, that's all I can manage, more than I could.Ìý Lettre du 23 septembre 1958, Christian Ludvigsen (p. 169). I agree more or less with what Nadeau says [aboutÌýEndgame]. The clue to the whole thing is perhaps in Nell's speech: "Rien n'est plus drôle que le malheur… Nous la trouvons toujours bonne, mais nous ne rions plus." Endgame is not Godot, and any clowning or playing for a laugh would I think be quite wrong. It doesn't matter whether the audience laughs or not.Ìý Lettre du 29 novembre 1958, Barbara Bray (p. 183-184). I am very touched by what you say of [The Unnamable]. I wish I could think it is as important as you say, but of course I can't. I am in acute crisis about my work (on the lines familiar to you by now) and have decided that I not merely can't but won't go on as I have been going more or less ever since the Textes pour Rien and must either get back to nothing again and the bottom of all the hills again like before Molloy or else call it a day. °Ú…] Lettre du 12 mars 1959, Avigdor Arikha (p. 213). °Ú…] Côté travail je fais ce que je peux, ce n'est pas brillant. Le rythme et la syntaxe de la faiblesse et de la pénurie, pas commode à attraper. J'y arrive quand même peut-être un peu – 6me version du début. Je vous montrerai ça à votre retour, à moins que je ne me torche avec d'ici là . °Ú…] Lettre du 7 août 1959, Barbara Bray (p. 237). °Ú…] About halfway through the second part [ofÌýComment c'est] anyway, Pim hasn't much to say in the end. Can't talk about it. °Ú…] When I'm in Paris I'll send you Blanchot'sÌýLe Livre à Venir, I think he's on to something very important which he probably over-systematizes. I won't read it now, it would only get in my way. °Ú…]Ìý Lettre du 30 novembre 1959, Robert Pinget (p. 257). Je travaille avec beaucoup de mal – de plus en plus. J'ai vu tout d'un coup la "chose" [note :ÌýComment c'est] très clairement pour la première fois, c'est plutôt gênant qu'autre chose, et ça fout en l'air une grande partie de ce que j'avais déjà fait. Il faudrait pouvoir se dire, ça ne presse pas, j'en ai jusqu'à ce que je crève, et ne donner le bon à tirer qu'avec le dernier soupir.Ìý Lettre du 8 décembre 1959, Barbara Bray (p. 262). Quite lost inÌýPimÌý[note :ÌýComment c'est]. Shall either Lettre du 26 février 1960, Patrick Magee (p. 306). °Ú…] What will meet your disgusted eye is a series of short paragraphs (average of 4 or 5 lines)Ìýseparated by pauses during which panting cordially invited and without as much punctuation as a comma to break the monotony or promote the understanding [le début deÌýComment c'estÌýtraduit]. The uttered voice, fragments of an inner voice ill heard, is that of a man (?) lying on his face in the mud in the dark. I have made the writing as clear as such dreadful circumstances permit °Ú…] » Lettre du 2 avril 1960, Robert Pinget (p. 324). Mon travail est au point mort. Je n'y crois plus et ça ne m'intéresse plus. Vouloir trop étreindre ! ou trop peu. Lettre du 21 novembre 1960, Matti Megged (p. 376-377). The second [suggestion] is more difficult to formulate and has to do with the view you seem to hold of the relationship between living and writing. °Ú…] Your view seems to be that what you can't live you should at least be able to state – and then you complain that your statement has devitalized its object. But the material of experience is not the material of expression and I think the distress you feel, as a writer, comes from a tendency on your part to assimilate the two. The issue is roug[h]ly that raised by Proust in his campaign against naturalism and the distinction he makes between the "real" of the human predicament and the artist's "ideal real" remains certainly valid for me and indeed badly in need of revival. I understand – I think no one better – the flight from experience to expression and I understand the necessary of both. But it is the flight from one order or disorder to an order or disorder of a different nature and the two failures are essentially dissimilar in kind. Thus life in failure can hardly be anything but dismal at the best, whereas there is nothing more exciting for the writer, or richer in unexploited expressive possibilities than the failure to express. It was some realization of all this and what it involves that enabled me to go on (about 15 years ago) in a situation probably very different from yours, but certainly no less critical. °Ú…] Lettre du 3 février 1961, Barbara Bray (p. 397). °Ú…] You have "understood" the book as no one so far. You of course greatly overrate it and me, but we won't go into that again. What you say of its being not about something, but something, is exactly what I wrote ofÌýFinnegansÌýin theÌýExagmination. °Ú…] Lettre du 6 novembre 1962, Arland Ussher (p. 511). °Ú…] [M]y unique relation [with my work] – and it a tenuous one – is the making relation. I am with it a little in the dark and fumbling of making, as long as that lasts, then no more. I have no light to throw on it myself and it seems a stranger in the light that others throw.Ìý Lettre du 3 décembre 1962, Matti Megged (p. 518-519). °Ú…] Writing I suppose for some of us – though most certainly not for all – is only possible in the last ditch and in complete désespoir de cause and at a depth where one's "living" not only is gone, but never was. Either it comes to that or it doesn't – and one couldn't wish it for anyone.Ìý Lettre du 24 mai 1963, Gottfried Büttner (p. 544). Je suis flatté et touché par ce que vous dites de mon travail. Moi je suis tout à fait incapable d'en parler. Je ne le vois et ne le vis que du dedans. Là il fait toujours sombre et il n'y est jamais question ni de diagnostic, ni de pro[n]ostic, ni de traitement.Ìý VOLUME 4 : 1966-1989. Lettre du 24 mai 1966, Robert Pinget (p. 29). °Ú…] Tu as tort de débiner ton travail. On n'est pas des gendelettres. Si on se donne tout ce mal fou ce n'est pas pour le résultat mais parce que c'est le seul moyen de tenir le coup sur cette foutue planète. Avec ce besoin-là beaucoup de misère mais pas de problème. °Ú…] Je crois que ces histoires de prix et autres à -côtés ne t'ont rien valu et qu'elles peuvent très bien être pour quelque chose dans l'état où tu te sens. Laisse tomber tout ça, cesse de te relire et remets-toi au travail. Nous ne saurons jamais ce que nous valons ni les uns ni les autres et c'est la dernière question à se poser. °Ú…] Lettre du 8 décembre 1966, Christian Ludvigsen (p. 54-55). GodotÌýin my opinion is insufficiently "visualized" during writing. The other plays I saw more clearly, as the stage-directions show.Ìý Lettre du 28 mars 1968, Stephen Block (p. 120). I find it impossible to write or speak about my work.Ìý Lettre du 1er juin 1969, Pamela Mitchell (p. 163). Find writing infernally difficult now and suspect there's not much more of it in me. Haven't managed more than a few pages in the last two years, I mean saved more than that from the wrecks.Ìý Lettre du 8 novembre 1969, Barbara Bray (p. 192). Wrote first sentence this morningÌýdésespoir de causeÌýagain of God know what and who cares. Feels like beginningÌýMolloyÌýonly 1/4 century worse. Lettre du 21 décembre 1969, Henri et Josette Hayden (p. 213). °Ú…] J'avais essayé de reprendre le travail à Nabeul, sans succès. Mais il fallait m'acharner. J'ai encore laissé tomber. Comment dire noir, silence et vide ? Intéressant problème technique. °Ú…]Ìý Lettre du 11 avril 1972, James Knowlson (p. 291). I simply know next to nothing about my work in this way, as little as a plumber of the history of hydraulics. There is nothing/nobody with me when I'm writing, only the hellish job in hand. The "eye of the mind" in [Happy Days] does not refer to Yeats any more [than] the "revels…" inÌýEndgameÌýtoÌýThe Tempest, they are just bits of pipe I happen to have with me. I suppose all is reminiscence from womb to tomb, all I can say is I have scant information regarding mine – alas.Ìý Lettre du 3 décembre 1972, Rubin Rabinovitz (p. 316). °Ú…] I harboured no such deep thoughts [note : qui relieraient son oeuvre à celle de Descartes ou de Schopenhauer] when writing the work [note :ÌýWatt] which was no more than a turning to words, during the occupation, after my days in the fields, with a view to not losing my reason.Ìý Lettre du 15 mai 1977, Sighle Kennedy (p. 460). All I can say to help you perhaps is that [Watt] was an escape operation from the horrors of that hateful time. If they crept in it was in spite of me.Ìý Lettre du 24 février 1980, Herbert Myron (p. 523). °Ú…] Off now on a new fumble in French this time [note :ÌýMal vu mal dit]. With growing distaste. Much the same confusion of "reality" – the counterpoison.Ìý Lettre du 5 juillet 1980, Christopher Logue (p. 530). If I had any conversation, anything worth saying to say about anything, including myself & my work, it wd. gladly be with you. But I have none, nothing. Never had much. Now none at all, nothing at all. Forgive.Ìý Lettre du 3 octobre 1982, Carlton Lake (p. 592-593). Definite switch [to French] on return to Dublin summer 1945 whenÌýMolloyÌýbegun. Already in French poems &Ìýnouvelles.Ìý Lettre du 28 août 1984, Kay Boyle (p. 643). I grow dumber and dumber.Ìý Lettre du 16 décembre 1984, Mary Manning Howe Adams (p. 646). Forgive my long silence. From pen to paper is a far cry for me nowadays.Ìý Lettre du 24 février 1985, Mathieu Lindon (p. 652). Bon qu'à ça. [Note : Beckett répond ainsi à une question posée pour un numéro hors-série deÌý³¢¾±²úé°ù²¹³Ù¾±´Ç²ÔÌý:ÌýPourquoi écrivez-vous ?] |
D'AUBARÈDE, Gabriel. « En attendant… Beckett »,ÌýLes Nouvelles littéraires, 16 février 1961, p. 1 et 7. |
[G. d'Aubarède : Vos romans sont d'une lecture plutôt difficile. Mais vous, les avez-vous écrits difficilement ?] |
GRAVER, Lawrence et Raymond FEDERMAN (éd.),ÌýSamuel Beckett: The Critical Heritage, Boston, Routledge & Kegan Paul, 1979, 372 p. |
SHENKER, Israel. « Moody Man of Letters »,ÌýNew York Times, 6 mai 1956, section II, p. x, 1 et 3. |
GRUEN, John. « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett talks about Beckett »,ÌýVogue, vol. 154, no 10 (1er décembre 1969), p. 210-211. |
“It is impossible for me to talk about my writing,†°Ú…]. “It is impossible because I am constantly working in the dark. It would be like an insect leaving his cocoon. I can only estimate my work from within. If my work has any meaning at all, it is due more to ignorance, inability, and an intuitive despair than to any individual strength. I think that I have perhaps freed myself from certain formal concepts. Perhaps, like the composer Schönberg or the painter Kandinsky, I have turned toward an abstract language. Unlike them, however, I have tried not to concretize the abstraction – not to give it yet another formal context.†(p. 210) |
JULIET, Charles.ÌýRencontres avec Samuel Beckett, Paris, P.O.L., 1999, 71 p. |
24 octobre 1968. - [...] [Q]uand on s'écoute, ce n'est pas de la littérature qu'on entend. (p. 12)- Il fallait rejeter tous les poisons... [C. Juliet avance que Beckett entend sans doute par ces mots la décence intellectuelle, le savoir, les certitudes qu'on se donne, le besoin de dominer la vie] trouver le langage qui convenait... Quand j'ai écrit la première phrase deÌýMolloy, je ne savais pas où j'allais. Et quand j'ai achevé la première partie, j'ignorais comment j'allais continuer. Tout est venu comme ça. Sans rature. Je n'avais rien préparé. Rien élaboré. [Beckett montre le manuscrit dépourvu de retouches d'En attendant GodotÌýà C. Juliet] - Ça s'organisait entre la main et la page. (19-20) - Le travail [d'écriture] antérieur interdit toute poursuite de ce travail. Bien sûr, je pourrais écrire des textes comme ceux de [°Õê³Ù±ð²õ-³¾´Ç°ù³Ù±ð²õ]. Mais je ne veux pas. Je viens de mettre au panier une petite pièce de théâtre. Chaque fois, il faut qu'il y ait un pas en avant.Ìý °Ú…] - L'écriture m'a conduit au silence.Ìý °Ú…]Ìý - Cependant, je dois continuer... Je suis face à une falaise et il me faut avancer. C'est impossible n'est-ce pas. Pourtant, on peut avancer. Gagner quelques misérables millimètres... (p. 20-21) 29 octobre 1973. - °Ú…] [L]es valeurs morales ne sont pas accessibles. Et on ne peut pas les définir. Pour les définir, il faudrait prononcer un jugement de valeur, ce qui ne se peut. C'est pourquoi je n'ai jamais été d'accord avec cette notion de théâtre de l'absurde. Car là , il y a jugement de valeur. On ne peut même pas parler du vrai. C'est ce qui fait partie de la détresse. Paradoxalement, c'est par la forme que l'artiste peut trouver une sorte d'issue. En donnant forme à l'informe. Ce n'est peut-être qu'à ce niveau qu'il y aurait une affirmation sous-jacente. (p. 35-36)- [Jusqu'au moment d'un brusque chamboulement survenu en 1946], j'avais cru que je pouvais faire confiance à la connaissance. Que je devais m'équiper sur le plan intellectuel. Ce jour-là , tout s'est effondré. °Ú…]Ìý - J'entrevis le monde que je devais créer pour respirer. (p. 39) - Ça n'a pas d'importance de n'être pas publié. On fait cela pour pouvoir respirer. (p. 43) 14 novembre 1975. - [...] [J]usqu'en 1946, j'ai cherché à savoir, afin d'être en mesure de pouvoir. Puis je me suis aperçu que je faisais fausse route. Mais peut-être n'y a-t-il que des fausses routes. Il faut pourtant trouver la mauvaise route qui vous convient. (p. 53)[Beckett reconnaît s'être effacé de plus en plus dans ses textes.] - À la fin, on ne sait plus qui parle. Il y a une totale disparition du sujet. C'est à cela qu'aboutit la crise de l'identité. (p. 54) 11 novembre 1977. - Dans ce sacré monde, tout nous invite à l'indignation… Mais au niveau du travail… Que pourrait-on dire ?... Rien n'est dicible. (p. 67) |
KNOWLSON James et Elizabeth KNOWLSON (dir.).ÌýBeckett Remembering: Remembering Beckett. A Centenary Celebration, New York, Arcade Publishing, 2006, 313 p. |
Samuel BeckettÌý[...] |
MIGNON, Paul-Louis. « Le théâtre de A jusqu'a Z : Samuel Beckett »,ÌýL'avant-scène du théâtre, no 313 (15 juin 1964), p. 8. |
Je n'envisageais pas une carrière de dramaturge, dit-il,Ìýmais le travail de romancier est dur ; on s'avance dans le noir. Au théâtre, on entre dans un jeu, avec ses règles, et on ne peut pas ne pas s'y soumettre. Même si l'on semble bousculer certaines conventions. Il y a des choses que l'on ne peut pas faire, au théâtre, des choses que l'on ne pas faire faire aux acteurs, que l'on ne peut pas faire admettre au public !Ìý(p. 8) |