ÀŠ°óSMÉçÇű

Photo d'Oscar WildeOscar Wilde

(1854-1900)

Dossier

Le roman selon Oscar Wilde

"I wish I could write a novel but I can't" : La vision du roman d'Oscar Wilde, par Madeleine TĂȘtu, mars 2022

La tradition critique anglaise montre que l’évolution du roman en Angleterre au XIXe siĂšcle a Ă©tĂ© grandement influencĂ©e par le romantisme et par l’ùre victorienne, qui dĂ©bute au tournant des annĂ©es 1830. La littĂ©rature Ă©crite sous le rĂšgne de Victoria (1837-1901) est souvent perçue comme le reflet du puritanisme marquant cette Ă©poque. Ce conservatisme social s’observe dans le dĂ©veloppement du roman (nouveau genre dominant en Angleterre depuis la deuxiĂšme moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle) qui devient le lieu d’une reprĂ©sentation moralisĂ©e de l’existence notamment grĂące au dĂ©veloppement du populaire « marriage plot » — qui construit le dĂ©nouement d’une hĂ©roĂŻne autour de la fĂ©licitĂ© trouvĂ©e dans le mariage[1].

Si la littĂ©rature des deux derniers tiers du XIXe siĂšcle ne peut Ă©videmment se rĂ©sumer Ă  ce constat, celui-ci se retrouve dans la rĂ©ception de cette littĂ©rature par certains romanciers de la mĂȘme Ă©poque ou bien par les modernistes anglais du XXe ČőŸ±ĂšłŠ±ô±đ. Une des remises en question les plus violentes de la littĂ©rature anglaise du XIXe siĂšcle est celle formulĂ©e par l’esthĂšte Oscar Wilde dans les annĂ©es 1880-1890 : Ă  travers ses essais, ses Ɠuvres littĂ©raires et sa correspondance se construit la critique d’une stagnation des possibilitĂ©s formelles Ă  l’ùre victorienne. Bien qu’il estime certains romanciers anglais (par exemple Elizabeth Barrett Browning et Georges Meredith), Wilde adopte une posture de mĂ©pris par rapport Ă  la vision de la littĂ©rature du milieu artistique anglais, et s’avĂšre un plus grand lecteur de la littĂ©rature française et russe du XIXe ČőŸ±ĂšłŠ±ô±đ. Grand lecteur et critique de romans, Wilde montre aussi certaines rĂ©serves en ce qui a trait aux potentiels du genre romanesque, ce qui l’incite Ă  pratiquer davantage les genres de la poĂ©sie et de l’essai. Dans l’analyse qui suit, nous tenterons de comprendre ce que Wilde reproche plus prĂ©cisĂ©ment Ă  la littĂ©rature anglaise afin de mieux cerner son rapport trouble Ă  l’art romanesque. Afin d’approfondir ses thĂ©ories esthĂ©tiques, nous commencerons par dĂ©crire (et surtout nuancer) l’opposition qu’il dresse entre art et moralitĂ©, puis nous analyserons l’admiration qu’il voue Ă  Flaubert dans le but de montrer l’importance qu’il accorde au dĂ©veloppement du style et Ă  l’exploration de l’individualitĂ© de l’écrivain. Nous finirons notre analyse en examinant son Ă©loge du projet littĂ©raire balzacien et sa violente critique du naturalisme zolien afin de saisir sa conception de la littĂ©rature comme d’une idĂ©alisation (et non d’un reflet) de la rĂ©alitĂ©. Wilde se considĂ©rant plutĂŽt comme un poĂšte et un essayiste que comme un romancier, ses rĂ©flexions sur la littĂ©rature ne portent pas uniquement sur le roman. Nous tenterons nĂ©anmoins en retirer une dĂ©finition du roman en creux, une dĂ©finition qui se centre autour de certaines des limites que Wilde attribue au genre romanesque.

Wilde, un dĂ©fenseur de la thĂ©orie esthĂ©tique de « l’art pour l’art » :

Selon Wilde, l’art est amoral puisqu’il Ă©volue en parallĂšle de la sphĂšre morale. Il affirme mĂȘme dans son essai The Critic as Artist que la distinction entre art et moralitĂ© est au fondement du travail du critique littĂ©raire :

The first condition of criticism is that the critic should be able to recognise that the sphere of Art and the sphere of Ethics are absolutely distinct and separate. [...] They are too often confused in England now, and though our modern Puritans cannot destroy a beautiful thing, yet, by means of their extraordinary prurience, they can almost taint beauty for a moment[2].

Cela signifie que l’art ne peut pas ĂȘtre jugĂ© Ă  l’aune de valeurs morales et doit plutĂŽt ĂȘtre analysĂ© Ă  la lumiĂšre de critĂšres esthĂ©tiques ou stylistiques. C’est ce que formule l’auteur du Portrait dans la prĂ©face de son unique roman Ă  travers une succession de courtes phrases laissant peu de place au doute : « There is no such thing as a moral or an immoral book. / Books are well written, or badly written. That is all[3]. » Il n’y a donc ni de rĂ©elle opposition ni de vĂ©ritable conciliation possible entre art et moralitĂ© puisqu’il n’existe pas de comparatifs entre ces deux aspects de l’existence humaine. Ainsi la valeur d’une Ɠuvre d’art ne peut-elle pas ĂȘtre dĂ©terminĂ©e Ă  l’aide du critĂšre de l’utilitĂ©, et ce, malgrĂ© la nouvelle importance que celui-ci prend dans les codes moraux du XIXe siĂšcle sous l’influence du dĂ©veloppement de la science moderne et de l’industrialisation. C’est du moins ce que dĂ©fend l’auteur du Portrait dans la prĂ©face de son roman, qu’il conclut sur cette maxime : « All Art is quite useless[4]. » Wilde explique cette conception de l’art Ă  plusieurs reprises dans sa correspondance Ă  l’aide de la mĂ©taphore d’une fleur qui n’existe que pour sa beautĂ© :

Art is useless because its aim is simply to create a mood, not to instruct or to influence action in any way [...] A work of art is useless as a flower is useless, a flower blossoms for its own joy ; we gain a moment of joy by looking at it, that is all that is to be said about our relations to flowers. Of course man may sell the flower, and so make it useful to him, but this has nothing to do with the flower. It is not part of its essence. It is accidental. It is a misuse[5].

Contrairement Ă  ce que prĂ©suppose une vision moralisatrice de l’art, celui-ci est inutile puisqu’il ne possĂšde pas de vĂ©ritable influence sur les actions que les individus posent dans le monde rĂ©el.

Selon la thĂ©orie esthĂ©tique de Wilde, l’art n’est pas seulement amoral, il est aussi immoral, car il utilise la reprĂ©sentation du vice ou de la corruption morale comme outil d’une part pour s’interroger sur l’existence humaine et d’autre part pour divertir son public. Toutes les facettes de la rĂ©alitĂ© sont en quelque sorte la matiĂšre premiĂšre Ă  partir de laquelle un artiste crĂ©e, et ce, par-delĂ  les considĂ©rations d’ordre moral qui nous permettent de les hiĂ©rarchiser dans le monde concret. À la suite de la condamnation sur la scĂšne publique du Portrait en tant que roman immoral, Wilde dĂ©fend sa pratique de l’art romanesque auprĂšs de ses critiques grĂące Ă  cet argument : « Virtue and wickedness are to him [the artist] simply what the colours on his palette are to the painter. They are no more, and they are no less[6]. » Dans cette optique, la littĂ©rature peut mettre en scĂšne des personnages vicieux, des actions Ă  la portĂ©e morale douteuse, ou mĂȘme des crimes Ă  des fins narratives, philosophiques ou esthĂ©tiques. Une Ɠuvre littĂ©raire ne cherche pas Ă  reprĂ©senter une rĂ©alitĂ© idĂ©alisĂ©e oĂč les protagonistes sont chĂątiĂ©s pour leurs fautes morales ou rĂ©compensĂ©es pour leurs vertus : Lord Henry n’est pas puni ou encore moins tourmentĂ© aprĂšs avoir corrompu le jeune Dorian dans le Portrait, et la piĂšce The Importance of Being Earnest se termine sur le mariage heureux des deux principaux protagonistes, qui brillent plus par leur frivolitĂ© que par leur honnĂȘtetĂ©. Dans l’optique oĂč la littĂ©rature doit dĂ©peindre toutes les facettes de l’existence, elle doit s’intĂ©resser autant aux parties lumineuses qu’aux recoins plus sombres de notre humanitĂ©. C’est ce que suggĂšre cette remarque se retrouvant dans les rĂ©flexions critiques de Wilde : « On tue une littĂ©rature quand on lui interdit la vĂ©ritĂ© humaine. It may be questioned, also, whether the consistent reward of virtue and punishment of vice be really the healthiest ideal for an art that claims to mirror nature[7]. » L’écrivain cherchant Ă  offrir Ă  son auditoire un reflet de la rĂ©alitĂ©, il ne peut donc pas ignorer une partie des observations du monde rĂ©el Ă  partir desquelles il crĂ©e — des observations qui rĂ©sistent Ă  une lecture manichĂ©enne du monde.

Ainsi la conservation des conventions morales d’une Ă©poque s’accommode-t-elle difficilement des diffĂ©rents points de vue sur la condition humaine que recĂšle une Ɠuvre d’art. Wilde croit pourtant que la richesse du travail artistique tient aux ambiguĂŻtĂ©s qui demeurent entre les diffĂ©rentes interprĂ©tations possibles d’une crĂ©ation artistique. Celles-ci sont presque infinies aux dires de l’auteur de l’essai The Critic as Artist, qui affirme ceci au sujet du vĂ©ritable critique :

You see, then, how it is that the ĂŠsthetic critic rejects these obvious modes of art that have but one message to deliver, and having delivered it become dumb and sterile, and seeks rather for such modes as suggest reverie and mood, and by their imaginative beauty make all interpretation true, and no interpretation final[8].

La beautĂ© artistique Ă©tant nĂ©cessairement perçue Ă  l’aune d’une expĂ©rience subjective (nous y reviendrons), elle donne lieu Ă  autant d’interprĂ©tations qu’il existe de lecteurs. De plus, la juxtaposition de diffĂ©rents points de vue au sein d’un roman incite un mĂȘme lecteur Ă  garder en tĂȘte une pluralitĂ© d’impressions de lecture plus ou moins conciliables. Par sa capacitĂ© Ă  intĂ©grer une multitude d’expĂ©riences humaines Ă  sa crĂ©ation, l’artiste mĂšne le lecteur Ă  remettre en question la validitĂ© de certains prĂ©ceptes moraux, voire Ă  se buter Ă  une part de mystĂšre ou d’insaisissable se trouvant au cƓur de son existence. En ce sens, la tentative de dresser un portrait nuancĂ© et complexe Ă  l’origine de tout travail artistique peut ĂȘtre perçue comme immorale du fait qu’elle s’oppose aux systĂšmes moraux prĂ©Ă©tablis.

Soulignons nĂ©anmoins une des distinctions prĂ©sentes entre les positions tranchĂ©es que Wilde revendique Ă  travers ses maximes et certaines rĂ©flexions prĂ©sentes dans ses essais. Ainsi pourrions-nous par moments constater au sujet de Wilde ce que Basil remarque au sujet de Lord Henry dans le Portrait : « You never say a moral thing, and you never do a wrong thing. Your cynicism is simply a pose[9]. » Selon la conception de l’esthĂ©tisme thĂ©orisĂ©e par Wilde, une Ɠuvre d’art ne peut pas ĂȘtre le reflet des conventions morales d’une Ă©poque, mais cela ne veut pas pour autant dire qu’aucun sentiment moral (au sens de bontĂ© ou de vertu) ne peut se dĂ©gager de la beautĂ© artistique. Selon Wilde, c’est ce que font notamment les romans de TolstoĂŻ en suscitant une vive compassion chez le lecteur, qui porte un jugement moins sĂ©vĂšre sur les actions des personnages lorsqu’il est placĂ© devant les tourments qu’ils subissent Ă  cause de leurs fautes morales. Dans son essai The House Beautiful, Wilde affirme mĂȘme qu’il faut initier les enfants Ă  la bontĂ© Ă  travers l’expĂ©rience de la beautĂ©, notamment de la beautĂ© du dĂ©cor de la maison oĂč ils sont Ă©levĂ©s. Il constate dans ce mĂȘme essai que le dĂ©veloppement d’une sensibilitĂ© esthĂ©tique est d’autant plus important dans une sociĂ©tĂ© tournĂ©e vers l’efficacitĂ© et l’utilitĂ© : « Today more than ever the artist and love of beautiful are needed to temper and counteract the sordid materialism of the age[10]. » Si Wilde soutient que l’art ne devrait pas chercher Ă  enfermer la pensĂ©e de son lecteur dans une conception morale figĂ©e, il montre que l’art peut rendre un individu meilleur en le rendant sensible Ă  l’expĂ©rience de la compassion et de la bontĂ©. Toutefois, cette rĂ©conciliation de l’art et de la moralitĂ© ne coĂŻncide pas entiĂšrement avec ce que revendique Wilde dans ses essais puisqu’il montre aussi l’immoralitĂ© comme le vecteur d’un plaisir artistique.

Selon Wilde, la littĂ©rature se nourrit aussi d’expĂ©riences humaines plus sombres pour des raisons de l’ordre du divertissement : elle met aussi en scĂšne des personnages ayant un rapport trouble Ă  la vertu afin de capter l’attention de son lecteur. Lors du scandale engendrĂ© par la publication du Portrait, Wilde se dĂ©fend d’avoir construit son intrigue autour de la corruption morale de ses personnages en affirmant :

Romantic art deals with the exception and with the individual. Good people, belonging as they do to the normal, and so, commonplace, type, are artistically uninteresting. Bad people, are, from the point of view of art, fascinating studies. They represent colour, variety and strangeness. Good people exasperate one’s reason; bad people stir one’s imagination[11].

La trajectoire d’un personnage tentĂ© par le mal a le potentiel de divertir, de sĂ©duire ou mĂȘme de fasciner le lecteur. Ces personnages nourrissent davantage son imagination en le forçant Ă  rompre avec une expĂ©rience de l’ordre de l’habitude ou de la coutume afin de le plonger dans un univers inconnu. Et peut-ĂȘtre que cette facette de l’immoralitĂ© artistique n’est-elle pas fondamentalement incohĂ©rente avec l’idĂ©e d’une sensibilitĂ© morale dĂ©veloppĂ©e par l’art. Dans l’optique oĂč, comme le constate Wilde, une Ɠuvre littĂ©raire invite Ă  une pluralitĂ© d’interprĂ©tation, elle peut Ă  la fois susciter la compassion du lecteur et le faire rire grĂące au cynisme de Lord Henry — sans que cela implique que le lecteur imite la conduite de ce personnage dans le monde rĂ©el.

Wilde perçoit le puritanisme de son Ă©poque comme un obstacle au plaisir ou Ă  la joie qui accompagne l’apprĂ©ciation d’une Ɠuvre d’art, ce qui constitue pourtant l’un des principaux buts de celle-ci. Si nous avons vu que Wilde attribue de multiples objectifs Ă  l’activitĂ© artistique, l’auteur du Portrait insiste particuliĂšrement sur ce dernier objectif lorsqu’il dit : « The aim of all art is simply to make life more joyous[12] ». La tentative de rĂ©flexion sur le monde rĂ©el qu’incarne la littĂ©rature ainsi que l’expĂ©rience plaisante qu’elle propose sont en fait interreliĂ©es : ce sont souvent des ressorts comiques qui multiplient les interprĂ©tations possibles d’une Ɠuvre, suscitant ainsi des rĂ©flexions chez le lecteur. Les outils formels employĂ©s par Wilde qui divertissent son lecteur — pensons Ă  son ironie mordante, son ton provocateur, son recours frĂ©quent au dialogue et aux paradoxes — sont aussi ceux qui invitent Ă  une lecture rigoureuse de son Ɠuvre. Dans cette optique, la conception de l’art de Wilde se fonde sur ce paradoxe : « Art is the only serious thing in the world. And the artist is the only person who is never serious[13]. » La vision de l’art en tant que mode de connaissance passant par le divertissement ne peut donc pas ĂȘtre rĂ©conciliĂ©e aux considĂ©rations Ă©thiques de nombreux romanciers contemporains de Wilde.

Le traitement de la moralité dans les écrits de Wilde comme nuance de sa théorie esthétique :

Wilde rĂ©ussit-il vĂ©ritablement Ă  mettre en Ɠuvre cette atmosphĂšre comique renfermant des rĂ©flexions sĂ©rieuses dans ses Ă©crits littĂ©raires ? Nous pouvons remarquer une distance entre ses thĂ©ories esthĂ©tiques et son traitement de la moralitĂ© dans certaines de ses piĂšces de thĂ©Ăątre et son roman. Un exemple notable est sa piĂšce de thĂ©Ăątre A Woman of No Importance, qui raconte le conflit intĂ©rieur de Mrs. Arbuthnot lorsqu’elle revoit le pĂšre de son fils. Celui-ci lui propose de ne pas dĂ©voiler sa vĂ©ritable identitĂ© Ă  son fils (qui ne sait pas qu’il est issu d’une liaison illĂ©gitime) mais de l’engager comme secrĂ©taire afin de lui permettre d’accomplir ses ambitions professionnelles. PlutĂŽt que de dĂ©noncer l’immoralitĂ© de la conduite de Mrs. Abuthnot — dont la liaison avec Lord Illingworth reprĂ©sente une faute impardonnable aux yeux de la sociĂ©tĂ© anglaise du XIXe siĂšcle — la piĂšce met en scĂšne les malheurs de cette femme et les montrent comme disproportionnĂ©s par rapport Ă  sa faute. La situation dĂ©sespĂ©rĂ©e de Mrs. Abuthnot et l’absence de remords chez Lord Illingworth (qui avait pourtant promis Ă  Mrs. Abuthnot de la marier avant de disparaĂźtre) incitent l’auditoire Ă  prendre le parti de la femme trompĂ©e. L’intrigue de cette piĂšce cherchant Ă  susciter un Ă©lan de compassion chez l’auditoire, sa visĂ©e morale semble assez claire : remettre en question la condamnation des femmes ayant eu des relations amoureuses Ă  l’extĂ©rieur de l’institution matrimoniale par la sociĂ©tĂ© victorienne. Dans cette optique, nous pouvons voir cette piĂšce (tout comme d’autres piĂšces du corpus de Wilde) comme une tentative de faire dans le thĂ©Ăątre ce qu’un romancier comme TolstoĂŻ fait dans le roman. Cependant, cette critique de la sociĂ©tĂ© anglaise s’effectue ici au dĂ©triment du dĂ©veloppement de la complexitĂ© psychologique des personnages ou de la mise en scĂšne de pĂ©ripĂ©ties divertissantes. Elle laisse peu de place aux nuances ou aux ambiguĂŻtĂ©s empĂȘchant une Ɠuvre littĂ©raire d’ĂȘtre enfermĂ©e dans une seule interprĂ©tation.

Aussi l’analyse de cette piĂšce met-elle en lumiĂšre une distance entre les rĂ©flexions thĂ©oriques de Wilde et sa pratique de l’écriture, ou plus prĂ©cisĂ©ment la difficultĂ© qu’il Ă©prouve Ă  intĂ©grer un propos moral Ă  ses crĂ©ations narratives. En effet, la conception de l’art littĂ©raire proposĂ©e dans la prĂ©face du Portrait ne colle pas exactement avec la littĂ©rature telle qu’elle est pratiquĂ©e dans ce roman. C’est une difficultĂ© que Wilde constate lui-mĂȘme lors de la publication du Portrait : « I cannot understand how they can treat Dorian Gray as immoral. My difficulty was to keep the inherent moral subordinate to the artistic and the dramatic effect, and it still seems to me that the moral is too obvious[14]. » Aux yeux de Wilde, son roman illustre en effet les consĂ©quences dĂ©sastreuses de la dĂ©mesure humaine. En effet, Dorian commet le meurtre de Basil (qui est ainsi puni pour la fascination artistique qu’il Ă©prouvait pour Dorian) et finit par se suicider, payant ainsi le prix pour la dĂ©cadence morale oĂč l’ont menĂ© sa jeunesse et sa beautĂ©. Remarquons que cette morale est donnĂ©e au lecteur dĂšs le premier chapitre du Portrait Ă  travers les inquiĂ©tudes que Basil partage Ă  Lord Henry. Wilde affirme que la mise en place de ce systĂšme moral reprĂ©sente une erreur artistique. En ce sens, la thĂ©orie esthĂ©tique mais aussi la dĂ©marche d’écriture de Wilde rĂ©vĂšlent une tension entre ce que le romancier nomme « Poetry and Paradox » (ou ce que nous pourrions renommer goĂ»t esthĂ©tique et rĂ©flexions porteuses d’ambiguĂŻtĂ©s) et la reprĂ©sentation d’un systĂšme (ou simplement d’une idĂ©e) Ă©thique. Le traitement de la moralitĂ© chez Wilde suggĂšre que, du moment qu’un auteur cherche consciemment Ă  Ă©duquer son lecteur, il lui est difficile de ne pas construire la narration de son rĂ©cit autour de certaines valeurs qui rĂ©sistent Ă  l’interprĂ©tation ouverte que devrait ĂȘtre celle d’un roman.

L’exemple de Flaubert : la littĂ©rature comme lieu d’une recherche stylistique.

La richesse de l’exploration stylistique est aux yeux de Wilde le critĂšre le plus important pour juger de la valeur d’une Ɠuvre d’art. Dans cette optique, il n’est pas si Ă©tonnant que cet esthĂšte se soit davantage intĂ©ressĂ© au genre de la poĂ©sie, qui se centre autour d’une recherche esthĂ©tique, qu’au roman — oĂč la multiplication des intrigues et l’approfondissement de la psychologie des personnages peuvent se faire au dĂ©triment de l’harmonie littĂ©raire d’une Ɠuvre. Wilde est d’ailleurs en premier lieu un poĂšte. Comme le constate la critique Florina Tufescu, le parcours littĂ©raire de Wilde est encadrĂ© par son activitĂ© comme poĂšte : il entre dans le monde littĂ©raire grĂące Ă  la publication d’un recueil de poĂšmes en 1881, et tente sans succĂšs de rĂ©habiliter sa crĂ©dibilitĂ© Ă  la suite de son emprisonnement en publiant The Ballad of Reading Gaol en 1898, peu de temps avant sa mort[15]. Wilde admire d’une part la recherche stylistique minutieuse des poĂštes du XIXe siĂšcle (« master [s] of colour and form ») et affirme dans son essai The English Renaissance of Art :

In Rossetti’s poetry and the poetry of Morris, Swinburne and Tennyson a perfect precision and choice of language, a style flawless and fearless, a seeking for all sweet and precious melodies and a sustaining consciousness of the musical value of each word are opposed to that value which is merely intellectual[16].

En d’autres termes, Wilde prĂ©fĂšre la musicalitĂ© des jeux stylistiques de la poĂ©sie aux systĂšmes de l’érudition, l’univers de rĂȘve et d’imagination que crĂ©e le poĂšte Ă  celui de la raison, la quĂȘte du voyant Ă  celle du savant. La conception de la poĂ©sie de Wilde s’inscrit donc dans la lignĂ©e de celle des poĂštes romantiques français — qui Ă©rigent le poĂšte en mage ayant accĂšs aux secrets de la nature et de l’art — et concorde dans une certaine mesure avec celle de la sociĂ©tĂ© victorienne, oĂč la poĂ©sie demeure un genre trĂšs pratiquĂ© malgrĂ© la montĂ©e en popularitĂ© du roman[17].

Si Wilde prĂ©sente le poĂšte comme un contemplateur de la beautĂ©, il ne nie pas le potentiel esthĂ©tique du roman et du thĂ©Ăątre, car il affirme qu’une Ɠuvre littĂ©raire peut avoir un caractĂšre poĂ©tique mĂȘme si elle ne prend pas la forme d’un poĂšme. Aussi Ă©crit-il Ă  MallarmĂ© : « la prose française et la poĂ©sie dans les mains d’un maĂźtre tel que vous deviennent une et la mĂȘme chose[18] » et qualifie-t-il certains passages du roman Crime et chĂątiment de « beaux poĂšmes en prose[19] ». Non seulement Wilde souligne l’influence de la poĂ©sie sur les autres genres dans le travail de ses contemporains, mais il mĂšne lui-mĂȘme une recherche stylistique Ă  travers ses textes narratifs. C’est ce que la critique Florence Tufescu remarque au sujet de la piĂšce ł§Čč±ôŽÇłŸĂ©, qui recĂšle une exploration approfondie des symboles littĂ©raires. Ceux-ci sont d’ailleurs omniprĂ©sents dans le Portrait, qui offre par moments au lecteur une expĂ©rience presque sensorielle comme en tĂ©moigne la description sur laquelle s’ouvre le roman :

The studio was filled with the rich odour of roses, and when the light summer wind stirred amidst the trees of the garden, there came through the open door and the heavy scent of the lilac, or the more delicate perfume of the pink-flowering thorn[20].

Quoique la vision de la littĂ©rature de Wilde valorise davantage le poĂ©tique que le romanesque, elle nuance cette position en montrant qu’un roman peut ĂȘtre plus poĂ©tique qu’un poĂšme.

Il semble nĂ©anmoins cohĂ©rent que les poĂštes romantiques et symbolistes (notamment Wordsworth, Baudelaire et surtout MallarmĂ©) soient en tĂȘte de file des modĂšles littĂ©raires de Wilde. Le poĂšte qui incarne l’artiste le plus pure aux yeux de Wilde est le poĂšte Keats, qui, grĂące Ă  sa grande sensibilitĂ© artistique, ouvre Ă  son lecteur la porte du royaume de l’imagination. S’il est Ă©tonnant que Wilde attribue ce titre Ă  un poĂšte anglais, il est d’autant plus surprenant qu’il donne le mĂȘme titre au romancier Flaubert. « The sinless master whom mortals call Flaubert[21] » incarne le maĂźtre artistique de Wilde, qui a travaillĂ© sur une traduction de la Tentation de Saint-Antoine. Dans sa correspondance, Wilde montre la possibilitĂ© d’égaler ou peut-ĂȘtre mĂȘme de surpasser Flaubert comme l’accomplissement suprĂȘme auquel il aspire : « Yes! Flaubert is my master, and when I get on with my translation of the Tentation I shall be Flaubert II, Roi par grĂące de Dieu, and I hope something else beyond[22]. » Il est intĂ©ressant de noter que Wilde rĂ©fĂšre Ă  Flaubert Ă  de nombreuses reprises en tant qu’« artiste » plutĂŽt qu’en tant que gĂ©nie (titre qu’il attribue plutĂŽt Ă  Balzac) ou surtout de romancier. L’absence de ce terme dans ses multiples Ă©loges de deux des romanciers français les plus marquants du XIXe siĂšcle atteste d’une certaine distance que Wilde choisit de conserver par rapport au genre romanesque. L’emploi du terme plus gĂ©nĂ©ral d’artiste met aussi l’accent sur la recherche stylistique de Flaubert, et sous-entend que la sensibilitĂ© esthĂ©tique de ce romancier dĂ©passe l’art romanesque voire le champ de la littĂ©rature. Autrement dit, la pratique du roman de l’auteur de Madame Bovary tĂ©moigne, aux yeux de Wilde, d’une sensibilitĂ© Ă  la beautĂ© qui peut aussi se retrouver dans la musique, les arts visuels et mĂȘme les arts dĂ©coratifs.

Ainsi Wilde croit-il peut-ĂȘtre surpasser Flaubert en faisant de l’esthĂ©tisme autant une vision du monde qu’un mode de vie : ce que Wilde nomme son tempĂ©rament artistique passe Ă  la fois par sa dĂ©marche d’écriture et par sa coquetterie vestimentaire ou encore son goĂ»t pour la dĂ©coration intĂ©rieure. En tĂ©moigne notamment la valeur artistique qu’il attribue aux meubles qu’il acquiert Ă  la suite de son mariage : « Each chair is a sonnet in ivory, and the table is a masterpiece in pearl[23]. » Par consĂ©quent, l’admiration que Wilde montre Ă  l’égard de Flaubert illustre la recherche stylistique qu’il place au cƓur de toute entreprise littĂ©raire — et qui, comme nous le verrons plus loin, l’incite Ă  se dĂ©tourner de l’art romanesque.

Aux yeux de Wilde, Flaubert incarne donc l’artiste par excellence puisqu’il explore son individualitĂ© Ă  travers la crĂ©ation d’un style qui lui est propre, une rĂ©ussite qu’il considĂšre comme le sommet de l’expĂ©rience artistique. Dans son essai The Soul of Man Under Socialism (oĂč il se positionne en faveur du perfectionnement de l’individu qui serait possible grĂące Ă  la mĂ©canisation des emplois aliĂ©nants) Wilde affirme que ce « supreme artist » « has been able to isolate himself, to keep himself out of the reach of the clamorous claims of others [...] to realise the perfection of what was in him, to his incomparable gain, and to the incomparable and lasting gain of the whole world[24]. » Selon Wilde, l’artiste est celui qui rĂ©ussit Ă  se libĂ©rer du dĂ©sir de plaire Ă  son auditoire par le recyclage des conventions formelles de son Ă©poque afin de crĂ©er son propre style. Wilde explique plus longuement ce qu’il attend d’une Ɠuvre littĂ©raire lorsqu’il affirme dans son essai The English Renaissance of Art :

For it is not enough that a work of art should conform to the ĂŠsthetic demands of its age: there must be also about it, if it is to affect us with any permanent delight, the impress of a distinct individuality, an individuality remote from that of ordinary men, and coming near to us only by virtue of a certain newness and wonder in the work, and through channels whose very strangeness makes us more ready to give them welcome[25].

Afin de marquer l’esprit de son lecteur (et possiblement de marquer l’histoire de la littĂ©rature), un Ă©crivain doit crĂ©er Ă  partir d’une recherche esthĂ©tique subjective, ou voir l’art comme une occasion d’exploration de l’intĂ©rioritĂ© de l’individu. Ainsi un mĂȘme lecteur peut-il apprĂ©cier des Ɠuvres trĂšs diffĂ©rentes les unes des autres du moment que les diffĂ©rents auteurs de celles-ci utilisent la littĂ©rature comme moyen de dĂ©couvrir leur individualitĂ©. C’est d’ailleurs ce critĂšre de l’originalitĂ© qui peut expliquer les goĂ»ts littĂ©raires variĂ©s de Wilde — qui admire Ă  la fois Shakespeare, Balzac, Flaubert, DostoĂŻevski ainsi que de nombreux poĂštes et romanciers qui lui sont contemporains. Un roman ou un poĂšme est donc par essence une Ɠuvre unique puisqu’elle se veut une exploration du tempĂ©rament d’un artiste plutĂŽt que le reflet d’une Ă©poque[26]. Cette crĂ©ation peut reprendre certains mythes ou archĂ©types littĂ©raires — pensons aux parallĂšles possibles entre la relation du jeune Dorian et du peintre Basil et celle d’Alcibiade et de Socrate, ou encore la reprise du motif religieux de la tentation de Saint-Antoine par Flaubert — mais doit absolument les prĂ©senter dans une forme nouvelle.

Un artiste ne peut exprimer son tempĂ©rament qu’à l’aide un style qui lui est propre, et par consĂ©quent qui se distingue de celui de ses prĂ©dĂ©cesseurs. Aussi existe-t-il une tension entre le caractĂšre novateur de la dĂ©marche artistique d’un artiste et les attentes de son auditoire, qui souhaite retrouver dans l’art les codes littĂ©raires qu’il connaĂźt. Cependant, l’exaltation de l’intĂ©rioritĂ© de l’artiste Ă  travers une Ɠuvre littĂ©raire peut aussi s’avĂ©rer l’élĂ©ment dĂ©clencheur d’une expĂ©rience subjective de la beautĂ© chez le lecteur. Wilde le formule ainsi dans sa correspondance : « It is the spectator, and not life, that art really mirrors[27]. » CrĂ©ation originale de l’écrivain, un roman ou un poĂšme devient le miroir de l’individualitĂ© du lecteur en permettant une expĂ©rience subjective et en partie incommunicable[28]. C’est ce que Wilde propose lorsqu’il justifie sa dĂ©cision de se dĂ©tourner d’une dĂ©finition de la beautĂ© universelle dans son essai The English Renaissance of Art :

I will not try to give you any abstract definition of beauty [...] still less to communicate to you that which in its essence is incommunicable, the virtue by which a particular picture or poem affects us with a unique and special joy[29].

L’unique roman de Wilde exemplifie cette double expĂ©rience subjective de maniĂšre plus concrĂšte puisque le peintre Basil et le jeune Dorian voient tous deux le portrait que Basil a fait de Dorian comme le reflet de leur Ăąme. Wilde fait du rapport de Basil et de Dorian au portrait le nƓud de son intrigue : le tableau symbolise la fascination de Basil pour le jeune Dorian, et incarne ce que Basil nomme l’occasion de se rĂ©vĂ©ler lui-mĂȘme. La rĂ©ussite de ce projet artististe solde ironiquement l’échec de la carriĂšre artistique du peintre, qui choisit de ne pas exposer son seul chef d’Ɠuvre, terrifiĂ© Ă  l’idĂ©e de dĂ©voiler des secrets qu’il se cache mĂȘme Ă  lui-mĂȘme. De surcroĂźt, son portrait dĂ©voile Ă  Dorian le pouvoir de sa beautĂ© et de sa jeunesse, mettant la table Ă  sa corruption morale par Lord Henry. Prisonnier d’un sortilĂšge, le portrait se mĂ©tamorphose sous l’influence des annĂ©es qui s’écoulent et des crimes que commet Dorian tandis que celui-ci conserve les traits de sa bontĂ© et de sa jeunesse. En tant que rappel des sombres secrets du personnage, le portrait en vient Ă  incarner une image plus fidĂšle du tempĂ©rament de Dorian que Dorian lui-mĂȘme. C’est sans doute ce qui explique que Dorian se suicide au moment oĂč il allait dĂ©truire le tableau avec un couteau : seule sa mort physique peut tuer la part de son Ăąme que renferme le portrait. Cette vision de la littĂ©rature comme moyen de dĂ©couverte de l’intĂ©rioritĂ© nous ramĂšne au caractĂšre immoral que Wilde attribue Ă  l’art : la recherche subjective de l’artiste ne se rĂ©concilie pas plus Ă  des considĂ©rations morales que sa quĂȘte esthĂ©tique ou son dĂ©sir de dĂ©peindre une pluralitĂ© d’expĂ©riences humaines.

La vision de la littĂ©rature de Wilde comme « Philosophie de l’IrrĂ©alitĂ©[30] »

Toutefois, cette exaltation de l’intĂ©rioritĂ© ne nĂ©cessite pas qu’une Ɠuvre littĂ©raire prenne la forme d’un rĂ©cit autobiographique. Au contraire, un auteur peut acquĂ©rir une meilleure connaissance de lui-mĂȘme en crĂ©ant des personnages vivant des dĂ©chirements intĂ©rieurs qui lui sont Ă©trangers. Ainsi Wilde voit-il comme une erreur de croire qu’il faut ĂȘtre mĂ©lancolique pour mettre en scĂšne les tourments de Hamlet, ou encore fou pour reprĂ©senter le Roi Lear dans une tempĂȘte[31]. La comprĂ©hension de tels personnages ne nĂ©cessite pas l’enquĂȘte sociologique ou psychologique menĂ©e par plusieurs romanciers influencĂ©s par le mouvement littĂ©raire du rĂ©alisme. Dans cette ligne d’idĂ©es, les essais de Wilde comportent Ă  la fois une violente critique du rĂ©alisme en tant que mouvement littĂ©raire et une admiration pour les Ă©crivains (et surtout les romanciers) qui rĂ©ussissent Ă  dĂ©peindre une multitude de diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s. Commençons par noter que Wilde s’oppose vivement Ă  la mĂ©thode de ses contemporains qui souhaitent faire d’une Ɠuvre d’art le reflet de la rĂ©alitĂ©. Il dĂ©nonce donc la dĂ©marche prĂŽnĂ©e par le rĂ©alisme et le naturalisme, soit une enquĂȘte menant Ă  la « dissection » de certaines rĂ©alitĂ©s sociales. C’est du moins l’interprĂ©tation pĂ©jorative que Wilde effectue de ce courant littĂ©raire :

The ancient historians gave us delightful fiction in the form of facts; the modern novelist presents us with dull facts under the form of fiction. [...] He [the artist] has his tedious document humain, his miserable coin de la création into which he peers with his microscope[32].

L’essai qui dĂ©veloppe ces rĂ©flexions (The Decay of Lying) prend justement la forme d’un dialogue oĂč le personnage de Vivian se dĂ©sole du bannissement du mensonge dans le contexte de certains Ă©vĂ©nements mondains, mais surtout dans le domaine des arts. En tant que lieu de la fiction, le roman est le lieu du mensonge, ou ce que Wilde nomme « the telling of beautiful untrue things » c’est-Ă -dire « le rĂ©cit de belles choses fausses[33] ».

Si l’art romanesque a pour matiĂšre premiĂšre la rĂ©alitĂ©, il n’en demeure pas moins qu’il redore cette rĂ©alitĂ© afin d’en faire une Ɠuvre d’art. C’est pourquoi Wilde a recours Ă  la mĂ©taphore du cristal plutĂŽt que du miroir pour rĂ©flĂ©chir aux effets de la littĂ©rature dans sa correspondance : « A mirror will give one one’s own sorrow. But Art is not a mirror, but a crystal. It creates its own shapes and forms[34]. » Autrement dit, la vision de la rĂ©alitĂ© proposĂ©e par la littĂ©rature se rĂ©fracte Ă  travers le prisme de la subjectivitĂ© de l’écrivain. Dans son essai The Decay of Lying, Wilde utilise Ă©galement l’image du voile pour imager l’altĂ©ration de la rĂ©alitĂ© qui se fait Ă  travers le prisme de l’art :

She [Art] is not to be judged by any external standard of resemblance. She is a veil, rather than a mirror. She has flowers that no forests know of, birds that no woodland possesses. She makes and unmakes many worlds, and can draw the moon from heaven with a scarlet thread[35].

Aux yeux de Wilde, la dĂ©marche rĂ©aliste fait fausse route lorsqu’elle nie l’existence de la tension entre idĂ©alisation du rĂ©el et reprĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© au cƓur de tout travail littĂ©raire. C’est par l’entremise du rĂȘve que cet art mĂšne le lecteur Ă  rĂ©flĂ©chir au monde rĂ©el, certes, mais aussi Ă  s’échapper un instant d’un monde qui, aux yeux de Wilde, est parfois insupportable. Mentionnons au passage que les romanciers les plus accomplis (et plus particuliĂšrement Balzac, un exemple auquel nous reviendrons sous peu) rĂ©ussissent Ă  rendre leur univers narratif crĂ©dible — c’est-Ă -dire Ă  convaincre leur lecteur (le temps de sa lecture) que ce monde est plus rĂ©el que sa propre rĂ©alitĂ©. Wilde note Ă  ce sujet que c’est le pouvoir suprĂȘme de la fiction :

This is the supreme advantage that fiction possesses over facts. It can make things artisticaly probable, can call for imaginative and realistic credence, can, by force of mere style, compel us to believe. The ordinary novelists, by keeping close to the ordinary incidents of commonplace life seem to me to abdicate half of their power. Romance, at any rate, welcomes what is wonderful; the temper of wonder is part of her own secret; she loves what is strange and curious[36].

Ainsi cet ensorcĂšlement artistique permet-il au romancier de dĂ©roger davantage d’une reprĂ©sentation fidĂšle de la rĂ©alitĂ© que ce que rend possible le rĂ©alisme. Wilde ne voit pas de problĂšme Ă  ce qu’un chef d’Ɠuvre romanesque tomber dans ce qui est de l’ordre du merveilleux, de l’étrangetĂ© ou de l’étonnement. Pour ce faire, le romancier peut notamment situer son intrigue dans une autre Ă©poque (comme l’AntiquitĂ©) ou dans une autre culture (par exemple celle de l’Orient). Il peut aussi laisser planer une aura de mystĂšre sur certains aspects de son intrigue — rappelons que le lecteur n’apprend jamais quel est le mystĂ©rieux livre que Lord Henry prĂȘte Ă  Dorian et qui empoisonne son Ăąme — ou faire tomber son rĂ©cit dans le fantastique (pensons seulement Ă  la mĂ©tamorphose du portrait de Dorian Ă  travers le temps). PlutĂŽt que de chercher Ă  se faire le reflet de la rĂ©alitĂ©, l’Ɠuvre littĂ©raire doit, Ă  l’image de la piĂšce musicale, conserver une aura de mystĂšre. Comme il affirme lui-mĂȘme, Wilde prend position pour une vision de la littĂ©rature (et surtout du roman) plus prĂšs des idĂ©es du romantisme que de celle du rĂ©alisme.

L’exemple de la ComĂ©die Humaine et des Rougon-Macquart :

Wilde illustre ce rapport qu’il dresse entre art et rĂ©alitĂ© grĂące Ă  son Ă©loge de la ComĂ©die humaine et de sa vive critique du naturalisme zolien. L’auteur du Portrait considĂšre l’Ɠuvre balzacienne comme plus grand monument littĂ©raire du XIXe ČőŸ±ĂšłŠ±ô±đ. Balzac incarne le vĂ©ritable gĂ©nie de son siĂšcle puisqu’il rĂ©ussit Ă  dĂ©peindre un nombre impressionnant d’expĂ©riences humaines, ce qui fait de sa ComĂ©die humaine le plus grand « magazine de documents sur l’ĂȘtre humain » aprĂšs les piĂšces de Shakespeare. Wilde s’enthousiasme devant cette panoplie de possibles Ă©parpillĂ©e Ă  travers l’Ɠuvre de Balzac : « And what a world it is! What a panorama of passions! What a pell-mell of men and women![37] » Il compare mĂȘme le projet de la ComĂ©die humaine Ă  celui menĂ© par Buffon en sciences naturelles, sous-entendant ainsi qu’il admire le dĂ©sir d’exhaustivitĂ© ou la visĂ©e encyclopĂ©dique au centre de la dĂ©marche de Balzac. Aux yeux de Wilde, la dĂ©marche balzacienne ne se rĂ©duit pas Ă  rĂ©pertorier des faits, car elle passe par un travail d’observation qui permet au romancier de transformer les « faits » en « vĂ©ritĂ©s » puis en la « VĂ©rité ». Balzac rĂ©ussit Ă  concilier une mĂ©thode scientifique Ă  un travail artistique : il atteint une connaissance approfondie de l’ĂȘtre humain en interprĂ©tant des faits propres Ă  la rĂ©alitĂ© de sa sociĂ©tĂ© Ă  l’aune de sa subjectivitĂ© artistique. Wilde ne voit donc pas l’art romanesque de Balzac comme une tentative de reproduire la rĂ©alitĂ©, mais plutĂŽt comme la crĂ©ation d’un monde narratif Ă  partir d’une fine observation du rĂ©el.

Comme mentionnĂ© plus tĂŽt, il faut nĂ©anmoins que cet univers imaginaire rappelle suffisamment la rĂ©alitĂ© pour qu’un romancier puisse convaincre le lecteur que les personnages qu’il lui prĂ©sente existent. C’est un effet que Balzac rĂ©ussit particuliĂšrement bien Ă  reproduire selon Wilde, qui considĂšre que la lecture de la ComĂ©die humaine permet au lecteur de croire que les personnages balzaciens sont plus rĂ©els que les personnes qu’il cĂŽtoie au quotidien. Le monde que nous propose Balzac n’en demeure pas moins une illusion, c’est-Ă -dire un univers oĂč sont embellis certains aspects de la rĂ©alitĂ©. C’est ce qui donne Ă  ses romans une vitalitĂ© ou un intĂ©rĂȘt qui dĂ©passe celui du monde rĂ©el, comme en tĂ©moigne cette description de Wilde :

They [Balzac’s characters] have a fierce vitality about them : their existence is fervent and fiery— coloured ; we not merely feel for them but we see them—they dominate our fancy and defy scepticism. A steady course of Balzac reduces our living friends to shadows, and our acquaintances to the shadows of shades. Who would care to go out to an evening party to meet Tomkins, the friend of one’s boyhood, when one can sit at home with Lucien RubemprĂ©?[38]

Balzac rĂ©ussit Ă  concilier illusion littĂ©raire et observation de la rĂ©alitĂ© de maniĂšre Ă  crĂ©er ce que Wilde nomme « imaginative reality », ce qui signifie qu’il ne considĂšre pas les Ɠuvres de Balzac comme faisant partie du mouvement rĂ©aliste. Notons que si Wilde Ă©rige la pratique balzacienne de l’art romanesque en modĂšle, il constate un rapport similaire Ă  la rĂ©alitĂ© chez d’autres romanciers, et plus particuliĂšrement chez les trois romanciers russes TolstoĂŻ, DostoĂŻevski et Tourgueniev ainsi que chez Meredith, un romancier anglais.

Wilde porte toutefois un jugement plus sĂ©vĂšre sur ce qu’il nomme « the unimaginative reality » qu’incarne le naturalisme de Zola. Wilde accuse Zola de ne pas interprĂ©ter les diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s socioĂ©conomiques qu’il prĂ©sente Ă  travers le prisme de l’imagination. Aux yeux de Wilde, la « formule scientifique » prĂ©conisĂ©e par Zola le mĂšne Ă  suivre la tendance « monstrueuse » qu’est celle de porter un « culte » des « faits » et qui prend de l’ampleur au XIXe ČőŸ±ĂšłŠ±ô±đ. Wilde considĂšre donc que, contrairement aux personnages de Balzac, ceux de Zola sont d’un ennui mortel puisque leur trajectoire narrative copie le dĂ©roulement de la rĂ©alitĂ© des Français ayant vĂ©cu Ă  l’époque du Second Empire. C’est du moins ce que Wilde affirme dans son essai The Decay of Lying :

The author [Zola] is perfectly truthful, and describes things exactly as they happen. [...] from the standpoint of art, what can be said in favour of the author of łąâ€™AČőČőŽÇłŸłŸŽÇŸ±°ù, Nana, and Pot-Bouille? Nothing. Mr. Ruskin once described the characters in George Eliot’s novels as being like the sweepings of a Pentonville omnibus, but M. Zola’s characters are much worse. They have their dreary vices, and their drearier virtues. The record of their lives is absolutely without interest. Who cares what happens to them?[39]

MĂȘme en prenant en considĂ©ration les thĂ©ories esthĂ©tiques de Wilde, il paraĂźt discutable de considĂ©rer que le dĂ©nouement heureux de l’histoire d’amour entre Mouret et Denise Ă  la suite de l’apothĂ©ose de la vente de blanc dans Au bonheur des dames, ou encore les jeux de sĂ©duction menĂ©s par Nana (qui la mĂšnent Ă  une fin tragique) sont trop ennuyeux pour susciter un plaisir littĂ©raire Ă  la hauteur de ce que proposent des romanciers comme Balzac ou TolstoĂŻ. Il n’en demeure pas moins que Zola commet une faute impardonnable aux yeux de Wilde, une faute qu’il partage avec de nombreux romanciers du XIXe siĂšcle — celle de prĂ©tendre « dissĂ©quer » l’ñme humaine Ă  l’aide des rĂ©sultats de son enquĂȘte sociologique.

Conclusion : le roman anglais, un genre contraignant au XIXe ČőŸ±ĂšłŠ±ô±đ.

La conception de l’art de Wilde nous permet de mieux comprendre sa critique de l’art romanesque tel qu’il est pratiquĂ© Ă  son Ă©poque : plutĂŽt que le lieu d’innovations stylistiques, le roman s’avĂšre celui d’une dĂ©monstration du puritanisme de l’ùre victorienne et d’une enquĂȘte cherchant Ă  comprendre diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s socioĂ©conomiques. L’auteur du Portrait critique ce qu’il nomme une vision du roman comme d’un « mode de propagande[40] » en opposant l’interprĂ©tation unique du roman Ă  thĂšse Ă  la pluralitĂ© d’interprĂ©tations que devrait permettre une Ɠuvre d’art. Les rĂ©ticences que Wilde cultive Ă  l’égard du genre romanesque sont aussi alimentĂ©es par la conception du roman comme d’un miroir de la rĂ©alitĂ© qui marque autant la littĂ©rature anglaise que la littĂ©rature française de la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe ČőŸ±ĂšłŠ±ô±đ. Wilde qui, nous l’avons vu, revendique les idĂ©es esthĂ©tiques au fondement de la thĂ©orie de « l’art pour l’art », se mĂ©fie Ă©galement du roman en tant que producteur de « best-sellers » littĂ©raires. En effet, l’auteur du Portrait est d’avis que certaines considĂ©rations mercantiles influencent trop le dĂ©veloppement du roman moderne pour que celui-ci devienne le meilleur genre littĂ©raire pour mener une recherche esthĂ©tique fĂ©conde. Il constate Ă  ce sujet :

Novels are now written so rapidly that novelists have no time to secret thought or fancy ; and without wealth or thought and fancy there cannot be apt felicity of language. Where there is little to express, expression must be poor. The public reads so fast that it has no time for subtleties of art, no patience to seek out retiring beauties, nothing of that still and serious temper which feels such beauties when found. Which such a public, such authors are fairly matched ; for each makes the other[41].

Autrement dit, le dĂ©veloppement de l’art romanesque est en quelque sorte asservi aux intĂ©rĂȘts Ă©conomiques prenant de l’ampleur Ă  l’époque de la RĂ©volution industrielle : un nombre grandissant de romans sont Ă©crits trop vite dans le but de plaire au plus grand nombre de lecteurs possibles. Wilde est aussi exaspĂ©rĂ© par la longueur de ces romans Ă©crits pour garder les lecteurs en haleine. Il se moque Ă  plusieurs reprises de la mode du « roman anglais en trois volumes » dont l’intrigue se perd dans la multiplication des pĂ©ripĂ©ties et des personnages. Wilde Ă©tant un lecteur avide de romans, ces critiques du roman victorien portent Ă  croire qu’il rejette l’art romanesque tel que pratiquĂ© Ă  son Ă©poque plutĂŽt que l’écriture du roman comme tel.

Il est nĂ©anmoins possible de se demander si certaines des rĂ©serves de Wilde, qui a Ă©crit une quantitĂ© impressionnante d’essais, de nombreux poĂšmes et plusieurs piĂšces de thĂ©Ăątre mais un seul roman, ne touchent pas Ă  certaines caractĂ©ristiques plus intrinsĂšques du roman. Il est vrai que le roman, en tant que « machine Ă  crĂ©er du suspense », a la facultĂ© de crĂ©er un engouement plus grand que la poĂ©sie ou le thĂ©Ăątre : cela signifie, dans la logique de Wilde, que le romancier a davantage de chances de prioriser certaines considĂ©rations commerciales au dĂ©triment de l’exploration de sa subjectivitĂ© que le poĂšte ou le dramaturge. De plus, la dĂ©marche artistique de Wilde se prĂȘte mal Ă  la multiplication des intrigues que propose le roman — Ă  laquelle il prĂ©fĂšre la beautĂ© et l’harmonie de l’unitĂ© d’action qu’il retrouve dans le thĂ©Ăątre. Cet Ă©purement narratif permet par ailleurs Ă  l’écrivain de mettre la pratique du dialogue et du paradoxe chez les personnages Ă  l’avant-plan de sa crĂ©ation littĂ©raire, ce qui favorise les Ă©changes d’idĂ©es contradictoires (et de la recherche de la VĂ©ritĂ© Ă  travers ces Ă©changes) au cƓur de la dĂ©marche artistique de Wilde. Celui-ci affirme lui-mĂȘme construire le schĂ©ma narratif du Portrait autour des conversations entre les personnages qu’autour d’aventures romanesques : « I have just finished my first long story 
 I am afraid it is rather like my own lifeall conversation and no action. I can’t describe action: my people sit in chairs and chatter[42]. » De plus,le peu de contraintes narratives dans le domaine de la poĂ©sie fait de celle-ci le terreau d’une recherche stylistique plus fertile aux yeux de l’auteur du Portrait que le genre romanesque. Ainsi la grandeur artistique que Wilde voit dans l’Ɠuvre de Flaubert est-elle d’autant plus grande du fait qu’il rĂ©ussit Ă  crĂ©er un style littĂ©raire Ă  partir d’une matiĂšre artistique imparfaite. MalgrĂ© l’attention que l’on accorde Ă  son unique roman, le « tempĂ©rament artistique » de Wilde se dĂ©ploie peut-ĂȘtre mieux dans la confrontation de discours que favorise le dialogue (ou l’essai critique) et dans la recherche esthĂ©tique au centre de la tradition poĂ©tique que dans le roman, un genre qu’il associe de toute maniĂšre trop viscĂ©ralement Ă  son dĂ©goĂ»t de la sociĂ©tĂ© victorienne.

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[1] Voir « The Victorian Era », dans The Broadview Anthology of British Literature. The Victorian Era, (ed. Joseph Black et al.), volume V, Peterborough, Broadview Press, deuxiÚme édition, 2012, p. xxxix-lxxxiv.

[2] Oscar Wilde, « The Critic As Artist », dans Complete Works of Oscar Wilde (Ă©d. Merlin Holland), Glasgow, HarperCollins, coll. « Collins Classics », 1994 [1881-1898], p. 1145. « La condition premiĂšre de la critique est que le critique soit capable de reconnaĂźtre que la sphĂšre de l’Art et celle de l’Éthique sont absolument distinctes et sĂ©parĂ©es. [...] On les confond trop souvent aujourd’hui en Angleterre et, bien que nos modernes puritains ne puissent dĂ©truire une belle chose, ils parviennent cependant presque, avec leur extraordinaire lubricitĂ©, Ă  souiller momentanĂ©ment la beautĂ©. » Pour cette traduction en français, voir « La Critique comme artiste », ƒłÜ±č°ù±đČő (Ă©d. Jean GattĂ©gno), Paris, Gallimard, coll. « PlĂ©iade », 1996 [1881-1898], p. 886.

[3] « The Picture of Dorian Gray », Ibid., p.17. « Il n’existe pas de livre moral ou de livre immoral. Un livre est bien Ă©crit ou mal Ă©crit, un point, c’est tout. » Pour cette traduction en français, voir « Le portrait de Dorian Gray », Ibid., p. 347.

[4] « Tout art est parfaitement inutile. » Idem.

[5] « Lettre Ă  R. Clegg, avril 1891 », op. cit., p. 478. « L’art est inutile parce que son but est simplement de crĂ©er un Ă©tat d’esprit. Il ne vise d’aucune maniĂšre Ă  instruire ni Ă  influencer. [...] L’Ɠuvre d’art est inutile comme la fleur est inutile. La fleur s’épanouit pour sa propre joie. Nous gagnons un moment de joie en la regardant : voilĂ  tout ce que l’on peut dire de nos rapports avec les fleurs. Certes l’homme peut vendre la fleur et ainsi en tirer une utilitĂ©, mais cela n’a rien de commun avec la fleur elle-mĂȘme. Ce n’est pas une partie de son essence : c’est accidentel. » Pour cette traduction en français, voir « Lettre Ă  R. Clegg, avril 1891 », Lettres d’Oscar Wilde (trad. Henriette de Boissard), Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1994 [1875-1900], p. 162.

[6] « Lettre Ă  l’éditeur du Scots Observer, 9 July 1890 », Ibid., p. 439. « Le vice et la vertu sont simplement pour lui [l’artiste] ce que sont, pour le peintre, les couleurs qu’il voit sur sa palette : rien de plus et rien de moins. » Pour cette traduction en français, voir « Lettre Ă  l’éditeur du Scots Observer, 9 juillet 1890 », Ibid., p. 142.

[7] « Literary and Other Notes », dans The Complete Works of Oscar Wilde. Journalism Part II (Ă©d. John Stokes et Mark W. Turner), Volume VII, Oxford, Oxford University Press, 2013 [1887–1895], p. 31. Une traduction en français de cet article n’est pas disponible.

[8] « The Critic As Artist », op. cit., p. 1129. « Tu vois donc par lĂ  comment il se fait que le critique esthĂšte, rejetant ces modes artistiques fondĂ©s sur l’évidence qui n’ont qu’un unique message Ă  transmettre et, aprĂšs l’avoir transmis, deviennent muets et stĂ©riles, prĂ©fĂšre rechercher les modes fondĂ©s sur la suggestion : ils portent Ă  la rĂȘverie et Ă  la mĂ©ditation, et leur beautĂ© imaginative fait que toutes les interprĂ©tations sont vraies, qu’aucune n’est dĂ©finitive. » Pour cette traduction en français, voir « Le Critique comme artiste », op. cit., p. 861.

[9] « The Picture of Dorian Gray », op. cit., p. 20. « Vous ne dites jamais rien de moral, et vous ne faites jamais rien d’immoral. Votre cynisme n’est qu’une pose. » Pour cette traduction en français, voir « Le Portrait de Dorian Gray », Ibid., p. 352.

[10] « The House Beautiful », dans Complete Works of Oscar Wilde, op. cit., p. 925. Une traduction française de cet article n’est pas disponible.

[11] « Lettre Ă  l’éditeur du St James’s Gazette, 27 juin 1890 », op. cit., p. 430. Une traduction française de cette lettre n’est pas disponible.

[12] « The House Beautiful », op. cit., p. 916. Une traduction en français de cet essai n’est pas disponible.

[13] « A Few Maxims For the Intruction of the Over-Educated », Ibid., p. 1242. « L’Art est la seule chose sĂ©rieuse qui existe au monde. Et l’artiste la seule personne qui n’est jamais sĂ©rieuse. » Pour cette traduction en français, voir « Quelques Maximes pour l’instruction des personnes trop instruites », ƒłÜ±č°ù±đČő, op. cit., p. 968.

[14] « Lettre Ă  Arthur Conan Doyle, avril 1891 », op. cit., p. 478. « Je ne parviens pas Ă  comprendre comment ils peuvent traiter Dorian Gray d’immoral. Ma difficultĂ© fut de garder subordonnĂ©e Ă  l’effet artistique et dramatique la morale inhĂ©rente Ă  l’histoire et il me semble encore que cette morale est trop Ă©vidente. » Pour cette traduction en français, voir « Lettre Ă  Arthur Conan Doyle, avril 1891 », op. cit., p. 161.

[15] Florina Tufescu, « Mixing Memory and Desire: The Scandal of Oscar Wilde’s Neo-classical Poetry », dans Oscar Wilde, Jarlath Killeen (dir.), Dublin, Irish Academy Press, 2011, p. 47.

[16] « The English Renaissance of Art », dans Aristotle at Afternoon Tea. The rare Oscar Wilde (Ă©d. John Wyse Jackson), Londres, Fourth Estate, 1991 [1882–1890], p. 10. Une traduction en français de cet article n’est pas disponible.

[17] Voir The Broadview Anthology of British Literature. op. cit., p. 38.

[18] « Lettre à Mallarmé, 25 février 1891 », op. cit., p. 471.

[19] « A Russian Realistic Romance », dans The Complete Works of Oscar Wilde. Journalism Part I (Ă©d. John Stokes et Mark W. Turner), Volume VI, Oxford, Oxford University Press, 2013 [1877–1887], p. 31. Une traduction en français de cet article n’est pas disponible.

[20] « The Picture of Dorian Gray », op. cit., p.18. « La riche senteur des roses emplissait l’atelier, et lorsque la brise d’étĂ© agitait les arbres du jardin, les lourds effluves du lilas, ou la flagrance plus subtile de l’épine rose, pĂ©nĂ©traient par la porte ouverte. » Pour cette traduction en français, voir « Le Portrait de Dorian Gray », op. cit., p. 349.

[21] « Lettre Ă  Justin Huntly McCarthy, milieu du mois de mai 1889 », op. cit., p. 399. Une traduction en français de cette lettre n’est pas disponible.

[22] « Lettre Ă  W. E. Henley, dĂ©cembre 1888 », op. cit., p. 372. « Oui, Flaubert est mon maĂźtre. Quand je me mettrai Ă  traduire La Tentation, je serai Flaubert II, Roi par grĂące de Dieu et, j’espĂšre, beaucoup plus. » Pour cette traduction en français, voir « Lettre Ă  W. E. Henley, dĂ©cembre 1888 », op. cit, p. 135.

[23] « Lettre à E. W. Godwin, février ou mars 1885 », Ibid., p. 252.

[24] « The Soul of Man Under Socialism », dans Complete Works of Oscar Wilde, op. cit., p. 1174. « Un artiste souverain, comme Flaubert, a pu s’isoler, se mettre hors d’atteinte des vocifĂ©rations exigeantes d’autrui [...] et par lĂ  rĂ©aliser la perfection de ce qui Ă©tait en lui, tirant de lĂ  un profit personnel incomparable, et permettant Ă  l’univers entier d’en tirer un profit incomparable. » Pour cette traduction en français, voir « L’Âme de l’homme sous le socialisme », ƒłÜ±č°ù±đČő, op. cit., p. 929.

[25] « The English Renaissance of Art », op. cit., p. 9. Une traduction en français de cet article n’est pas disponible.

[26] Bien qu’il insiste Ă  de nombreuses reprises sur cette idĂ©e dans ses essais, Wilde la nuance dans une certaine mesure lorsqu’il dit dans Mr. Whistler’s Ten O’Clock : « An artist is not an isolated fact; he is the resultant of a certain milieu and a certain entourage, and can no more be born of a nation that is devoid of any sense of beauty than a fig can grow from a thorn or a rose blossom from a thistle. » « Mr. Whistler's Ten O'Clock », publiĂ© dans le Pall Mall Gazette, 21 FĂ©vrier 1885, The Complete Works of Oscar Wilde, op. cit., p. 949. « Un artiste n’est point un fait isolĂ©. Il est la rĂ©sultante d’un certain milieu, et il est aussi impossible qu’il naisse dans une nations absolument dĂ©pourvue de tout sentiment de la beautĂ© qu’il est impossible qu’une figue croisse sur une Ă©pine-blanche, ou qu’une rose s’épanouisse sur un chardon. » Pour cette traduction en français, voir Essais de littĂ©rature et d’esthĂ©tique (trad. Albert savine), Paris, Éditions du Sandre, 2005 [1855-1885], p.14.

[27] « Lettre Ă  l’éditeur du Scots Observer, 23 juillet 1890 », op. cit., p. 441. « C’est le spectateur et non la vie que l’art en rĂ©alitĂ© reflĂšte. » Pour cette traduction en français, voir « Lettre Ă  l’éditeur du Scots Observer, 23 juillet 1890 », op. cit., p. 144.

[28] Cette expĂ©rience subjective de l’art n’est pas sans rappeler une des critiques du rĂ©alisme formulĂ©e par Proust dans le Temps retrouvĂ©, oĂč il est question d’une « essence » littĂ©raire « en partie subjective et incommunicable » Voir Marcel Proust, Le temps retrouvĂ©, dans À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1999 [1927], p. 2277.

[29] « The English Renaissance of Art », dans Aristotle at Afternoon Tea. The rare Oscar Wilde, op. cit., p. 3. Une traduction en français de cet article n’est pas disponible.

[30] Cette expression est utilisĂ©e par Wilde dans sa « Lettre Ă  Edmond de Goncourt, 17 dĂ©cembre 1891 », op. cit., p. 505.

[31] Idem.

[32] « The Decay of Lying », dans Complete Works of Oscar Wilde, op. cit., p. 1073. « Les historiens de l’AntiquitĂ© cherchaient Ă  nous faire prendre de charmantes fables pour des faits. Le romancier contemporain nous prĂ©sente des faits ennuyeux sous le couvert de la fable. [...] Il dispose de son fastidieux document humain, de son misĂ©rable petit coin de la crĂ©ation qu’il observe au microscope. » Pour cette traduction en français, voir « Le DĂ©clin du mensonge », dans ƒłÜ±č°ù±đČő, op. cit., p. 776.

[33] Pour la version en anglais, voir Ibid., p.1092 et pour la traduction en français voir Ibid., p. 805.

[34] « Lettre Ă  More Adey, 16 dĂ©cembre 1896 », op. cit., p. 672. Une traduction en français de cette lettre n’est pas disponible.

[35] « The Decay of Lying », op. cit., p. 1082. « C’est Ă  l’intĂ©rieur et non en dehors de lui-mĂȘme que l’Art atteint sa perfection. Il n’a pas Ă  ĂȘtre jugĂ© sur des critĂšres de ressemblance au monde extĂ©rieur. L’art est voile plus que miroir. Il connaĂźt des fleurs qui ne poussent dans aucune forĂȘt, des oiseaux qui ne nichent dans aucune charmille. Il crĂ©e et dĂ©truit une multitude d’univers et, au moyen d’un fil Ă©carlate, peut attraper la lune. » Pour cette traduction en français, voir « Le DĂ©clin du mensonge », op. cit., p. 790.

[36] « Literary and Other Notes », dans The Complete Works of Oscar Wilde. Journalism Part II, op. cit., p. 162. Une traduction en français de cet article n’est pas disponible.

[37] « Balzac in English », Complete Works of Oscar Wilde, op. cit., p. 959. « Et quel monde c’est ! Quel panorama de passions ! Quel pĂȘle-mĂȘle d’hommes et de femmes ! » Pour cette traduction en français, voir « Balzac en anglais », dans Nouveaux essais de littĂ©rature et d’esthĂ©tique (trad. Albertine Savine), Paris, Éditions du Sandre, 2006 [1886-1887], p. 75.

[38] Ibid., p. 960. « Ils ont en eux une ardente vitalitĂ©; leur existence est bouillonnante, vivement colorĂ©e. Ils dominent notre imagination et dĂ©fient notre scepticisme. Une lecture assidue de Balzac rĂ©duit nos amis vivants Ă  l’état d’ombres, et nos simples connaissances ne sont plus que des ombres de fantĂŽme. Qui se soucierait de se rendre Ă  une soirĂ©e pour rencontrer Tomkins, notre ami d’enfance, quand on peut passer le temps chez soi en compagnie de Lucien de Rubempré ? » Idem.

[39] « The decay of Lying », op. cit., p. 1075. « L’auteur [Zola] est parfaitement sincĂšre et dĂ©crit la rĂ©alitĂ© telle qu’elle est. [...] Mais, du point de vue de l’art, que dire pour dĂ©fendre l’auteur de l’Assomoir, de Nana, de Pot-Bouille ? Rien. DĂ©crivant les personnages des romans de George Eliot, Mr. Ruskin les a un jour comparĂ©s aux balayures d’un omnibus de Pentonville, mais les personnages de M. Zola sont bien pires. Leurs vices sont d’un ennui mortel, leurs vertus d’un ennui plus mortel encore. Le rĂ©cit de leur existence ne prĂ©sente pas l’ombre d’un intĂ©rĂȘt. Qui se soucie de ce qui leur arrive ? » Pour cette traduction en français, voir « Le dĂ©clin du mensonge », op. cit., p. 779.

[40] C'est une expression que Wilde utilise dans « Some literary Notes », op. cit., p. 180.

[41] «"Hugh Conway’s" Last Novel », dans The Complete Works of Oscar Wilde. Journalism Part II, op. cit., p. 265. Une traduction en français de cet article n’est pas disponible.

[42] « Lettre Ă  Beatrice Allhusen, dĂ©but de l’annĂ©e 1890 », op. cit., p. 427

Bibliographie

Ouvrages cités

Ouvrages en anglais :

The Complete Letters of Oscar Wilde (Ă©d. Merlin Holland et Rupert Hart-Davis), New York, Henry Holt and Compagny, 2000.

Complete Works of Oscar Wilde (éd. Merlin Holland), Glasgow, HarperCollins, coll. « Collins Classics », 1994 [1881-1898].

The Complete Works of Oscar Wilde. Journalism Part I (Ă©d. John Stokes et Mark W. Turner), Volume VI, Oxford, Oxford University Press, 2013 [1877-1887].

The Complete Works of Oscar Wilde. Journalism Part II (Ă©d. John Stokes et Mark W. Turner), Volume VII, Oxford, Oxford University Press, 2013 [1887-1895].

Aristotle at Afternoon Tea. The rare Oscar Wilde (Ă©d. John Wyse Jackson), Londres, Fourth Estate, 1991 [1882-1890].

Traductions françaises :

WILDE, Oscar, Lettres d'Oscar Wilde (trad. Henriette de Boissard), Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1994 [1875-1900].

ƒłÜ±č°ù±đČő (Ă©d. Jean GattĂ©gno), Paris, Gallimard, coll. « PlĂ©iade », 1996 [1881-1898].

Nouveaux essais de littĂ©rature et d'esthĂ©tique (trad. Albertine Savine), Paris, Éditions du Sandre, 2006 [1886-1887].

Essais de littĂ©rature et d'esthĂ©tique, (trad. Albertine Savine), Paris, Éditions du Sandre, 2006 [1855-1885].

Autres ouvrages consultés :

BLACK, Joseph et al., “The Victorian Era”, dans The Broadview Anthology of British Literature. The Victorian Era, (ed. Joseph Black et al.), volume V, Peterborough, Broadview Press, deuxiĂšme Ă©dition, 2012.

PROUST, Marcel, Le temps retrouvĂ©, dans À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1999 [1927].

TUFESCU, Florina, « Mixing Memory and Desire: The Scandal of Oscar Wilde's Neo-classical Poetry », dans Oscar Wilde, Jarlath Killeen (dir.), Dublin, Irish Academy Press, 2011, p. 47-70.

Citations

Aristotle at afternoon Tea. The Rare Oscar WileÌę(Ă©d. John Wyse Jackson), Londres, Fourth Estate, 1991 [1882-1890].

The English Renaissance of Art.

"Among the many debts which we owe to the supreme ĂŠsthetic faculty of Goethe is that he was the first to teach us to define beauty in terms the most concrete possible, to realize it, I mean, always in its special manifestations. So, in the lecture which I have the honour to deliver before you, I will not try to give you any abstract definition of beauty—any such universal formula for it as was sought for by the philosophy of the eighteenth century—still less to communicate to you that which in its essence is incommunicable, the virtue by which a particular picture or poem affects us with a unique and special joy ; but rather to point out to you the general ideas which characterise the great English Renaissance of Art in this century, to discover their source, as far as that is possible, and to estimate their future as far as that is possible."Ìę(3)

"For it is not enough that a work of art should conform to the ĂŠsthetic demands of its age : there must be also about it, if it is to affect us with any permanent delight, the impress of a distinct individuality, an individuality remote from that of ordinary men, and coming near to us only by virtue of a certain newness and wonder in the work, and through channels whose very strangeness makes us more ready to give them welcome."Ìę(9)

"In Rossetti’s poetry and the poetry of Morris, Swinburne and Tennyson a perfect precision and choice of language, a style flawless and fearless, a seeking for all sweet and precious melodies and a sustaining consciousness of the musical value of each word are opposed to that value which is merely intellectual."Ìę(10)

"But the drama is the meeting-place of art and life; it deals, as Mazzini said, not merely with man, but with social man, with man in his relation to God and to Humanity. It is the product of a period of great national united energy; it is impossible without a noble public, and belongs to such ages as the age of Elizabeth in London and of Pericles at Athens ; it is part of such lofty moral and spiritual ardour as came to Greek after the defeat of the Persian fleet, and to Englishman after the wreck of the Armada of Spain."Ìę(19)

The Complete W(orks of Oscar Wilde. Journalism, Part 1Ìę(Ă©d. John Stokes et Mark W. Turner), vol. VII, Oxford, Oxford University Press, 2013 [1887-1895].

"Pleasing and Prattling", publiĂ© dans leÌęPall Mall Gazette,Ìę4 aoĂ»t 1886.

“On the whole, there is a great deal to be said for our ordinary English novelists. They have all some story to tell, and most of them tell it in an interesting manner. Where they fail is in concentration of style. Their characters are far too eloquent, and talk themselves to tatters. What we want is a little more reality and a little less rhetoric. We are most grateful to them that they have not as yet accepted any frigid formula, nor stereotyped themselves into a school, but we wish that they would talk less and think more. They lead us through a barren desert of verbiage to a mirage that they call life: we wander aimlessly through a very wilderness of words in search of a touch of nature. However, one should not be too severe on English novels; they are the only relaxation of the intellectually unemployed.” (87–88)

"A Batch of Novels", publié dans le Pall Mall Gazette, 2 mai 1887.

“And by what a subtle objective method does Doistoieffski show us his characters! He never tickets them with a list, nor labels them with a description. We grow to know them very gradually, as we know people whom we meet in society, at first by little tricks of manner, personal appearance, fancies in dress and the like; and afterwards by their deeds and words; and even then they constantly elude us, for though Doistoieffski may lay bare for us the secrets of their nature, yet he never explains his personages away, they are always surprising us by something that they say or do, and keep to the end the eternal mystery of life.” (166)

The Complete W(orks of Oscar Wilde. Journalism, Part 2Ìę(Ă©d. John Stokes et Mark W. Turner), vol. VII, Oxford, Oxford University Press, 2013 [1887-1895].

"Some Literary Notes", publiĂ© dans le Woman’s World, fĂ©vrier 1889.

“This is the supreme advantage that fiction possesses over facts. It can make things artistically probable, can call for imaginative and realistic credence, can, by force of mere style, compel us to believe. The ordinary novelists, by keeping close to the ordinary incidents of commonplace life, seem to me to abdicate half of their power. Romance, at any rate, welcomes what is wonderful; the temper of wonder is part of her own secret; she loves what is strange and curious.” (162)

“Observation is perhaps the most valuable faculty for a writer of fiction. When novelists reflect and moralise, they are, as a rule, dull. But to observe life with keen vision and quick intellect, to catch its many modes of expression, to seize upon its subtlety, or satire, or dramatic quality of its situations, and to render life for us with some spirit of distinction and fine selection—this, I fancy, should be the aim of the modern realist novelist.” (166)

"Some Literary Notes", publiĂ© dans le Woman’s World, mars 1889.

“The aim of most of our modern novelists seems to be, not to write good novels, but to write novels that will do good [...] They wish to reform the morals, rather than to portray the manners of their age. They have made the novel a mode of propaganda.” (180)

"Hugh Conway’s” Last Novel", publiĂ© dans le Pall Mall Gazette, 8 aoĂ»t 1885.

“Aristotle said long ago that in a drama the plot is the most important element, and the vulgar confirm his opinion by the eagerness with which they devour every novel, however meagre in fancy or in diction, which has a plot, an action, a beginning, a middle, and an end. A book is one book in virtue of dealing with one subject, with a principal action, and with only such other actions as are directly subordinated to this. Without a plot the assemblage of printed words filling three volumes a group of tales, an aggregate of essays, or nothing at all, but cannot possibly make a novel. Unity is the essence of a work of art; unity of action is the soul of imaginative writing. Many novels written by men of genius, some novels stamped with genius on every page, almost wholly lack this invaluable unity of action.” (264)

“The novelist who can give us good dialogue and plenty of it is one who has forgotten that his personages are but puppets and phantoms, one to whom they have become more real than the men or women around him, one who lives not only by but in his books, and makes us feel in every instant the warm, soft pressure of Life. Such a novelist stands only one degree below the great dramatist, and many degrees above the multitude of poets. For his novels are entitled to the praise which the ancient critic bestowed upon true poetry—that it is more serious and philosophic than history.” (265)

“Novels are now written so rapidly that novelists have no time to secret thought or fancy; and without wealth or thought and fancy there cannot be apt felicity of language. Where there is little to express, expression must be poor. The public reads so fast that it has no time for subtleties of art, no patience to seek out retiring beauties, nothing of that still and serious temper which feels such beauties when found. Which such a public, such authors are fairly matched; for each makes the other.” (265)

Complete Works of Oscar WildeÌę(Ă©d. Merlin Holland), Glasgow, HarperCollins, coll. "Collins Classics", 1994 [1881-1898].

"The House Beautiful", conférence à Chicago, 1882.

“Even in imaginative art predominance must now be given to colour: a picture is primarily a flat surface coloured to produce a delightful effect upon the beholder, and if it fails of that, it is surely a bad picture. The aim of all art is simply to make life more joyous.” (916)

“In conclusion, what is the relation of art to morals? It is sometimes said that our art is opposed to good morals; but on the contrary, it fosters morality. Wars and the clash of arms and the meeting of men in battle must be always, but I think that art, by creating a common intellectual atmosphere between all countries might, if it could not overshadow the world with the silvery wings of peace, at least make men such brothers that they would not go out to slay on another for the whim or folly of some king or minister as they do in Europe; for national hatreds are always strongest where culture is lowest. And hence the enormous importance given to all the decorative arts in our English renaissance; we want children to grow up in England in the simple atmosphere of all fair things; the refining influence of art, begun in childhood, will be of the highest value to all of us in teaching our children to love what is beautiful and good, and hate what is evil and ugly. Then when a child grows up he learns that industrious we must be, but industry without art is simply barbarism.” (925)

"Mr Whistler’s Ten o’Clock", publiĂ© dans le Pall Mall Gazette, 21 FĂ©vrier 1885.

“An artist is not an isolated fact; he is the resultant of a certain milieu and a certain entourage, and can no more be born of a nation that is devoid of any sense of beauty than a fig can grow from a thorn or a rose blossom from a thistle.” (949)

“But the poet is the supreme artist, for he is the master of colour and of form, and the real musician besides, and is lord over all life and all arts ; and so to the poet beyond all others are these mysteries known ; to Edgar Allen Poe and to Baudelaire, not to Benjamin West and Paul Delaroche.” (949)

"Olivia at the Lyceum", publié dans le Dramatic Review, 30 mai 1885.

“And to me there is something very pleasurable in seeing and studying the same subject under different conditions of art. For life remains eternally unchanged ; it is art which, by presenting it to us under various forms, enables us to realise its many-sided mysteries, and to catch the quality of its most fiery-coloured moments. The originality, I mean, which we ask from the artist, is originality of treatment, not of subject. It is only the unimaginative who ever invents. The true artist is known by the use he makes of what he annexes, and he annexes everything.” (955)

"Balzac in English", publié dans le Pall Mall Gazette, 13 septembre 1886.

“It is really the greatest monument that literature has produced in our century, and M. Taine hardly exaggerates when he says that, after Shakespeare, Balzac is our most important magazine of documents on human nature. Balzac’s aim, in fact, was to do for humanity what Buffon had done for the animal creation. As the naturalist studied lions and tigers, so the novelist studied men and women. Yet he was no mere reporter. Observation gave him the facts of life, but genius converted facts into truths, and truths into truth. He was, in a word, a marvellous combination of the artist temperament with the scientific spirit.

The distinction between such a book as M. Zola’s łąâ€™AČőČőŽÇłŸłŸŽÇŸ±°ù and such a book as Balzac’s Illusions Perdues is the distinction between unimaginative realism and imaginative reality. [...] He was, of course, accused of being immoral. Few writers who deal directly with life escape that charge. [...] The morals of the personages of the ComĂ©die Humaine are simply the morals of the world around us. They are part of the artist’s subject-matter; they are not part of his method. If there be any need of censure it is to life, not to literature, that it should be given. Balzac, besides, is essentially universal. He sees life from every point of view. He has no preferences and no prejudices. He does not try to prove anything. He feels that the spectacle of life contains its own secret. ‘Il crĂ©e un monde et se tait.’

And what a world it is! What a panorama of passions! What a pell-mell of men and women! It was said of Trollope that he increased the number of our acquaintances without adding to our visiting list ; but after the ComĂ©die Humaine one begins to believe that the only real people are the people who never existed. Lucien de RubemprĂ©, le PĂšre Goriot, Ursule MirouĂ«t, Marguerite ClaĂ«s, the Baron Hulot, Madame Marneffe, le Cousin Pons, De Marsay—all bring with them a kind of contagious illusion of life. They have a fierce vitality about them : their existence is fervent and fiery-coloured ; we not merely feel for them but we see them—they dominate our fancy and defy scepticism. A steady course of Balzac reduces our living friends to shadows, and our acquaintances to the shadows of shades. Who would care to go out to an evening party to meet Tomkins, the friend of one’s boyhood, when one can sit at home with Lucien de RubemprĂ©? It is pleasanter to have the entrĂ©e to Balzac’s society than to receive cards from all the duchesses in Mayfair.” (959)

"Preface" Ă ÌęThe Picture of Dorian Gray, 1890.

“The artist is the creator of beautiful things.

To reveal art and conceal the artist is art’s aim.

The critic is he who can translate into another manner or a new material his impression of beautiful things.

The highest as the lowest form of criticism is a mode of autobiography.

Those who find ugly meanings in beautiful things are corrupt without being charming. This is a fault.

Those who find beautiful meanings in beautiful things are the cultivated. For these there is hope.

They are the elect to whom beautiful things mean only beauty.

There is no such thing as a moral or an immoral book.

Books are well written, or badly written. That is all.

The nineteenth century dislike of realism is the rage of Caliban seeing his own face in a glass.

The nineteenth century dislike of romanticism is the rage of Caliban not seeing his own face in a glass.

The moral life of man forms part of the subject-matter of the artist, but the morality of art consists in the perfect use of an imperfect medium. No artist desires to prove anything. Even things that are true can be proved.

No artist has ethical sympathies. An ethical sympathy in an artist is an unpardonable mannerism of style.

No artist is ever morbid. The artist can express everything.

Thought and language are to the artist instruments of an art.

Vice and virtue are to the artist materials for an art.

From the point of view of form, the type of all the arts is the art of the musician. From the point of view of feeling, the actor’s craft is the type.

All art is at once surface and symbol.

Those who go beneath the surface do so at their peril.

Those who read the symbol do so at their peril.

It is the spectator, and not life, that art really mirrors.

Diversity of opinion about a work of art shows that the work is new, complex, and vital.

When critics disagree, the artist is in accord with himself.

We can forgive a man for making a useful thing as long as he does not admire it. The only excuse for making a useless thing is that one admires it intensely.

All art is quite useless.” (17)

The Decay of Lying. An Observation. A Dialogue, publié en 1891.

“The ancient historians gave us delightful fiction in the form of facts; the modern novelist presents us with dull facts under the guise of fiction. [...] He has his tedious document humain, his miserable little coin de la crĂ©ation into which he peers with his microscope.” (1073)

“In France, though nothing so deliberately tedious as Robert Elsmere has been produced, things are not much better. M. Guy de Maupassant, with his keen mordant irony and his hard vivid style, strips life of the few poor rags that still cover her, and shows us foul sore and festering wound. He writes lurid little tragedies in which everybody is ridiculous; bitter comedies at which one cannot laugh for very tears. M. Zola, true to the lofty principle that he lays down in one of his pronunciamientos on literature, L’homme de gĂ©nie n’a jamais d’esprit, is determined to show that, if he has not got genius, he can at least be dull. And how well he succeeds! He is not without power. Indeed at times, as in Germinal, there is something almost epic in his work. But his work is entirely wrong from beginning to end, and wrong not on the ground of morals, but on the ground of art. From any ethical standpoint it is just what it should be. The author is perfectly truthful, and describes things exactly as they happen. What more can any moralist desire? We have no sympathy at all with the moral indignation of our time against M. Zola. It is simply the indignation of Tartuffe on being exposed. But from the standpoint of art, what can be said in favour of the author of łąâ€™AČőČőŽÇłŸłŸŽÇŸ±°ù, Nana, and Pot-Bouille? Nothing. Mr. Ruskin once described the characters in George Eliot’s novels as being like the sweepings of a Pentonville omnibus, but M. Zola’s characters are much worse. They have their dreary vices, and their drearier virtues. The record of their lives is absolutely without interest. Who cares what happens to them? In literature we require distinction, charm, beauty, and imaginative power.” (1075)

“Art finds her own perfection within, and not outside of, herself. She is not to be judged by any external standard of resemblance. She is a veil, rather than a mirror. She has flowers that no forests know of, birds that no woodland possesses. She makes and unmakes many worlds, and can draw the moon from heaven with a scarlet thread.” (1082)

“As a method Realism is a complete failure, and the two things that every artist should avoid are modernity of form and modernity of subject-matter. To us, who live in the nineteenth century, any century is a suitable subject for art except our own. The only beautiful things are the things that do not concern us. It is, to have the pleasure of quoting myself, exactly because Hecuba is nothing to us that her sorrows are so suitable a motive for a tragedy. Besides, it is only the modern that ever becomes old-fashioned. M. Zola sits down to give us a picture of the Second Empire. Who cares for the Second Empire now? It is out of date. Life goes faster than Realism, but Romanticism is always in front of Life.” (1091)

"Critis As Artist. A Dialogue", publié en 1891.

“You see, then, how it is that the aesthetic critic rejects these obvious modes of art that have but one message to deliver, and having delivered it become dumb and sterile, and seeks rather for such modes as suggest reverie and mood, and by their imaginative beauty make all interpretation true, and no interpretation final.” (1129)

“The first condition of criticism is that the critic should be able to recognise that the sphere of Art and the sphere of Ethics are absolutely distinct and separate. [...] They are too often confused in England now, and though our modern Puritans cannot destroy a beautiful thing, yet, by means of their extraordinary prurience, they can almost taint beauty for a moment.” (1145)

The Soul of Man Under Socialism, publié en 1891.

“A supreme artist, like Flaubert, has been able to isolate himself, to keep himself out of the reach of the clamorous claims of others [...] to realise the perfection of what was in him, to his incomparable gain, and to the incomparable and lasting gain of the whole world.” (1174)

The Complete Letters of Oscar Wilde (Ă©d. Merlin Holland et Rupert Hart-Davis), New York, Henry Holt and Company, 2000 [1875-1900].

Lettre Ă  E. W. Godwin, fĂ©vrier ou mars 1885] “I enclose a cheque and thank you very much for the beautiful designs of the furniture. Each chair is a sonnet in ivory, and the table is a masterpiece in pearl.” (252)

[Lettre à J. S. Little, 15 janvier 1888] “Your descriptions [celles de son roman Whose Wife Shall She Be?] are excellent, whether of scenery or of women, and I wish that I could write a novel, but I can’t!” (339)

[Lettre à W. E. Henley, décembre 1888] "Your distinction is admirable. Flaubert did not write French prose, but the prose of a great artist who happened to be French. As for your critics, when a book has so much life and so much beauty as yours has, it must inevitably appeal differently to different temperaments.

Beauty of form produces not one effect alone, but many effects. Surely you do not think that criticism is like the answer to a sum? The richer the work of art the more diverse are the true interpretations. There is not one answer only, but many answers. I pity that book on which critics are agreed. It must be a very obvious and shallow production. Congratulate yourself on the diversity of contemporary tongues. The worst of posterity is that it has but one voice.” (372–373)

[Lettre Ă  W. E. Henley, dĂ©cembre 1888] “Quite right, my dear 'Marsyas et Apollo' ; to learn how to write English prose I have studied the prose of France. [...] Yes! Flaubert is my master, and when I get on with my translation of the Tentation I shall be Flaubert II, Roi par grĂące de Dieu, and I hope something else beyond.” (372)

[Lettre à Justin Huntly McCarthy, milieu du mois de mai 1889] “Your book is charming, and your prose worthy of the sinless master whom mortals call Flaubert.” (399)

[Lettre Ă  Beatrice Allhusen, dĂ©but de l’annĂ©e 1890] “I have just finished my first long story [The Picture of Dorian Gray], and am tired out. I am afraid it is rather like my own life—all conversation and no action. I can’t describe action: my people sit in chairs and chatter.” (425)

[Lettre Ă  l’éditeur du St James’s Gazette, 27 juin 1890] “Romantic art deals with the exception and with the individual. Good people, belonging as they do to the normal, and so, commonplace, type, are artistically uninteresting. Bad people, are, from the point of view of art, fascinating studies. They represent colour, variety and strangeness. Good people exasperate one’s reason; bad people stir one’s imagination.

The writer of the article then suggests that I, in common with that great and noble artist Count Tolstoi, take pleasure in a subject because it is dangerous. About such a suggestion there is this to be said. Romantic art deals with the exception and with the individual. Good people, belonging as they do to the normal, and so, commonplace, type, are artistically uninteresting. Bad people, are, from the point of view of art, fascinating studies. They represent colour, variety and strangeness. Good people exasperate one’s reason ; bad people stir one’s imagination. Your critic, if I must give him so honourable a title, states that the people in my story have no counterpart in life; that they are, to use his vigorous if somewhat vulgar phrase, ‘mere catchpenny revelations of the non-existent’. Quite so. If they existed they would not be worth writing about. The function of the artist is to invent, not to chronicle. There are no such people. If there were I would not write about them. Life by its realism is always spoiling the subject-matter of art. The supreme pleasure in literature is to realise the non-existent.

But, alas! They will find that it [The Picture of Dorian Gray] is a story with a moral. And the moral is this: All excess, as well as all renunciation, brings its own punishment. The painter, Basil Hallward, worshipping physical beauty far too much, as most painters do, dies by the hand of one in whose soul he has created a monstrous and absurd vanity. Dorian Gray, having led a life of mere sensation and pleasure, tries to kill conscience, and at that moment kills himself. Lord Henry Wotton seeks to be merely the spectator of life. He finds that those who reject the battle are more deeply wounded than those who take part in it. Yes ; there is a terrible moral in Dorian Gray—a moral which the prurient will not be able to find in it, but which will be revealed to all whose minds are healthy. Is this an artistic error? I fear it is. It is the only error in the book.” (430–431)

[Lettre Ă  l’éditeur du Scots Observer, 9 juillet 1890] “Virtue and wickedness are to him [the artist] simply what the colours on his palette are to the painter. They are no more, and they are no less.” (439)

[Lettre Ă  l’éditeur du Scots Observer, 23 juillet 1890] “For if a work of art is rich, and vital, and complete, those who have artistic instincts will see its beauty, and those to whom ethics appeal more strongly than aesthetics will see its moral lesson. It will fill the cowardly with terror, and the unclean will see in it their own shame. It will be to each man what he is himself. It is the spectator, and not life, that art really mirrors.

And so, in the case of Dorian Gray, the purely literary critic, as in the Speaker and elsewhere, regards it as a 'serious and fascinating work of art' : the critic who deals with art in its relation to conduct, as the Christian Leader and the Christian World, regards it as an ethical parable. Light, which I am told is the organ of the English mystics, regards it as 'a work of high spiritual import'. [...] But I do not think that it is fair to expect a critic to be able to see a work of art from every point of view. Even Gautier had his limitations just as much as Diderot had, and in modern England Goethes are rare.” (441)

[Lettre Ă  F. Holland Day oĂč Wilde lui soumet un de ses sonnets, 11 aoĂ»t 1890] “'Midnight' is wrong : is it not? Christ was taken down at sunset I believe. But I don’t think I can change it : I like 'ran with torches through the midnight' : besides I don’t suppose they gambled when on guard. How sordid these realistic considerations are! It comes from having recklessly written a novel. I am ashamed of them.”

[Lettre Ă  MallarmĂ©, 25 fĂ©vrier 1891] “En Angleterre nous avons de la prose et de la poĂ©sie, mais la prose française et la poĂ©sie dans les mains d’un maĂźtre tel que vous deviennent une et la mĂȘme chose.” (471)

[Lettre à Arthur Conan Doyle, avril 1891] “I cannot understand how they can treat Dorian Gray as immoral. My difficulty was to keep the inherent moral subordinate to the artistic and dramatic effect, and it still seems to me that the moral is too obvious.” (478)

[Lettre à R. Clegg, avril 1891] “My dear Sir, Art is useless because its aim is simply to create a mood. It is not meant to instruct, or to influence action in any way. It is superbly sterile, and the note of its pleasure is sterility. It the contemplation of a work of art is followed by activity of any kind, the work is either of a very second-rate order, or the spectator has failed to realise the complete artistic impression.

A work of art is useless as a flower is useless. A flower blossoms for its own joy. We gain a moment of joy by looking at it. That is all that is to be said about our relations to flowers. Of course man may sell the flower, and so make it useful to him, but this has nothing to do with the flower. It is not part of its essence. It is accidental. It is a misuse.” (478–479)

[Lettre Ă  l’éditeur du Pall Mall Gazette, dĂ©but du mois de dĂ©cembre 1891] “No artist recognises any standard of beauty but that which is suggested by his own temperament. The artist seeks to realise in a certain materiel an immaterial idea of beauty, and thus to transform an idea into an ideal. That is the way an artist makes things. That is why an artist makes things. The artist has no other object in making things.” (503)

[Lettre Ă  Edmond de Goncourt, 17 dĂ©cembre 1891] « Quoique la base intellectuelle de mon esthĂ©tique soit la Philosophie de l’IrrĂ©alitĂ©, ou peut-ĂȘtre Ă  cause de cela, je vous prie de me permettre une petite rectification Ă  vos notes sur la conversation oĂč je vous ai parlĂ© de notre cher et noble poĂšte anglais M. Algernon Swinburne et que vous avez insĂ©rĂ©s dans ces MĂ©moires qui ont, non seulement pour vos amis, mais pour le public tout entier, une valeur psychologique si haute.

Le public anglais, comme d’ordinaire hypocrite, prude et philistin, n’a pas su trouver l’art dans l’Ɠuvre d’art [de Swinburne] : il y a cherchĂ© l’homme. Comme il confond toujours l’homme avec ses crĂ©ations, il pense que pour crĂ©er Hamlet il faut ĂȘtre un peu mĂ©lancolique, pour imaginer Lear absolument fou. » (505)

[Lettre Ă  Ralph Payne, 12 fĂ©vrier 1894] “I am so glad you like that strange coloured book of mine : it contains much of me in it. Basil Hallward is what I think I am: Lord Henry what the world thinks me: Dorian what I would like to be—in other ages, perhaps.” (585)

[Lettre à Adela Schuster, novembre 1894] “I wish I could write them down, these little coloured parables or poems that live for a moment in some cell of my brain, and then leave it to go wandering elsewhere. I hate writing: the mere act of writing a thing down is troublesome to me. I want some fine medium, and look for it in vain.” (621)

[Lettre Ă  More Adey, 16 dĂ©cembre 1896] “Business matters, such as the present, of course upset me, and make me weak in mind and body, with the hysteria of shattered nerves, sleeplessness, and the anguish in which I walk ; but Art is different. There one makes one’s own world. It is with shadows that one weeps and laughs. A mirror will give back to one one’s own sorrow. But Art is not a mirror, but a crystal. It creates its own shapes and forms.” (672)

[Lettre à Max Beerbohm, 28 mai 1897] “The implied and accepted recognition of Dorian Gray in the story [The Happy Hipocrite de Max Beerbohm] cheers me. I had always been disappointed that my story had suggested no other work of art in others. For whenever a beautiful flower grows in a meadow or lawn, some other flower, so like it that it is differently beautiful, is sure to grow beside it, all flowers and all works of art having a curious sympathy for each other.” (856)

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