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B2. Process evaluation

Évaluation de Processus du Service de Consultation Culturelle (SCC) de l'Hôpital Général Juif–Sir Mortimer B. Davis

Danielle Groleau, PhD

en collaboration avec

Laurence J. Kirmayer, MD

Caminee Blake, PhD

Margaret O'Byrne, PhD

Suzannne Taillefer, MSc

Introduction

Deux constats relatifs avec la question des communautés culturelles et des services de santé mentale sont bien documentés:

  1. les communautés culturelles sous-utilisent les services de santé mentale;

  2. les producteurs des services existants ont de la difficulté à faire face aux demandes qu'ils reçoivent parce qu'ils ne sont pas outillés adéquatement.

Ces problèmes se retrouvent aussi bien en psychiatrie qui s'occupe de troubles sévères de santé mentale que dans le domaine psychosocial (CLSC, médecins généralistes, services sociaux, centres jeunesses, écoles, organismes communautaires) responsable du champ de la santé mentale. Ces besoins particuliers ont donné naissance, dans la région de Montréal, à différentes cliniques et projets pilotes qui s'inspirent de courants internationaux de l'ethnopsychiatrie. Basé sur diverses expériences montréalaises, le projet du Service de Consultation Culturelle (SCC) tel que financé par le FASS vise à développer et à évaluer des services de consultation spécialisés en santé mentale dans trois centres hospitaliers différents soit l'Hôpital Général Juif, l'Hôpital de Montréal pour Enfants et l'Hôpital Jean-Talon. Deux types de service de consultation culturelle ont été offerts dans ces cliniques externes. Le premier est un service clinique offert directement aux patients et à leurs familles via les cliniques externes de psychiatrie. L'autre type de service en est un de consultation culturelle offert aux intervenants en santé et services sociaux qui éprouvent des difficultés avec un cas précis. Ce deuxième type de service ne s'adresse pas directement aux patients bien que ceux-ci en définitive soient ceux qui en bénéficieront. Le SCC offert à l'Hôpital Général Juif est totalement nouveau au sein de l'institution et correspond exclusivement au deuxième type de service mentionné, c'est-à-dire à un service offert uniquement aux intervenants. La finalité du service est de soutenir et orienter les professionnels dans leur travail clinique où la différence culturelle pourrait être en cause. Dans le présent document, comme au SCC , on considère qu'un cas peut être une personne adulte ou enfant, une famille ou encore une communauté spécifique. Étant donné l'aspect novateur du SCC à l'Hôpital Général Juif, l'objectif général de la recherche évaluative vise à documenter: 1) le processus de mise en œuvre du SCC à l'Hôpital Général Juif et; 2) les types de consultations culturelles produites. Ce nouveau service a émergé du milieu clinique et les cliniciens responsables de l'implanter ont exprimés le besoin d'être guidés durant sa mise en œuvre afin de maximiser la capacité du service à répondre aux besoins des utilisateurs. L'équipe de consultants culturels tout comme l'évaluatrice, issus d'univers disciplinaires différents, n'avaient pas accès directement aux patients qui, pour bien des cas, étaient très malades. Seul le consultant culturel mandaté pour chaque cas a généralement rencontré le patient dans le cadre d'une entrevue visant à évaluer les aspects culturels impliqués dans le problème d'intervention. Pour des raisons d'ordre éthique, clinique et administrative et en vue de maximiser la participation des producteurs du nouveau service à son évaluation, il a été décidé de réaliser une évaluation de type participative. La participation active des consultants/clinciens et de la coordonnatrice à l'évaluation du SCC avait, entre autres finalités, de permettre aux changements de procédures envisagées par l'évaluation d'être appliquées le plus rapidement possible.

Le présent rapport comprend trois chapitres. Le premier décrit les problèmes culturels relatifs aux demande de consultation et de quelles façon ces problèmes se sont transformés durant le processus de consultation. Le deuxième chapitre présente une typologie des formulations culturelles produites par les consultants du service. Le dernier chapitre discute des changements apportés au SCC suite à l'évaluation de processus ainsi que les barrières et succès de la mise en œuvre du service. Enfin en conclusion nous abordera les limites de ces résultats et les questions de validité. On y discutera aussi des incidences des résultats sur les questions de formation professionnelle, d'accessibilité des services et enfin de politiques de santé.

Objectifs de l'évaluation

Le but de la recherche évaluative sont d'identifier: 1) une typologie des problèmes clinique interculturel relatifs aux demandes de consultation soumises au SCC; 2) une typologie des formulations culturelles produites par le Service de Consultation Culturelle 3) identifier l'existence de barrières à la mise en œuvre du service; 4) identifier les facteurs ayant facilité la mise en œuvre des composantes du service; 5) identifier les composantes du services qui ont été changées suite à l'évaluation.

²Ñé³Ù³ó´Ç»å´Ç±ô´Ç²µ¾±±ð

Devis

Le type de devis envisagé pour l'évaluation de processus du SCC de l'hôpital Général Juif est du type étude de cas multiples avec niveau d'analyse imbriqués. Il faut distinguer l'existence de quatre types possibles de devis de type étude de cas en recherche-évaluative de type qualitative.

  • cas unique;

  • cas unique avec niveaux d'analyse imbriqués;

  • cas multiples avec un seul niveau d'analyse;

  • cas multiples avec niveau d'analyse imbriqués ( Yin ,1984).

Le devis de type étude de cas est une stratégie par laquelle le chercheur décide de travailler sur une unité d'analyse ou sur un très petit nombre d'entre elles. L'observation se fait à l'intérieur du cas ou des quelques cas. La puissance explicative découle de la profondeur de l'analyse du cas et non du grand nombre d'unités d'analyse étudiées.ª (Contandriopoulos, 1990: 37). Ces devis se distinguent alors par le nombre de cas où d'unité d'analyse retenus et le nombre de niveau d'analyse considérés. Le nombre de cas étudiés dans le cadre de ce projet correspond à l'ensemble des consultation complètes que le SCC a produit durant les deux années du projet, i.e. un total de n=52. Il s'agit alors de cas multiples.

Les différents niveaux d'analyse correspondent aux perspectives et explications de: 1) l'équipe de consultants participant à la réunion clinique, i.e. ceux qui offrent le service de consultation tels que représentée par une professionnelle présente aux sessions d'évaluation; 2) de la coordonnatrice clinique du SCC et 3) du chercheur responsable de l'évaluation. On a procédé par triangulation des perspectives pour maximiser la validité des résultats qualitatives. On pourrait argumenter avec raison que la perspective du client, i.e. ici le professionnel qui demande une consultation au SCC est importante et devrait contribuer à cette triangulation de perspectives. Cet aspect de l'évaluation a été prise en compte à l'aide du Satisfaction Questionnairedont les résultats sont discutés dans le rapport principal présenté au FASS. L'objectif de produire une analyse de processus n'est pas uniquement pour documenter et évaluer la pertinence et la mise en oeuvre du service. En l'absence de devis expérimental randomisé pour évaluer les effets du service, l'évaluation de processus avec un devis de type étude de cas permet dès lors d'affirmer avec une forte validité interne et externe que la variable indépendante (service consultation culturelle SCC) est effectivement implanté et responsable des effets observés (variable dépendante: changement clinique). Le changement clinique documenté ici est à la fois interne et externe au service. Le changement interne fait référence aux changements de procédure encourus durant la mise en œuvre du service. Alors que le changement externe se réfère aux changements cliniques encourus chez le professionnel ayant demandé une consultation. C'est-à-dire aux changements apparus dans sa façon de percevoir son problème clinique, de le comprendre et aux changements de stratégies cliniques qu'il adoptera suite à la consultation. Le degré d'implantation des recommandations cliniques produites par le SCC, i.e le changement souhaité (variable dépendante) dans cette perspective, sont importantes à documenter pour confirmer la présomption de faisabilité et d'impact des recommandations cliniques produite par le SCC. La degré d'implantation et de faisabilité des recommandations cliniques produites par le SCC a été mesuré à l'aide du Recommendation Follow-up Questionnaire dont les résultats sont également présentés dans le rapport principal. Étant donné le petit nombre de cas, (n=52) et l'absence de devis expérimental randomisé, cette analyse de processus confère un excellente validité interne et externe nécessaire à l'évaluation général du projet permettant en somme d'affirmer avec évidence que le changement clinique observé (variable dépendante) chez les cliniciens qui ont utilisé le service est causé par l'implantation du SCC (variable indépendante).

±Ê°ù´Ç³¦Ã©»å³Ü°ù±ð

Les étapes de l'évaluation-participative sont les suivantes :

1. Observation-participante lors de la consultation culturelle de groupe: participation à la session de consultation de groupe et observation -participante par les trois participantes à l'évaluation. De notes ont été prises par les participantes lorsque possible durant cette réunion clinique.

2. Évaluation-participative en post consultation: retour sur les événements et les échanges qui ont eu lieu durant la consultation de groupe et réponses par consensus aux questions du questionnaire. En cas de non convergence entre les parties quant aux réponses produites, il y a eu négociation entre les participantes pour en arriver à un consensus pour chacune des réponses. La session évaluative n'était considérée terminée pour chuaqe cas que lorsqu'il y avait consensus au sujet de toutes les réponses produites. Cette stratégie visait à produire des résultats par triangulation dans le but de maximiser la validité des résultats qualitatifs et minimiser les biais personnels voir même disciplinaires. Les réponses étaient généralement entrées immédiatement dans la base de données informatiques.

3. Présentation des décisions de changement de procédure. Après avoir négocié et rempli le questionnaire d'évaluation en groupe il est fréquemment arrivé, surtout au début du projet, de décider de changer certaines procédures du SCC. Les décisions quant aux changements de procédure à apporter au service étaient généralement présentées à la consultation de groupe de la semaine suivante. Dans certains cas, il a fallu négocier avec les autres membres consultants la pertinence d'apporter tel ou tel changement et les façons de les implanter.

4. Implantation des changements de procédure. Seuls les changements acceptés par tous les consultants étaient implantés à court ou à moyen terme.

Mesure

Il y avait quatre types de mesures:

1. Observation-participante: La première étant l'observation lors de la discussion de cas par les trois participantes à l'évaluation. L'évaluatrice et la coordonnatrice clinique ont toutes les deux pris des notes dans leur propre journal de bord auxquels elles se référaient au besoin lors des sessions d'évaluation post-consultation.

2. Questionnaire qualitatif: le questionnaire était très structuré et composé de peu de question (voir les questions dans le prochain article). L'objectif des questions était de stimuler et diriger une discussion et une réflexion de groupe relatifs à ce que les participant-consultants ont observé durant la consultation. Le but ultime était que le produit de ces discussions aide à répondre aux objectifs d'évaluation. Les trois participants ont initialement conceptualisé les questions, les ont transformées et en ont ajouté d'autres au fur et à mesure qu'il semblait pertinent de le faire. Répondre en groupe au questionnaire a impliqué beaucoup de réflexion, de discussion et de négociation entre les trois participant(e)s et reposait largement sur la capacité des participantes à dialoguer, écouter et négocier un point de vue interdisciplinaire au sujet du phénomène social observé, i.e. le processus de consultation. Le temps moyen pour négocier et répondre en groupe aux questions du questionnaire pour un seul cas était de 3 heures au début du projet et de une heure pour les 10 derniers cas du projet.

3. Dossier de la consultation culturelle du patient. En cas de doute les participantes se sont quelques fois référées aux documents écrits dans le dossier du patient relatant: a) les raisons explicites à la source d'une demande de consultation,; b) les notes de la coordonnatrice clinique relatant les événements depuis l'étape du triage jusqu'à la fin de la consultation; c) le document complet de la formulation culturelle du cas et les recommandations cliniques, d) le document d'une page résumant les recommandations cliniques.

4. Toutes les conférences de cas ont été enregistrées et le verbatim a été transcrit sur traitement de texte. Ce matériel était disponible aux participants de l'évaluation pour vérifier des informations pour des situations de non consensus, entre les participants à l'évaluation .

Questionnaire qualitatif

Les questions du questionnaire devaient être répondues en groupe par les trois participants. Elles étaient:

  1. En regard des raisons initiales ayant justifiées la demande de consultation est-ce que le processus même de consultation a permis d'identifier d'autres problèmes liés au cas? Si oui les quels?

  2. Est-ce que le processus de consultation a révélé l'existence de raisons de consultation qui étaient implicites? Si oui, les quelles?

  3. Une formulation culturelle a t-elle été présentée pour ce cas? Si oui, quels en étaient les thèmes principaux?

  4. Sur la base des observations du processus de consultation culturelle pour ce cas précis, y a t-il lieu d'améliorer le processus du SCC ? Si oui, de quelle façon?

  5. Est-ce que la consultation a permis d'identifier des besoins de formation? Si oui les quels?

  6. Observations et commentaires généraux.

Codage et analyse. À la fin du projet chacune des réponses a été codée en attribuant un à plusieurs thèmes par réponse. Nous avons ensuite regroupé les thèmes par catégorie. Pour la plus part des questions ce processus de codage a été discuté et négocié entre l'évaluatrice, la coordonnatrice et le directeur du projet. Ensuite nous avons calculé les fréquences pour chacun des thèmes et catégories. Nous avons ensuite procédé à l'analyse. La réflexion sous jacente à l'analyse a requis un retour constant depuis les fréquences représentant l'importance de chacun des thèmes et catégories et le contenu des réponses sous forme de textes écrits.

ɳ¦³ó²¹²Ô³Ù¾±±ô±ô´Ç²Ô. La présente évaluation porte sur la totalité des cas (n=52) pour lesquels il y a eu une consultation complète. Une consultation culturelle complète correspond aux cas pour lesquels une demande de consultation a été retenue après l'étape du triage et pour laquelle un consultant culturel attitré a produit une formulation culturelle et des recommandations cliniques spécifiques.

¸éé²õ³Ü±ô³Ù²¹³Ù²õ

1. L'évolution de la perception des problèmes d'intervention durant le processus de consultation

Quand on se réfère à une consultation culturelle ceci implique qu'un intervenant a contacté le SCC, via la coordonnatrice clinique, parce qu'il ou elle éprouve des difficultés d'ordre clinique avec un cas précis. La coordonnatrice aide alors le requérant à préciser son problème d'intervention et juge si oui ou non le contexte interculturel est lié au problème. Après discussion si la coordonnatrice juge que la dimension culturelle n'est pas liée au problème d'intervention elle l'informe et le réfère à la ou aux ressource(s) appropriée(s). Si elle juge que le problème d'intervention est lié au contexte interculturel elle organise une consultation en attitrant un consultant culturel au cas; généralement un intervenant qui connaît bien la culture du cas. Le consultant culturel assigné par le SCC réalise dès lors une entrevue auprès du cas ou de son représentant (patient, représentant d'une famille ou représentant d'une petite communauté) portant sur les aspects culturels lié au problème clinique. Pour ce faire, les consultants ont utilisé l'outil Formulation Culturelle du DSM-IV qui a été transformé par notre équipe pour le rendre plus facile à utiliser en contexte clinique. Cette entrevue sur les aspects culturels se fait généralement en présence du requérant. La totalité des requérants ont été invités à observer l'entrevue culturelle, afin de faciliter et accélérer le transfert des connaissances culturelles. Le consultant est ensuite invité à présenter un rapport sur les aspects culturels du cas au groupe de consultants cliniques du SCC qui ont pour mission de l'appuyer, discuter et proposer des explications socioculturelles au problème d'intervention. La dernière étape de cette réunion clinique de groupe vise alors à proposer, le jour même, des stratégies d'intervention au requérant pour l'aider à résoudre son/ses problème(s) d'intervention. Cette réunion de groupe se fait généralement en présence du requérant et du consultant culturel assigné au cas. Le requérant quittait généralement cette réunion clinique avec des recommandations écrites en mains résumées sur une page. Le tout étant suivi, quelques semaines plus tard, par une formulation culturelle complète contenue dans un rapport écrit accompagné des recommandations détaillées. Ce rapport se trouvait dès lors intégré au dossier du patient et accessible pour tout autre soignant ultérieurement assigné au cas.

Bien que la coordonnatrice clinique aidait les requérants d'une consultation à identifier et à formuler les raisons qui les amenaient à demander une consultation culturelle, les participants à l'évaluation ont observé qu'il pouvait arriver que des problèmes additionnels au problème d'intervention initial soient identifiés en cours de consultation. Voir même il est arrivé que des requérants aient dissimulé certaines raisons qui les avaient amené à demander une consultation culturelle au SCC. Dès lors, il nous est apparu important de documenter ces phénomènes et d'analyser leur raison d'être et leurs implications.

Les catégories présentées au tableau 1 ne sont pas mutuellement exclusives. Les problèmes d'intervention explicites qui ont motivé une demande de consultation sont très diversifiés. Néanmoins le bloc le plus important exprimées par les professionnels au moment du triage, est lié à des difficultés cliniques, plus précisément à des difficultés à établir un diagnostic, à sélectionner un traitement approprié (incluant ici la médication) et à résoudre des problèmes d'observance thérapeutique. La fréquence totale pour ces types de problèmes est de 95/168 , ce qui représente la cause d'un peu plus de la moitié (56% ) des problèmes identifiés au moment du triage. L'autre catégorie de problème la plus importante est liée à des problèmes d'interaction (37/168) représentant ainsi 22% des problèmes liés à la culture. Les problèmes d'interaction interculturelle identifiés étaient relatives, soit entre l'intervenant et le patient, entre le requérant et la famille du patient ou entre requérant et l'interprète. Enfin la troisième catégorie en importance des problèmes pour lesquels il y avait une demande de consultation avait trait à des problèmes systé³¾¾±±ç³Ü±ð²õ relatifs à procédures, pratiques ou problèmes institutionnels relatifs à différents systèmes (santé, social, éducation, légal, immigration) impliqués dans le problème du cas.

Tableau 1: Raisons de consultation explicites, implicites, et nouveaux problèmes pour lesquels il y a eu une consultation culturelle complète (n=52).

Explicites

Implicites

Nouveaux

n

%

n

%

n

%

³§²â²õ³Ùé³¾¾±±ç³Ü±ð

12

23

7

13

10

19

Patient

0

0

0

0

2

4

¸é±ð±ç³Üé°ù²¹²Ô³Ù

18

35

1

2

0

0

Communication

37

71

2

4

4

8

±õ²Ô³Ù±ð°ù±è°ùé³Ù²¹³Ù¾±´Ç²Ô

6

12

0

0

4

8

Diagnostic

26

50

0

0

5

10

Traitement

48

92

0

0

0

0

Observance

21

40

0

0

0

0

Le tableau 2 nous informe du nombre de cas (19/52) pour lesquels le processus de consultation a permis d'identifier l'existence de un ou des problèmes additionnels liés au problème clinique initialement exprimé et identifié par le requérant. Pour un peu plus de la moitié des cas 33/52 (63%) aucun nouveau problème associé à la raison initiale de consultation n'a été identifié durant le processus de consultation. Ceci signifie que dès l'étape du triage le professionnel (le requérant) ayant demandé une consultation au SCC a été en mesure, avec l'aide de la coordonnatrice clinique, d'identifier et d'exprimer clairement les raisons pour lesquelles il désirait obtenir une consultation culturelle. Pour les 19 (47%) autres demandes de consultation il s'est avéré que l'on a découvert l'existence de un, deux ou même trois nouveaux problèmes qui n'avaient pas été identifiés au moment du triage, i.e. ni par le requérant, ni par la coordonnatrice clinique.

Tableau 2. ¹ó°ùé±ç³Ü±ð²Ô³¦±ð²õ des cas pour lesquels un ou des nouveaux problèmes ont été identifiés durant le processus de consultation

Ìý

Nombre de nouveaux problèmes

Nombre de cas

0

33

1

7

2

6

3

3

4

3

Ìý

Ces résultats semblent indiquer qu'il est possible, avec l'aide d'une coordonnatrice, d'identifier le ou les problème(s) d'intervention interculturels (63%) dès le moment du triage. Cependant d'autres problèmes cliniques interculturels sont trop complexes et multidimensionnels pour être identifiés et articulés comme tels au moment du triage et ce même si l'intervenant est guidé par une coordonnatrice. En réalité, certains problèmes d'intervention liés au contexte interculturel requièrent une consultation culturelle complète avant même que l'on soit en mesure d'identifier l'ensemble des problèmes et des dimensions impliqués dans la problématique initialement identifié.

Le tableau 1 décrit les nouveaux problèmes, classés par catégorie (non mutuellement exclusives), qui ont émergés en cours de consultation, c'est-à-dire après que l'étape de triage soit complétée. La catégorie de problèmes la plus fréquente était vraisemblablement liée à la distribution des services, la continuité des soins et aux pratiques institutionnelles appartenant à différents systèmes de la société. Les systèmes impliqués sont le système de santé , les services sociaux, les institutions d'éducation, et enfin le système légal et les processus administratifs gouvernementaux liés à l'immigration. Ces problèmes systé³¾¾±±ç³Ü±ð²õ étaient suivis, en importance, par les problèmes liés au besoin d'obtenir un diagnostic supplémentaire, à des problèmes relatifs à l'utilisation ou à l'absence d'interprètes et à la communication interculturelle.

La catégorie de problème lié au besoin d'un diagnostic supplémentaire se réfère à des cas où les membres du services se sont rendus à l'évidence, en cours de consultation, que le patient avait besoin d'une évaluation médicale spécialisée supplémentaire pour éliminer la possibilité d'existence d'un autre problème de santé ou une déficience spécifique. Par exemple, il est arrivé que l'on se rende compte qu'il était essentiel qu'un neuropsychologue évalue un patient pour estimer son QI afin d'exclure la possibilité d'une déficience ou d'un handicap intellectuel. Dans un cas, on a demandé une évaluation psychiatrique spécialisée afin d'éliminer la possibilité d'un trouble précis et rare avant de commencer la consultation culturelle.

Tableau 3: Distribution du nombre de problèmes implicites par cas

Nombre de problème(s) implicite(s)

Nombre de cas

Aucun problème implicite

37

1 problème implicite

11

2 problèmes implicites

4

Nombre de cas pour lesquels il y avait un ou des problème (s) implicite(s)

15/52 (28%)

Dès les premiers mois d'implantation du service, les consultants/cliniciens qui participaient aux réunions de consultation et aux sessions d'évaluation se sont rendus à l'évidence de l'existence d'un phénomène précis qu'il a été décidé de documenter de façon systématique. Bien que les raisons de consultation présentées par les requérants étaient réelles il demeurait que certains requérants n'ont pas dévoilé l'autre raison ou l'autre problème important qui les amenaient à demander une consultation culturelle au SCC. Dès lors on s'est demandé pour chacun des cas présentés si il existait un problème implicite lié au problème d'intervention initialement identifié au triage. Dès le début du service quelques cas ont contribué à créer cette impression qui par la suite s'est vu confirmée par des cas ultérieurs. Le tableau 3 présente la distribution de ces problèmes implicites. En définitive, on a estimé que 15 des 52 demandes de consultation complètes (28%) étaient également motivées par des problèmes implicites assez importants pour que l'équipe de consultant considère, par consensus, que des gains secondaires ou qu'un agenda caché motivaient la demande de consultation au SCC. Pourquoi dès lors des professionnels cacheraient—ils une des raisons qui les amènent à utiliser un service de consultation culturelle? Quand on examine de plus près la nature même des raisons implicites identifiées le phénomène trouve tout son sens.

La coordonnatrice expliquait à tous les requérant, au moment du triage, que le SCC n'acceptait que les cas pour lesquels il y avait une composante clairement culturelle potentiellement liée au problème d'intervention et que le SCC ne prenait pas en charge le traitement de ces patients en post-consultation. Bien que les problèmes liés au requérant (10/15) aient été les plus fréquents, les problèmes liés au système social se retrouvent tout juste derrière (8/15). Le total des problèmes implicites est supérieur à 15 parce qu'il est arrivé dans plusieurs cas qu'un requérant avait plus d'un problème implicite lié à sa requête de service. La catégorie problème implicite lié au requérant se réfèrent à des situations ou le professionnel se questionne quant à ses propres compétences professionnelles ou encore manifeste un manque de confiance en ses capacités de traiter son patient. Pour ces types de problèmes, les consultants du SCC sont intervenu auprès du requérant pour le rassurer et lui confirmer ses compétences thérapeutiques et sa capacité de prendre en charge son patient. D'autres situations implicites avaient trait à des requérants qui demandaient une consultation au SCC parce qu'ils questionnaient la compétence d'un autre professionnel impliqués avec le cas. LA consultation au SCC contribuerait alors à changer le thérapeute du patient. Ces situations sont naturellement difficiles à dévoiler à un tiers parti, en l'occurrence le SCC, car elle remet en cause les compétences professionnelles, i.e. de soi même ou encore d'un autre professionnel. D'autres problèmes implicites correspondaient à des situations où le professionnel était face à un cas clinique qui par sa nature remettait en cause ses présomptions, stéréotypes ou préjugés culturels. Ces types de problèmes ont tous rapport à des questions de respect pour soi-même, pour ses collègues ou encore envers le patient. Il est dès lors attendu que ces raisons de consultation ne soient pas faciles à dévoilées et ne soient pas révélées durant le processus de consultation.

L'autre catégorie de problèmes implicites est différente et relève, comme pour les nouveaux problèmes, à des problèmes systé³¾¾±±ç³Ü±ð²õ. À la différence des nouveaux problèmes de type systé³¾¾±±ç³Ü±ð²õ les problèmes implicites de type systémique sont tous uniquement liés au système de santé ( 8 problèmes système de santé/8 problèmes systé³¾¾±±ç³Ü±ð²õ ). Un seul des cas noté avait à la fois un problème implicite lié au système de santé et un problème implicite lié au système de l'immigration. Gardons ici à l'esprit que les intervenants qui ont fait une demande de consultation au SCC, pour un cas précis, connaissent généralement bien le système de santé et savaient comment y naviguer. Si on regarde de plus près les raisons implicites qui auraient motivé ces intervenants à demander une consultation on peut diriger notre réflexion dans une direction intéressante. En effet tous ces cas de problèmes implicites systé³¾¾±±ç³Ü±ð²õ (8/15) étaient relatifs à des situations où le requérant souhait, via une consultation au SCC, résoudre le problème d'accessibilité aux services de santé mentale de son patient. Ces problèmes d'accessibilité étaient liés à des situations où leurs patients étaient susceptibles, à court terme, de perdre leur accès aux soins de santé mentale. En effet, ils avaient tous atteint leur quota soit de temps d'hospitalisation alloué en psychiatrie, soit de nombre de session de thérapie pré-accordées. Tous ces requérants (8/8) souhaitaient que la clinique de psychiatrie externe de l'Hôpital général juif, à laquelle le SCC était attaché, prenne en charge le traitement de leur patient ou la coordination de ses soins.

L'ensemble de ces résultats (raison explicites, nouveau problèmes, implicites) indiquent clairement que les quotas limitant la durée des soins psychiatriques et psychologiques externes et internes créent un problème d'accessibilité aux services de santé mentale pour plusieurs patients issus des communautés culturelles. Les patients issus de communauté culturelles ne sont pas plus malades que les Canadiens d'origine. Mais il semble qu'une proportion importante des cas vu au CCS et voir même ceux éliminés au triage se trouvaient dans une situation où ils allaient perdrent incessamment leurs accès aux soins parce qu'ils avaient atteints leur quotas. Pourquoi donc, ces professionnels de la santé mentale avaient-ils besoin de plus de temps pour traiter leur patient d'origine culturelle différente. Les résultats qualitatifs de l'évaluation de processus du SCC nous permet de proposer l'explication suivante au problème d'accessibilité des services relevé:

L'interface entre culture et problème de santé mentale complexifie la tâche clinique du professionnel de la santé mentale requérant ainsi plus de temps pour comprendre le contexte culturel et systémique des problèmes d'une proportion importante de patient, diagnostiquer son problème de santé mentale et trouver les stratégies de traitement culturellement adéquates. La complexité des formulations culturelles et l'ensemble des recommandations cliniques produites et documentées par le SCC , font foi de la complexité de ces tâches. Pas étonnant dès lors que les traitements aux patients culturellement différents puissent, dans plusieurs cas, exiger plus de temps que pour un patient d'origine canadienne.

Les principales raisons explicites, implicites et des nouveaux problèmes présentées par les requérants au moment du triage confirment l'existence et la nature de ces difficultés cliniques (Tableau 1). L'importance des changements cliniques suggérés (changement de diagnostique, de médication, de traitement, de stratégies d'intervention) après une consultation complète (voir rapport principal ) témoignent également de la complexité de la tâche clinique que incombe un travail clinique interculturel.

2. Les changements de procédures au SCC relatives à l'évaluation de processus et les barrières à la mise en œuvre du service

Changements apportés

Sans l'avoir prévu ainsi, mais largement due à la participation de la coordonnatrice clinique du service, cette évaluation s'est être avérée du type recherche-action. En effet, la vaste majorité des décisions prises lors des réunions d'évaluation visaient des changements de procédure dans le service. Ces changement souhaités étaient dès lors implantés à l'intérieur d'une durée moyenne d'une à deux semaines.

Certains besoins de formation pour les membres du SCC ont été identifiés durant les sessions d'évaluation post-consultation. Lorsque les besoins de formation concernaient les membre du CCS, des mesures pour y remédier étaient généralement prises à l'intérieure de quelques semaines. Par exemple, nous avons décidé d'inviter des représentants d'un organisme communautaire spécialisé pour nous former sur les aspects légaux relatif à la situation des réfugiés en attentes de statut et des rôles et implications d'une évaluation psychiatrique classique et d'uns d'évaluation du SCC dans le processus administratif du CISR. Plusieurs demandes au début du service étaient en lien avec la santé mentale de réfugiés victime de violence organisée. Nous avons dès lors organisé des séminaires de formation et des projection de film sur ce sujet. Plusieurs des sujets discutés lors des séminaires de formation mensuels du SCC étaient sélectionnés sur la base des besoins de formation identifiés lors des sessions d'évaluation post-consultation. (Voir la liste de séminaires mensuels Culture & Mental Health Seminars dans le rapport principal).

Les procédures du SCC qui ont été changées l'ont généralement été de une à deux semaines suivants la discussion évaluative post-consultation clinique. Les changement de procédure apportés au service ont ainsi largement précédé l'analyse des résultats et la rédaction du rapport de recherche-évaluative. Cette stratégie volontaire a clairement donnée priorité à l'action et a contribué, selon l'évaluatrice principale, à motiver la participation des cliniciens et de la coordonnatrice clinique aux sessions d'évaluation post-consultation. Voyant les fruits de leur efforts actualisés, généralement la semaine suivant la réunion d'évaluation, est semble t-il une bonne source de motivation pour participer à des réunions évaluatives longues et exigeantes. L'ensemble des décisions relatives aux procédures qui ont découlées de ces réunions évaluatives ont été réunies dans le document CCS Handbook qui a par la suite été distribué à tous les différents acteurs impliqués régulièrement ou de façon ad hoc dans le service (voir annexe du rapport principal). Entre autre le CCS Handbook décrit les rôles et responsabilités respectives de tous les acteurs impliqués (interprètes et consultants culturels ad hoc, membres du groupe de consultants, coordonnatrice clinique, directeur(trice) de la consultation de groupe, requérant) et les procédures à respecter pour les acteurs (éthique, recherche, temps requis etc) impliqués dans le service. Des corrections et des changements ont été apportés au CCS Handbook à différents moments du projet selon le besoin.

Il n'y pas eu de consensus à l'effet de deux point différents discutés aux réunions évaluatives. Le premier point concerne la dimension éthique liée à la présence d' étudiants et de stagiaires non cliniciens lors de la présentation de cas. Ceci a fait l'objet de discussion lors des réunions évaluatives et avec le groupe de consultants/cliniciens. Finalement les membres résistants à la présence des étudiants ont accepté que les étudiants assistent aux réunions cliniques pour des raisons heuristiques. Les étudiants venant des disciplines cliniques ont continuer à participer aux réunions cliniques sur une base relativement régulière. Les étudiants des sciences sociales et non cliniciens sont graduellement venus de moins en moins; probablement parce qu'ils avaient été informé de la controverse éthique au sujet de leur présence. Mais on ne peut être assuré de cette interprétation. L'autre problème était vécu principalement par l'évaluatrice qui a demandé que les noms de patients ne soient pas mentionnés lors des discussion de cas pour protéger leur anonymat, leur vie privée et celle de leur famille. Les cliniciens ont accepté cette requête mais elle pas été adoptée en pratique probablement parce qu'elle différait trop de leur habitude clinique antérieure.

Barrières et succès de l'implantation du service

La mise en œuvre complète du service a dû faire face à différentes barrières. Peu de demande de consultation ont été faites au début du projet; probablement parce que le projet n'était pas connu dans le réseau de la santé. L'implantation du service a également été ralentie parce que les demande de services, au début du projet, n'étaient pas approprié, i.e. qu'elles n'avaient pas de véritables composantes culturelles. Les habiletés cliniques de la coordonnatrice ont été essentielles à cette étape, i.e. le triage , pour aider les requérants à se rendre compte que leur problème clinique n'était pas relié au contexte interculturel impliqué. Certains intervenants qui faisaient face à des difficultés cliniques avec un patient culturellement différent tendaient, à priori, à croire que leur problème clinique était de nature interculturelle alors que dans bien des cas l'entrevue au triage a révélé que la dimension culturelle n'était pas impliquée dans le problème. D'autres cliniciens non formés à la pratique interculturelle et/ou sans expérience clinique interculturelle ont fait une demande au SCC parce qu'ils considéraient à priori qu'un intervenant homo-ethnique serait plus approprié pour traiter leur patient. Nous avons également observé que le réflexe de demander une consultation a pris du temps à imprégner la pratique des professionnelles du réseau de la santé qui connaissaient l'existence du service SCC mais qui ne pensaient pas nécessairement à l'utiliser dans leur pratique quotidienne. On peut expliquer ce phénomène en partie parce que le service était connu depuis peu mais aussi parce les consultants, le directeur et la coordonnatrice clinique ont du expérimenté le processus de consultation sur une période de quelques mois avant d'être en mesure de négocier et définir la mission et les mandats spécifiques du service dans son contexte institutionnel et systémique. Plusieurs demandes de consultation culturelles au début du projet qui n'étaient pas appropriées ont néanmoins contribué à accélérer le processus de clarification de la mission du SCC.

Une autre barrière a l'implantation du service était la difficulté à trouver des consultants culturels pour certaines communautés culturelles spécifiques, plus précisément les communautés les plus récemment arrivées et celles qui sont moins importantes d'un point de vue démographique. Par exemple, la communauté de réfugiés Kosovars pour laquelle quelques demandes de consultations ont été faites dès le début du projet a posé problème car il n'existait tout simplement pas de consultant culturel dans la région métropolitaine pour cette communauté. Nous avons dès lors dû reposer nos demandes d'informations auprès d' interprètes d'origine Kosovar. Nous nous sommes rendus compte que n'étant pas intervenant et appartenant eux même à la communauté qui faisait l'objet de consultation, les interprètes ont été, bien malgré nous, mis en position à la fois de consultants culturels et de quasi-cas. Cette situation a naturellement posé des difficultés et des embûches importantes au moment de la consultation. En fait ce problème vécu en cours de consultation, bien que révélé tard dans le processus, s'est avéré lié au problème d'intervention pour le quel il y avait eu demande de consultation au SCC. Ce genre de situation a fait l'objet de nombreuses réunions et discussions évaluatives et des mesures ont été prises pour prévenir l'apparition de ce genre de problème.

Néanmoins le problème a permis de mettre à jour l'importance de former tous les interprètes professionnels à l'intervention en santé mentale et communautaire. L'absence actuelle de ce type de formation peut rapidement engendrer des situations problématiques qui limitent nécessairement l'accès aux services de santé mentale et sociaux de certaines communautés culturelles.

Le fait de ne pas avoir de manuel de procédure pour le service au début du projet a également contribué a ralentir la mise en Å“uvre complète du service. Les cliniciens devaient néanmoins expérimenter le service et l'observer de façon critique pour être en mesure de définir ce que l'on devait y inscrire. Dès que le manuel fut complété et utilisé par les différents acteurs impliqués dans le service, le problème s'est résolu. Le principal obstacle à l'implantation, de l'avis de la coordonnatrice clinique, fut très certainement les pressions à la fois internes (Intervenants à Hôpital Général Juif) et externes (les requérants des autres institutions) pour que le service de consultation culturelle offre des traitements psychiatriques et psychologiques. L'importance et l'existence de ce problème a été confirmé par la documentation des problèmes implicites de type systé³¾¾±±ç³Ü±ð²õ documentés lors des sessions d'évaluation (voir Tableau 1).

Le SCC est un nouveau service qui a émergé depuis le milieu clinique ce qui a très certainement facilité son implantation et son acceptation par les intervenants impliqués, i.e. ceux qui produisent le service et voir même ceux qui l'utilisent. Les résistances à la mise en œuvre d'un nouveau service ne sont pas inhabituelles dans le réseau de la santé, très souvent parce que le service clinique ou le programme est planifié d'en haut, i.e. par des non cliniciens ou par une instance administrative. L'expérience d'implantation de ce projet illustre la pertinence et l'utilité de planifier des services ou des programmes depuis le milieu des cliniciens ou encore en collaboration étroite avec les cliniciens. Cette démarche peu prendre plus de temps, certes, qu'une planification de service plus classiquement administrative mais son acceptation par le milieu clinique et par voie de conséquence ses chances d'implantation sont dès lors largement bonifiées.

Les autres éléments qui ont facilité l'implantation et la mise en œuvre de ce service est très certainement la philosophie de collégialité et de partage de pouvoir qui a entouré les négociations quant aux décisions de changement de procédures entre la coordonnatrice clinique, les membres cliniciens du SCC, le chercheur évaluateur et le directeur du projet. La coordonnatrice clinique avait droit a beaucoup de flexibilité pour organiser et implanter le service selon son jugement, son expérience et son expertise à la fois clinique et interculturelle. Cette approche couplé à sa compétence clinique et interculturelle a très certainement facilité la mise en œuvre du service et a joué un rôle pivot quant à la capacité du service à s'adapter rapidement aux exigences du milieu.

3. Formulation culturelle comme système de sens étique des problèmes cliniques

Les formulations culturelles produites pour chacun des cas étaient conceptualisées par les consultants attitrés à chaque cas en tenant compte des critères proposés dans l'annexe du manuel de psychiatrie DSM-IV appelée Formulation Culturelle. Les membres du SCC ont transformé et simplifié cet outil afin de faciliter son utilisation dans un contexte clinique. Une formulation culturelle a dès lors été produite par chaque consultant ayant interviewé un cas. Or ces formulations, parce que leur conceptualisation vise à mettre à jour le contexte culturel impliqué dans le problème d'intervention, étaient généralement contenues dans un texte de plusieurs pages suivi à la fin par des recommandations cliniques précises. Il a dès lors été impossible de présenter dans le présent document l'ensemble de ces formulations culturelles sans perdre la richesse de leur contenu. C'est pourquoi nous avons décidé simplement de documenter la fréquence des thèmes dominants des formulations culturelles et de commenter les plus importants. Ce faisant on a pu identifier les thèmes récurrents qui deviennent incontournables dans le contexte de toute formation interculturelle de professionnels en santé mentale. Les trois participants à l'évaluation devaient, par triangulation, convenir des thèmes qui avaient dominé la formulation culturelle du cas discuté.

Au tableau 6 on voit que le système de parenté, les traumatismes liés à la guerre, les problèmes cliniques interculturels et les questions d'identité sont les thèmes dominants les plus fréquemment utilisés par les consultants pour expliquer les problèmes d'intervention qui ont fait l'objet d'une consultation culturelle. En ce qui a trait au système de parenté les questions liées au pouvoir et au soutien familial notamment chez les familles étendue et patriarcales a été une explication au centre de nombre de consultation. L'impact de l'isolement social sur la santé mentale et le rétablissement lorsque le patient vient d'un pays où la famille étendue constitue la norme a fréquemment été présenté comme explication des risques et difficultés de réhabilitation vécus par divers patients. Des explications culturelles et historique ont fréquemment été proposées pour éclairer et guider les intervenants quant aux question des traumas liés à la guerre ou à la violence organisée. Les problèmes adjoints aux expérience de persécution politique et ethnique ont été utile notamment pour identifier si le récit de divers patients était cohérents d'une part et plausible de l'autre. Cet aspect était essentiel pour déterminer si à la fois les diagnostics et les interventions proposées étaient pertinentes.

Tableau 6: Distribution des thèmes dominants des formulations culturelles présentées par le SCC.

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¹ó°ùé±ç³Ü±ð²Ô³¦±ð²õ

Système de parenté

Traumas liés à la guerre

Clinique

±õ»å±ð²Ô³Ù¾±³Ùé

Comportements/ valeurs

±Ê±ð°ù³¦±ð±è³Ù¾±´Ç²Ô/²ú¾±´Ç³¾Ã©»å±ð³¦¾±²Ô±ð

Religion/surnaturel

Communication/relation

ɳ¾¾±±ç³Ü±ð/³¾²¹±ô²¹»å¾±±ð

Migration

Total

25

17

15

12

8

7

6

5

2

2

99

Ìý

Les problématiques liées à d'identité ont également constitué des explications pivot parmi plusieurs formulations culturelles; depuis l'identité professionnelle et culturelle du patient, des liens à comprendre en situation d'acculturation, des questions de l'identité biculturelle et des incidences communicationnelles dans le contexte clinique relatives aux identités ethniques, nationales et religieuses. Plusieurs valeurs centrales diffusées dans le monde non occidentale telle que l'honneur et les statuts social des femmes et l'importance culturelle des mariages arrangés ont été proposés à maintes reprises pour expliquer des problèmes sociaux et guider les stratégies d'intervention. Enfin un autre thème important a été la perception du patient et de sa famille quant au pouvoir et au stigma associé aux intervenants, à la clinique psychiatrie et à la maladie psychiatrique. Les perceptions religieuses et surnaturelles de patients ont été expliquées notamment en lien avec les questions de fatalisme versus l'empowerment du patient en réadaptation. Les interventions du monde surnaturel et de l'utilité et la signification des guérisseurs traditionnels ont également été discuté en lien avec l'observance aux posologie. Les perceptions é³¾¾±±ç³Ü±ð²õ des maladies mentales et chroniques et leur implication notamment dans les problèmes d'observance et de stigma social ont fait l'objet de différentes explications. Enfin la dimension et les implications des problèmes d'adaptation à la société d'accueil occidentale et de ses incidences pour des personnes vulnérables a constitué un thème récurant des formulations culturelles.

Assister à la présentation de ces formulations culturelles liées aux récits de cas fut un privilège en soi par ce qu'il constituait une porte d'entrée dans un univers exceptionnellement riche en expérience humaine, sociale et interculturel impossible à rencontrer ou à observer de façon aussi intensive dans la vie de tous les jours. Les étudiants des métiers tant cliniques que ceux issus des sciences sociales pourraient inévitablement bénéficier de façon exceptionnelle de tel type d'activités.

Conclusion

Incidences des résultats pour la formation professionnels

Étant donné les changements démographiques qui amènent notre société à se complexifier et à multiplier sa diversité culturelle, la formation des intervenants sur les aspects interculturels impliqués dans les problèmes de santé mentale et le travail clinique sont des actions incontournables pour assurer à la fois la compétence des professionnels notamment à ce qui a trait à leur capacité de poser un diagnostic adéquat et de proposer un traitement qui répond d'une adéquation culturelle. Assurer une meilleure formation des intervenants et des étudiants amenés à faire du travail clinique assura, sans conteste, une meilleure accessibilité aux services de santé mentale pour les communautés culturelles. Les thèmes les plus fréquemment utilisés dans les formulations culturelles présentées dans ce rapport et la complexité des formulations culturelles produites dans le cadre de ce projet témoignent de la complexité des dimensions culturelles impliquées dans les problèmes d'intervention que de l'inadéquation d'un modèle de formation plus traditionnel pour résoudre les problèmes cliniques interculturels. En réalité la majorité des thèmes sont davantage de type transculturel que relatif à une ethnie spécifique, rendant ainsi possible la formation des professionnels aux aspects interculturels sans pour autant être obligé de connaître toutes les cultures des diasporas présentes au Canada. La formation des interprètes professionnels pour leur donner les outils nécessaires à travailler en contexte clinique et communautaire également est incontournable et essentiel pour contribuera à prévenir des problèmes cliniques et améliorer du coup l'accessibilité des santé mentale aux communautés culturelles.

Incidences pour les politiques de santé

La documentation des catégories de problèmes (explicites, nouveaux ou implicites) d'intervention vécus par les professionnels confirment l'existence d'un problème d'accessibilité des services qui ne se limite pas aux questions d'adéquation culturelle des interventions et des services. Les résultats indiquent clairement que le modèle des soins de courte durée, que ce soit en clinique externe ou interne, ne répond pas aux besoins de bien des patients issus des communautés culturelles et immigrantes. Disloqués de leur réseau de soutien traditionnel et fragilisés par l'isolement social qui accompagne leur situation de réimplantation dans une nouvelle société occidentale les rends bien sûr plus vulnérables aux difficultés de réhabilitation et d'adaptation. Les résultats indiquent clairement que la sectorisation des services de santé mentale a un effet néfaste sur l'accessibilité des services de santé mentale pour les immigrants, les réfugiés et les patients de communautés culturelles.L'évaluation du service montre que la création d'un service régional tel que le SCC pourrait pallier à cette lacune et aurait la capacité, avec peu de ressources supplémentaires, contribuer significativement à résoudre ce problème d'accessibilité à l'échelle provinciale. Les politiques de santé mentale au Québec et dans les autres provinces canadiennes doivent énoncer l'objectif d'améliorer l'accessibilité des services de santé mentale pour ces communautés afin que des fonds publiques soient dirigés vers la création permanente de ce type de ressource afin de combler ce besoin important dans notre système de santé. Les recherches futures sur le sujet doivent être prioritaires et inclurent une participation active des étudiants et des stagiaires en milieu clinique afin de permettre le transfert immédiat des nouvelles connaissances produites.

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Guba E. et Lincoln Y. (1989) Fourth Generation evaluation. Newbury Park, CA: Sage.

Yin, r.K. (1984). Case Study Research, Beverley Hills, CA: Sage.

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