Ŕ¦°óSMÉçÇř
La situation s’est complexifiĂ©e quelques annĂ©es plus tard, lorsqu’on m’a diagnostiquĂ©e une maladie chronique qui endommageait mes jointures, rendant pour plusieurs annĂ©es difficiles des tâches aussi simples que de rĂ©diger Ă l’ordinateur ou de tenir un crayon. Alors que j’ai progressivement regagnĂ© l’usage de mes mains, j’ai poursuivi on travail sur les registres climatiques historiques, jugeant qu’il s’agissait lĂ d’une entreprise que je pouvais poursuivre depuis mon foyer puisque les calculs habituels de la climatologie contemporaine ne m’étaient pas nĂ©cessaires. C’est Ă ce moment toutefois que j’ai commencĂ© Ă m’intĂ©resser Ă l’histoire du climat et de la climatologie au Canada, ce qui a menĂ© Ă un projet interdisciplinaire sur l’histoire et le climat. Le chemin qui m’a menĂ©e Ă travailler sur les donnĂ©es climatiques canadiennes est loin d’être linĂ©aire. Un Ă©tĂ© de mon baccalaurĂ©at, lisant un ouvrage d’Hubert Lamb intitulĂ© Climate: Past, Present and Future (Londres, Routledge, 1972), j’ai dĂ©couvert ma vocation : la climatologie historique. Après une première formation plutĂ´t solitaire au programme de Climatologie de l’UniversitĂ© Ŕ¦°óSMÉçÇř – j’étais la seule de ma promotion – ainsi qu’une maĂ®trise au DĂ©partement des sciences atmosphĂ©riques et ocĂ©aniques portant sur le climat et les dynamiques de la circulation, j’ai quittĂ© pour l’Europe en vue d’obtenir mon doctorat en climatologie historique Ă la Climatic Research Unit, fondĂ©e par nul autre qu’Hubert Lamb. J’y ai passĂ© deux annĂ©es extraordinaires avec certains des climatologies historiques les plus rĂ©putĂ©s d’Europe, afin de redĂ©couvrir des relevĂ©s instrumentaux des 18e et 19e siècle en provenance des quatre coins du continent. Alors que je travaillais, Ă la fin de l’hiver 2000, comme chercheuse postdoctorale au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement de Gif-sur-Yvette (au sud de la France) sur la dynamique atmosphĂ©rique, une grève des transports en commun m’a contrainte Ă travailler depuis la maison. J’ai donc dĂ©cidĂ© de prendre mon Guide vert de Paris pour y trouver la rubrique portant sur l’Observatoire de Paris et, sur un coup de tĂŞte, appeler au numĂ©ro qui y figurait pour ĂŞtre ensuite transfĂ©rĂ©e Ă la bibliothèque.
– Bonjour, j’aimerais savoir si vous avez des observations météorologiques anciennes dans vos collections de manuscrits.
– Oui, certainement.
– Datant de quelle époque?
– Du 17e siècle, madame.
J’étais estomaquĂ©e; Ă quelques stations de train plus au nord se trouvaient trois cent ans d’observations climatiques, attendant patiemment dans les archives de l’Observatoire! J’ai par consĂ©quemment passĂ© autant de temps qu’il m’était possible dans les archives de l’Observatoire de Paris dans les mois qui ont suivi. Après plusieurs de ces allers et retours, JosĂ©e Alexandre, un archiviste patient et attentionnĂ©, me demanda lors d’une discussion sur la France et le QuĂ©bec si je serais intĂ©ressĂ©e Ă consulter certains des documents sur la province. Il s’agissait, plus prĂ©cisĂ©ment, des lettres de Gaultier, des manuscrits recouvrant la correspondance de Jean-François Gaultier, mĂ©decin du Roi Ă QuĂ©bec, et de DuHamel Dumonceau, membre de l’AcadĂ©mie Royale des Sciences dans la dĂ©cennie 1740. Les manuscrits de Gautier se sont avĂ©rĂ©s n’être qu’une première Ă©tape, puisque de nombreux autres documents, datant des 18e et 19e siècles ceux-lĂ , alimentaient les archives de Ŕ¦°óSMÉçÇř et du MusĂ©e McCord, qui m’ont permis de proposer une image rĂ©aliste des conditions climatiques de la VallĂ©e du Saint-Laurent pour presque chaque jour depuis la fin du 18e siècle. Entre temps, les boĂ®tes de copies d’archives que j’avais accumulĂ©es dans les premières annĂ©es de ma carrière accumulaient la poussière dans le grenier, et je ne disposais d’aucun financement pour faire numĂ©riser les registres. Or tandis qu’il m’était impossible d’écrire, j’ai dĂ©couvert un site Internet regroupant des volontaires intĂ©ressĂ©s Ă lire Ă haute voix des livres exempts de droits d’auteur et Ă produire des livre-audios. J’ai consĂ©quemment pris conscience que s’il m’était impossible d’obtenir du financement pour engager des professionnels, il m’était possible de recruter des bĂ©nĂ©voles sur le Web pour un projet similaire, qui viserait Ă transcrire les relevĂ©s climatiques. Le projet a connu un succès inespĂ©rĂ© : de nombreux bĂ©nĂ©voles se sont consacrĂ©s Ă la transcription de relevĂ©s Ă©crits Ă la main dans des lettres ou journaux personnels, et en quelques annĂ©es seulement la plupart des donnĂ©es relatives Ă la VallĂ©e du Saint-Laurent, ainsi qu’une partie non nĂ©gligeable des rapports en provenance d’autres rĂ©gions du Canada ont Ă©tĂ© transcrits. Avec l’aide du CRIEM, de l’Observatoire de Ŕ¦°óSMÉçÇř et des professeurs du DĂ©partement de gĂ©ographie de l’UniversitĂ© Ŕ¦°óSMÉçÇř, une nouvelle phase de numĂ©risation citoyenne des donnĂ©es climatiques a Ă©tĂ© entamĂ©e, qui met l’accent sur les registres hĂ©bergĂ©s par l’Observatoire de Ŕ¦°óSMÉçÇř, fondĂ© en 1863. Grâce Ă une plateforme Web renouvelĂ©e, ce projet vise Ă rendre l’histoire climatique accessible aux MontrĂ©alais ou aux enthousiastes de la mĂ©tĂ©o ici comme Ă l’international, et Ă explorer le passĂ© climatique et mĂ©tĂ©orologique de la mĂ©tropole.
Victoria C. Slonosky (Ph.D.), Resident scholar (2014-2015)