Une meilleure façon de faire des produits chimiques?
Pour la première fois, des scientifiques ont étudié une réaction de broyage en temps réel à l’aide de rayons X à forte pénétration qui leur ont permis d’observer les changements extrêmement rapides survenus lorsque le broyeur a mélangé, moulu et transformé des ingrédients simples pour en faire un produit complexe. Les résultats de cette étude, qui ont fait l’objet d’un article publié le 2 décembre 2012 dans la revue spécialisée Nature Chemistry, pourraient permettre aux scientifiques de mieux comprendre les processus fondamentaux sur lesquels reposent les industries pharmaceutique, métallurgique, cimentière et minérale – et ouvrir la voie à de nouveaux projets dans les domaines de la chimie verte et de l’étude des processus de synthèse chimique plus respectueux de l’environnement.Ìý
L’équipe internationale – dirigée par Tomislav ¹ó°ù¾±Å¡Ä¾±Ä‡, de l’Université À¦°óSMÉçÇø, et IvanÌýHalasz, de l’Université de Zagreb, en Croatie – était composée de chercheurs de l’Université de Cambridge, de l’Institut Max-Planck pour la recherche sur l’état solide, de Stuttgart, en Allemagne, et de l’Installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF), de Grenoble, en France.
Si une action mécanique peut entraîner la rupture des liaisons chimiques – comme c’est le cas avec l’usure des fibres textiles – la force mécanique peut également intervenir dans la synthèse de nouveaux composés et matériaux chimiques. Au cours des dernières années, le broyage à boulets a gagné en popularité pour la production de produits chimiques complexes. Au cours du processus de fabrication, les boulets d’acier sont mêlés aux réactifs et aux catalyseurs dans une cuve soumise à de rapides vibrations. Les transformations chimiques se produisent au point de contact entre les boulets, là où l’impact crée instantanément des «Ìýpoints chaudsÌý» sous l’effet de la chaleur et de la pression. Ce phénomène est difficile à modéliser et, sans une observation appropriée des réactions en temps réel, les processus ³¾Ã©³¦²¹²Ô´Ç³¦³ó¾±³¾¾±±ç³Ü±ðs ne peuvent être élucidés.
« Le défi auquel nous avons été confrontés consistait à observer l’ensemble de la réaction sans toutefois l’interrompre ni perturber les intermédiaires réactionnels de courte durée qui apparaissent et disparaissent sous l’effet des impacts continus en moins d’une minuteÌý», précise Tomislav ¹ó°ù¾±Å¡Ä¾±Ä‡, professeur adjoint au Département de chimie de l’Université À¦°óSMÉçÇø.
L’équipe de chercheurs a choisi d’étudier la synthèse ³¾Ã©³¦²¹²Ô´Ç³¦³ó¾±³¾¾±±ç³Ü±ð de la structure organométallique ZIF-8 à partir des composés non toxiques les plus simples. Les matériaux tels que la ZIF-8 gagnent rapidement en popularité en raison de leur capacité à capter de grandes quantités de CO2. Fabriqués à faible coût et de façon durable, leur usage pourrait se généraliser pour la capture et le stockage du carbone, la catalyse et même le stockage de l’hydrogène.Ìý
« L’équipe s’est tournée vers l’ESRF, car notre établissement est doté d’appareils à rayons X capables de traverser les épaisses parois de 3 mm d’une cuve à réaction en acier, en aluminium ou en plastique soumise à des vibrations extrêmement rapides. Le faisceau de rayons X doit pouvoir pénétrer à l’intérieur de la cuve pour sonder la synthèse ³¾Ã©³¦²¹²Ô´Ç³¦³ó¾±³¾¾±±ç³Ü±ð de la ZIF-8, puis déceler les changements qui surviennent au cours du processusÌý», explique Simon Kimber, chercheur à l’ESRF et membre de l’équipe. Cette méthode révolutionnaire a permis aux scientifiques d’observer en temps réel la réaction cinétique, les intermédiaires réactionnels et la formation de leurs nanoparticules respectives.
En principe, les scientifiques pourraient recourir à cette technique pour l’étude de tous les types de réactions chimiques survenant dans un broyeur à boulets et les optimiser aux fins d’utilisation dans une multitude d’industries. « Ce serait une bonne chose pour l’environnement, l’industrie et les consommateurs », conclut le professeurÌý¹ó°ù¾±Å¡Ä¾±Ä‡.
Les chercheurs ont reçu l’appui des organismes suivantsÌý: le Fonds Herchel Smith; le Conseil britannique/Office allemand d’échanges universitaires; l’ESRF; le Centre de formation doctorale en nanoscience et technologie de Cambridge; l’Université de Cambridge; le ministère des Sciences, de l’Éducation et des Sports de la République deÌýCroatie; l’Université À¦°óSMÉçÇø; et le Centre de chimie verte et catalyse du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.
IMAGE: Montage à l’ESRF à Grenoble (France) avec la cuve de broyage contenant la ZIF-8 blanche à l’avant, sur un broyeur industriel modifié. (T. ¹ó°ù¾±Å¡Ä¾±Ä‡)Ìý
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