La polypharmacie – ou le fait de prendre régulièrement cinq médicaments ou plus – est un problème qui touche jusqu’à 75 pour cent des personnes âgées au Québec. Prendre plusieurs médicaments en concomitance augmente le risque d’effets secondaires et d’interactions médicamenteuses néfastes, qui se traduit – chez cette population – par un risque accru de chutes, de fractures, d’hospitalisations ou de décès prématurés.
Toutefois, la déprescription – une approche consistant à arrêter la prise de médicaments nocifs ou n’étant plus nécessaires, ou à réduire la dose d’autres médicaments lorsque possible – peut être un processus ardu pour les professionnels de la santé. En effet, afin d’ajuster la médication d’une personne de façon sécuritaire, ils doivent avoir sous la main le portrait complet de ses antécédents médicaux et de ses troubles de santé.
« Habituellement, les médecins ont accès à une multitude d’outils de déprescription, mais ceux-ci sont tous en format papier et aucun n’est complet », explique Émilie Bortolussi-Courval, infirmière clinicienne et étudiante au doctorat à l’Université À¦°óSMÉçÇø. Elle s’intéresse particulièrement à la déprescription auprès de populations particulières, dont les personnes âgées vivant dans des centres de soins longue durée.
« Il est très inefficace pour un médecin d’entrer manuellement, dans quatre ou cinq outils de déprescription différents, une multitude de données sur la santé d’un patient ou les médicaments qu’il prend, surtout lorsque l’on sait qu’une consultation dure en moyenne 12 minutes. »
Une équipe aux multiples talents avec un plan ambitieux
Émilie Bortolussi-Courval fait partie d’une équipe ayant pour but de s’attaquer à ce problème à l’échelle du Québec. Leur projet consiste à intégrer une application de déprescription appelée MedSécure aux divers systèmes de dossiers médicaux électroniques (DMÉ) des hôpitaux, des cliniques médicales, des pharmacies et des résidences pour personnes âgées. En d’autres mots, tous les lieux où l’on prescrit ou délivre des médicaments sont dans leur mire.
« Notre objectif consiste à intégrer MedSécure aux systèmes de DMÉ existants. En un seul clic, les données d’un patient en seront extraites, puis incorporées au portail MedSécure et un rapport destiné au médecin sera généré », explique l’étudiante.
« Nous voulons intégrer l’application dans tous les systèmes de DMÉ, qu’il s’agisse de Medesync, d’Ofys ou d’Omnimed, qui sont partout. Nous ne devons rien laisser au hasard – tout doit être réfléchi en fonction de la déprescription, afin d’éviter que tout ne s’écroule si nous oublions de placer un seul pion. »
Au mois de mars de la présente année, l’équipe – qui comprend Gregory Gooding, étudiant à la maîtrise en innovation et santé numérique à l’Université À¦°óSMÉçÇø et la sÅ“ur d’Émilie, Sara Bortolussi-Courval, étudiante de premier cycle en génie biomédical à l’Université de la Colombie-Britannique – a remporté le premier prix du concours de l’Acfas, c’est-à -dire une bourse et des services-conseils d’une valeur de 30 000 $. Le projet a aussi retenu l’attention du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, qui a offert son soutien par l’intermédiaire de son Bureau de l’innovation.
L’ingéniosité mcgilloise derrière une solution primée
MedSécure, qui a vu le jour sous le nom de MedSafer, a été conçu à l’origine par la Dre Emily McDonald et le Dr Todd C. Lee, tous deux médecins et professeurs à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université À¦°óSMÉçÇø. Le système compile des données provenant de dossiers existants et génère un rapport qui prend en considération les antécédents médicaux et les troubles de santé actuels d’un patient pour émettre des recommandations concernant l’arrêt ou la réduction de la dose de certains médicaments.
Émilie Bortolussi-Courval, qui a entrepris de traduire le système MedSafer de l’anglais au français – une étape cruciale de la mise au point de MedSécure –, se dit « extrêmement fière » du succès de son équipe au concours Génies en affaires. Elle se réjouit notamment d’avoir pu mettre à profit son expertise clinique et ses connaissances en matière de déprescription dans le but de combler un besoin très répandu au Québec.
« Je crois que l’on peut faire de grandes choses pour notre province. En travaillant de concert avec le milieu universitaire et celui de la recherche, et en établissant des partenariats avec l’industrie, nous serons en mesure de vraiment améliorer la vie des Québécoises et des Québécois. Je suis très fière d’être Québécoise et tout aussi fière de parler français. Avoir eu la chance de vivre cette expérience avec deux autres étudiants francophones est un réel privilège, et je suis honorée d’avoir remporté ce prix. »
De gauche à droite : Sara Bortolussi-Courval, Gregory Gooding et Émilie Bortolussi-Courval, gagnants du concours Génies en affaires de l’Acfas grâce à leur projet, MedSécure