L'Agence de la santé publique du Canada a annoncé, fin avril, la création du . Dans le cadre de cette vaste initiative échelonnée sur deux ans, des chercheurs de partout au pays se mobiliseront pour mesurer l’étendue de l’infection par le SARS-CoV-2 au Canada dans le but de mettre à la disposition des décideurs les données scientifiques les plus solides qui soient pour gérer la pandémie.
Dre  Catherine  Hankins, professeure de santé publique et populationnelle à l’Université À¦°óSMÉçÇø, et Dr David  Naylor, président émérite de l’Université de Toronto et professeur de médecine dans cet établissement, coprésideront l’équipe de direction du groupe de travail.
Par ailleurs, l’Agence de la santé publique du Canada a doté le groupe de travail d’un secrétariat externe, qui sera dirigé par le Dr  Timothy  Evans, vice-doyen et directeur de l’École de santé des populations et de santé mondiale à la Faculté de médecine de l’Université À¦°óSMÉçÇø. Le Dr  Evans a parlé à À¦°óSMÉçÇø dans la ville de cette offensive de recherche pancanadienne sans précédent.
Qu’est-ce que le dépistage sérologique?
Actuellement, pour déterminer si une personne est atteinte de la COVID-19, on recherche du matériel viral dans un prélèvement effectué à l’aide d’un écouvillon. Le dépistage sérologique est bien différent, parce qu’on ne recherche pas le virus, mais plutôt les signes d’une réaction immunitaire contre le virus. On analyse le sang pour voir si le système immunitaire a produit des anticorps en réaction à l’infection.
Pourquoi la surveillance sérologique est-elle importante en temps de pandémie et que peut-elle nous apporter?
Les personnes qui ont des symptômes de COVID19 et obtiennent un résultat positif au test avec écouvillon représentent la partie visible de l’iceberg. Cachés sous la surface, il y a tous ces gens qui ont été infectés, mais ont présenté peu ou pas de symptômes et n’ont donc pas passé le test. Grâce aux tests sérologiques, nous aurons une idée du nombre de personnes qui constituent la partie immergée de cet iceberg. Si elle est très large, c’est que les personnes qui ont reçu un diagnostic de COVID-19 après un test avec écouvillon sont bien loin de représenter la totalité des personnes infectées. C’est une information essentielle pour l’évaluation de la vulnérabilité de la population à une seconde vague de l’épidémie.
En quoi cette initiative favorisera-t-elle le retour au travail?
Le dépistage sérologique nous permettra de déterminer combien de travailleurs exposés à un risque plus élevé, ceux de la santé par exemple, ont été en contact avec le virus. Ils pourront dès lors être déployés de façon prioritaire en première ligne, puisque nous pensons qu’ils risquent moins d’être infectés de nouveau. Ils peuvent donc travailler de façon plus sécuritaire, sans propager l’infection. On pourrait également évaluer l’immunité au virus chez d’autres personnes qui travaillent avec le public, comme les enseignants et les employés de magasin, ou les ouvriers des chaînes de montage. Dès qu’on a cette donnée en main, on peut s’appuyer sur la science pour décider d’assouplir les mesures d’éloignement physique et d’isolement social qui freinent l’activité économique.
Pourquoi est-ce important que cette offensive de recherche soit déployée partout au pays?
Nous sommes au service du Canada, alors nous allons mobiliser les chercheurs universitaires et les agences de santé publique d’un océan à l’autre. L’idée du groupe de travail, c’est de fédérer ces institutions dans une offensive sans précédent pour faire la lumière sur le degré d’immunité au SARS-CoV-2 et les tendances à l’échelle du pays. Nous aurons un portrait clair de chacune des régions, si bien que les autorités pourront prendre des décisions fondées sur des données scientifiques de qualité. Nous souhaitons que les choses marchent rondement afin de commencer à nous faire une idée de la séroprévalence et de l’immunité d’ici la fin mai.
À quels résultats vous attendez-vous?
Je m’attends à ce que le portrait soit bien différent d’une région à l’autre. Dans des villes comme Montréal et Toronto, où la population est beaucoup plus dense, j’ai l’impression que le taux d’immunité sera beaucoup plus élevé que dans des endroits comme les Prairies, le Nord canadien et peut-être les Maritimes. Lorsque nous aurons tracé cette carte géographique de l’immunité, nous pourrons cesser d’appliquer partout les mêmes consignes d’éloignement physique et d’isolement. Si nous pouvons adapter ces mesures au degré d’immunité présent dans une région donnée, nous pourrons peut-être remettre sur les rails, en toute sécurité, des services et des secteurs critiques de notre économie, tout en surveillant de près les populations à risque.
Le groupe de travail mènera des enquêtes pendant les deux prochaines années. Pourquoi doit-on poursuivre la sérosurveillance après le recul de la pandémie?
La réaction immunitaire peut s’atténuer avec le temps. Si le virus réapparaît au bout d’un an ou deux, nous devons savoir si l’immunité est toujours aussi forte pour protéger la population et le personnel de première ligne. Et advenant l’arrivée d’un vaccin, cette information orientera les stratégies de vaccination.
Le groupe de travail pourrait-il nous aider à nous préparer en prévision de futures pandémies, causées par d’autres virus?
Si tout se passe bien et que nous recueillons rapidement de l’information scientifique de qualité utile aux décideurs, le potentiel de mise en branle de nos équipes de recherche sera beaucoup plus grand. Le travail ne sera peut-être pas réalisé par notre groupe, mais si nous pouvons démontrer le bien-fondé de cette démarche, nous aurons fait la preuve, je pense, que nous pouvons mobiliser efficacement les chercheurs du pays en cas d’urgence. Et ça, ce sera vraiment précieux si nous avons un jour à affronter d’autres menaces du même genre.
Pour en savoir davantage sur l’offensive des chercheurs de l’Université À¦°óSMÉçÇø contre la COVID-19, rendez-vous à .
Crédit Photo: Owen Egan