Juin, mois de la sensibilisation aux lésions cérébrales
Alain Ptito, du Neuro, interpelle le public sur les dangers des commotions cérébrales
Par Victor Swoboda
Chaque jour au pays, plus de 400Ěýpersonnes en moyenne sont victimes d’une commotion cĂ©rĂ©brale ou d’une autre forme de lĂ©sion cĂ©rĂ©brale.
Dans un cas sur trois, le traumatisme touche un enfant ou une jeune personne durant la pratique d’un sport ou d’une autre activité physique. Les accidents de la route et les chutes sont également des causes fréquentes de lésion cérébrale. Le risque est lié au fait que de nombreuses victimes ne sont pas conscientes de la gravité de leur blessure et négligent de se soumettre à un examen. Bien que la population soit de nos jours plus sensibilisée aux commotions cérébrales que durant les années 1970, les athlètes et le grand public continuent trop souvent d’ignorer les signes distinctifs de ce traumatisme.
Le PrĚýAlainĚýPtito, chercheur en neurosciences cognitives au Neuro et directeur du DĂ©partement de psychologie du Centre universitaire de santĂ© Ŕ¦°óSMÉçÇř (CUSM), veille Ă ce que chaque personne qui subit une lĂ©sion cĂ©rĂ©brale reçoive un diagnostic et, au besoin, un traitement adĂ©quat. Ses travaux de recherche portent sur la mise au point d’outils diagnostiques capables de fournir des donnĂ©es objectives dans l’évaluation de la gravitĂ© des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales.
«ĚýPlus de la moitiĂ© des structures cĂ©rĂ©brales ont une forme de composante visuelle, c’est pourquoi bon nombre de personnes se plaignent de trouble de la vue Ă la suite d’une commotion cĂ©rĂ©braleĚý», indique le PrĚýPtito, qui est conseiller scientifique auprès de SaccadeĚýAnalytics, une sociĂ©tĂ© montrĂ©alaise qui a conçu un appareil servant Ă Ă©valuer la rĂ©ponse de la tĂŞte et des yeux dans l’exĂ©cution de tâches Ă©lĂ©mentaires chez une personne ayant subi une lĂ©sion cĂ©rĂ©brale. Cette entreprise a Ă©tĂ© fondĂ©e en 2016 par HenriettaĚý«ĚýMimiĚý»ĚýGaliana, professeure au DĂ©partement de gĂ©nie biomĂ©dical de l’UniversitĂ© Ŕ¦°óSMÉçÇř, qui avait auparavant Ă©laborĂ© des modèles d’analyse de la coordination de la tĂŞte et des yeux.
Ce test, qui fait appel à un casque de réalité virtuelle semblable à ceux dont on se sert dans les jeux vidéo et qui peut être réalisé en quelques minutes seulement, demande au patient de suivre des cibles de la tête et des yeux. Les données sont ensuite téléchargées et traitées, puis un rapport affichant différentes mesures clés est produit pour indiquer comment certaines régions de cerveau possiblement lésé ont répondu aux tâches demandées durant le test.
«ĚýCet appareil a l’avantage d’être portableĚý», mentionne le PrĚýPtito. «ĚýOn peut l’utiliser aux abords d’un terrain de football ou d’une patinoire pour effectuer le test sans dĂ©lai et comparer ensuite les rĂ©sultats aux valeurs de rĂ©fĂ©rence. Si l’athlète prĂ©sente des signes de commotion cĂ©rĂ©brale, la dĂ©cision est sans Ă©quivoqueĚý: il ne doit pas retourner au jeu.Ěý»
Le PrĚýPtito voit cet appareil comme un outil diagnostique complĂ©mentaire, et non comme un test autonome.
«ĚýSi les troubles visuels sont frĂ©quents Ă la suite d’une commotion cĂ©rĂ©brale, une personne peut ĂŞtre victime d’une lĂ©sion cĂ©rĂ©brale sans prĂ©senter de tels symptĂ´mes. Le cas Ă©chĂ©ant, on doit procĂ©der Ă un examen approfondi afin de s’assurer que le patient se porte bien.Ěý»
Le PrĚýPtito mène Ă©galement un programme de recherche auprès d’athlètes universitaires, qui sont invitĂ©s Ă se soumettre Ă une Ă©preuve d’imagerie fonctionnelle par rĂ©sonance magnĂ©tique (IRMf) avant et après leur match. Des capteurs insĂ©rĂ©s dans le casque des athlètes permettent de colliger des donnĂ©es, de comparer la force des chocs survenant durant un match, et de signaler une lĂ©sion cĂ©rĂ©brale Ă©ventuelle.
«ĚýSi un athlète subit une commotion cĂ©rĂ©brale, et que nous ne sommes pas en mesure d’établir s’il peut retourner au jeu ou non, il pourrait aggraver sa blessureĚý», souligne le PrĚýPtito. «ĚýNous devons trouver un moyen d’appuyer toute recommandation Ă cet Ă©gard sur des donnĂ©es objectives. En fait, nous cherchons Ă Ă©tablir une corrĂ©lation entre la force d’impact et la variation des activations observĂ©es Ă l’IRMf.Ěý»ĚýĚýĚýĚýĚýĚýĚýĚýĚýĚý
Dans le cadre de ses travaux de recherche sur les traumatismes cĂ©rĂ©braux, le PrĚýPtito poursuit Ă©galement la mise Ă l’essai d’un dispositif expĂ©rimental appelĂ© «Ěýstimulateur portable de neuromodulationĚý», ou PoNSMC. Cet appareil Ă©met une stimulation Ă©lectrique qui se rend au cerveau du patient en empruntant les nerfs de la langue, un organe très sensible dont la reprĂ©sentation cĂ©rĂ©brale est importante. Le signal atteint la protubĂ©rance annulaire (en anglaisĚý: pons), une structure situĂ©e dans la partie supĂ©rieure du tronc cĂ©rĂ©bral qui participe au contrĂ´le de la respiration, de l’ouĂŻe, du goĂ»t et de l’équilibre. En outre, la protubĂ©rance annulaire favorise la communication entre diffĂ©rentes rĂ©gions du cerveau. Nous espĂ©rons qu’en stimulant la plasticitĂ© cĂ©rĂ©brale, nous pourrons attĂ©nuer, voire rĂ©gler, certains problèmes associĂ©s aux lĂ©sions cĂ©rĂ©brales, comme les pertes d’équilibre.
Le PrĚýPtito est en Ă©troite communication avec le mĂ©decin des Canadiens de MontrĂ©al, le DrĚýDavidĚýMulder, Ă©minent spĂ©cialiste en traumatologie et chirurgien au CUSM. Le chercheur souhaiterait pouvoir Ă©tendre ses tests Ă tous les joueurs du CH et Ă d’autres Ă©quipes de la LNH avant le dĂ©but de la saison, afin d’obtenir des donnĂ©es de rĂ©fĂ©rence auxquelles on pourrait comparer les rĂ©sultats d’examen chez un joueur qui aurait subi une commotion cĂ©rĂ©brale.
D’ici lĂ , le PrĚýPtito mène la charge en faveur de la crĂ©ation d’une clinique des commotions cĂ©rĂ©brales au Neuro, dont le personnel serait formĂ© sur la dĂ©tection et le traitement des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales.
Symptômes de traumatisme cérébral
Une personne qui a subi une commotion cĂ©rĂ©brale peut ressentir divers symptĂ´mesĚý: cĂ©phalĂ©es, confusion[ÉBM1]Ěý, Ă©tourdissements, dilatation des pupilles, perte d’équilibre, tintement d’oreilles, vomissements, trouble de l’élocution, nausĂ©es et fatigue. Dans certains cas, le patient peut souffrir d’amnĂ©sie temporaire et mĂŞme ne plus se souvenir de l’origine du traumatisme.
Les symptômes peuvent survenir immédiatement après le choc, le lendemain ou même des jours plus tard. La personne atteinte peut devenir irritable et plus sensible au bruit ou à la lumière vive, avoir de la difficulté à dormir ou à se concentrer, se sentir déprimée et éprouver une perte de goût ou d’odorat.