Les mitochondries sont aux cellules humaines ce que les piles sont aux lampes de poche: des sources d’énergie indispensables. Dans le cas des cellules humaines, les mitochondries président à d’importants mécanismes, dont la croissance cellulaire, la signalisation intercellulaire et la différenciation cellulaire.
Toutefois, lorsque des mutations génétiques viennent altérer le fonctionnement des mitochondries, des maladies neurologiques graves peuvent survenir. Les scientifiques ont découvert des liens entre le dysfonctionnement mitochondrial et la sclérose latérale amyotrophique (SLA), la maladie de Parkinson et de nombreux autres troubles neurodégénératifs rares.
Au cours de la Semaine de sensibilisation aux maladies mitochondriales, du 16 au 22septembre, l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (LeNeuro) informera le public sur le rôle des mitochondries dans les maladies neurologiques et sur les travaux de pionniers réalisés par ses chercheurs.
Nous vous présentons deux chercheurs principaux du Groupe d’étude sur les maladies neurologiques rares du Neuro dont les travaux ont mené à d’importantes découvertes.
Heidi McBride
La FondationY des femmes de Montréal a reconnu le travail de pionnière d’Heidi McBride sur les mitochondries en lui décernant le prix Femme de mérite2018. Dans sa citation en l’honneur de la PreMcBride, la Fondation soulignait que ses «découvertes sont monumentales et inattendues en ce qui a trait aux maladies dégénératives du cerveau».
Il y a deux ans, Heidi McBride, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biologie cellulaire et mitochondries, a fait l’annonce d’une importante découverte. En effet, ses travaux réalisés en collaboration avec Michel Desjardins, de l’Université de Montréal, ont mené à la découverte d’un lien entre les mitochondries, d’une part, et la maladie de Parkinson et les maladies auto-immunes, d’autre part. Ils ont observé qu’en présence de fièvre ou d’infection, les protéines mitochondriales se déplacent vers la surface de la cellule afin de signaler au système immunitaire de détruire cette dernière. Normalement, deux autres protéines, PINK1 et la parkine, empêchent ces protéines mitochondriales de réagir de façon excessive. Toutefois, en présence de certaines mutations de la protéinePINK1 et de la parkine, cette atténuation du signal mitochondrial peut ne pas se produire. Résultat: le système immunitaire détruit les neurones dopaminergiques, phénomène à l’origine des formes familiales de la maladie de Parkinson. Les travaux de la P°ù±ðÌýMcBride sur les liens entre les mitochondries et le système immunitaire se poursuivent et pourraient contribuer de façon importante à la mise au point de nouvelles formes d’immunothérapie.
Plus récemment, Heidi McBride et Michel Desjardins ont élargi la portée de leurs travaux grâce à de nouvelles collaborations qui leur ont permis de mettre leurs découvertes à l’essai sur des modèles murins de la maladie de Parkinson. À l’Université À¦°óSMÉçÇø, Samantha Gruenheid et son équipe ont étudié le lien entre la réponse des mitochondries à une infection par des bactéries intestinales et la survenue de la maladie de Parkinson chez la souris. Ces travaux permettent de mieux comprendre le rôle de l’axe intestin-cerveau sur l’apparition de maladies. Louis-Éric Trudeau, neuroscientifique et électrophysiologiste à l’Université de Montréal, s’est joint à l’équipe afin de déterminer comment l’activation du système immunitaire dans la maladie de Parkinson pourrait présider à la mort ou au recablâge des neurones dopaminergiques, principal axe de recherche sur cette maladie. En conjuguant leurs efforts, ces chercheurs montréalais ouvrent la voie à une nouvelle compréhension du rôle fondamental des mitochondries dans le déclenchement des signaux du système immunitaire concourant à l’apparition de cette maladie.
Outre ses recherches sur la maladie de Parkinson réalisées en collaboration avec d’autres scientifiques, la P°ù±ðÌýMcBride continue de faire des découvertes fondamentales dans le domaine de la biologie cellulaire des mitochondries. Elle étudie notamment l’effet de la forme et de la plasticité de ces organites sur leurs fonctions métaboliques, et les communications intracellulaires connexes. Ces travaux l’ont menée vers de nouveaux axes de recherche dans le domaine du cancer, de l’obésité et du système immunitaire. La P°ù±ðÌýMcBride estime que c’est au concept de science ouverte adopté par le Neuro, qui favorise la libre circulation des données, qu’elle doit sa participation à de nouvelles collaborations et la possibilité de mettre à l’essai ses découvertes au sein de divers contextes expérimentaux à l’Université À¦°óSMÉçÇø et ailleurs.
Eric Shoubridge
Autorité mondiale en matière de mitochondries, Eric Shoubridge dirige un laboratoire où des chercheurs étudient les causes génétiques et les mécanismes moléculaires qui sous-tendent les troubles mitochondriaux. Ses travaux de recherche portent sur deux protéines mitochondriales à l’origine de cas rares de SLA/démence frontotemporale et de maladie de Parkinson.
« Nous pourrions trouver des recoupements entre les voies cellulaires des protéines mitochondriales que nous étudions et les voies d’autres protéines, dont le rôle dans la maladie de Parkinson et la SLA a déjà été décrit », affirme le P°ùÌýShoubridge.
En collaboration avec des chercheurs de l’Institut Lunenfeld-Tanenbaum de l’Université de Toronto, Eric Shoubridge est sur le point de terminer un important projet visant à décrire la fonction de quelque 125protéines mitochondriales.
« Nous avons recours à une technique biochimique appelée BioID, qui nous permet de marquer une protéine mitochondriale connue avec un élément capable de marquer toutes les autres protéines qui l’entourent. Nous pouvons ainsi repérer les voies cellulaires que la protéine mitochondriale partage avec ses voisines. Grâce à cette technique, nous pouvons également tester les gènes mutants d’un patient. Les résultats nous renseignent sur les propriétés des protéines ayant des variantes pathogènes. »
Le P°ùÌýShoubridge évoque à titre d’exemple le syndrome de Leigh, trouble neurodégénératif à début précoce qui touche davantage les enfants que les adultes, et dont la prévalence est particulièrement élevée dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Québec.
« Nous avons examiné une version mutante d’une protéine mitochondriale qui ne s’était pas développée correctement et qui, de ce fait, présentait une courte demi-vie. Nous avons découvert qu’elle interagissait avec une autre protéine qui contribue au bon repliement protéique. De tels travaux nous permettent de mieux comprendre les mécanismes moléculaires pathologiques. »