Cancer du sein triple négatif : Une nouvelle étude ouvre la voie à un traitement novateur
Une équipe de chercheurs de l’IR-CUSM a découvert de nouvelles voies de signalisation cellulaires impliquées dans le développement des tumeurs du CSTN et une polythérapie ciblée prometteuse.
Source: IR-CUSM
Montréal, le 2 juin 2021 – Principale cause de décès par cancer chez les femmes dans le monde, le cancer du sein est responsable de 1700 décès par jour. Bien que la grande majorité des cancers du sein soient traitables, le sous-type le plus agressif - le cancer du sein triple négatif (CSTN) - présente un taux de récidive élevé, un fort potentiel de métastases et une résistance aux traitements conventionnels, ce qui entraîne un pronostic défavorable et des taux de survie très bas. Une équipe de chercheurs de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé À¦°óSMÉçÇø (IR-CUSM) a mené une étude préclinique et a découvert une nouvelle polythérapie ciblée jugée efficace pour réduire la croissance tumorale dans le cancer du sein métastatique. Publiés dans Nature Communications, les résultats de l’étude pourraient conduire au développement d'un traitement ciblé de première intention pour le cancer du sein métastatique et ouvrent la voie à la réalisation d’essais cliniques chez l'humain.
« A l’heure actuelle, il n'existe pas de thérapie ciblée pour le CSTN. Le traitement par chimiothérapie peut même enrichir ces tumeurs en cellules souches cancéreuses et nuire aux patientes, comme nous l'avons montré dans une étude précédente, explique le Dr Jean-Jacques Lebrun, scientifique principal du programme de recherche sur le cancer à l’IR-CUSM et chercheur principal de l'étude. Notre motivation dans ce projet était de combler cette énorme lacune médicale ».
Alors que la plupart des cancers du sein possèdent un des trois principaux récepteurs agissant comme une porte d'entrée pour les traitements - œstrogène, progestérone et une protéine appelée facteur de croissance épidermique humain (HER2) - le CSTN n'en possède aucun, d'où le nom de cancer du sein triple négatif. En utilisant des technologies de pointe telles que les « ciseaux génétiques » CRISPR/Cas9 pour modifier les gènes au niveau moléculaire et à l'échelle du génome humain, l'équipe du Dr Lebrun a identifié deux voies de signalisation cellulaires qui contrôlent le développement des tumeurs et qui pourraient être ciblées dans une stratégie thérapeutique.
Le criblage génétique in vivo : une approche innovante
Dans la première partie de l'étude, l'équipe de chercheurs a pu identifier environ 150 gènes susceptibles d'induire la formation de tumeurs (dits oncogènes) ou de l'empêcher (dits suppresseurs de tumeurs). Pour y parvenir, ils ont passé au crible les 20 000 gènes du génome humain dans un modèle murin préclinique de CSTN. À l'aide de ces « ciseaux génétiques » CRISPR/Cas9, ils ont coupé chacun des gènes individuellement, induisant ainsi leur perte de fonction - un processus appelé « knock out » ou inactivation génétique. À ce jour, très peu d'études ont utilisé le criblage génétique in vivo CRISPR à l'échelle du génome entier.
L'équipe a ensuite montré que dans le CSTN, une voie oncogène (MTOR) est activée, tandis qu'une voie suppressive de tumeur (HIPPO) est inhibée, ce qui pourrait expliquer pourquoi ces tumeurs sont si agressives et mortelles.
Identification de médicaments efficaces contre le cancer du sein métastatique
Afin d’établir la pertinence thérapeutique de ses résultats, l'équipe a poussé ses recherches un peu plus loin.
« En perturbant la fonction de tous les gènes, un par un, nous avons trouvé deux voies majeures qui sont impliquées dans la régulation du développement de la tumeur, explique la Dre Meiou Dai, associée de recherche principale dans le Laboratoire Lebrun à l'IR-CUSM et première auteure de l'étude. Nous avons pensé que si nous prenions un médicament existant capable de bloquer la voie oncogène et que nous y ajoutions un médicament capable de promouvoir la voie suppressive de tumeur, nous pourrions obtenir un effet bloquant la formation du cancer. »
Les chercheurs ont examiné les médicaments existants susceptibles de cibler ces voies et ont réalisé des expériences in vitro et in vivo. Ils ont trouvé deux médicaments efficaces : la torin 1, un médicament de deuxième génération connu pour bloquer la voie MTOR, et la vertéporfine, un médicament normalement utilisé pour une maladie de la rétine et qui peut imiter la voie HIPPO. Ils ont mélangé les deux médicaments et ont utilisé des modèles mathématiques et une approche pharmacologique pour définir si les deux médicaments agissaient indépendamment ou en synergie.
« Ce que nous avons découvert dépassait nos attentes : les deux médicaments agissaient de manière synergique et réduisaient efficacement la croissance tumorale dans des modèles cellulaires in vitro ainsi que dans des modèles précliniques de transplantation orthotopique du CSTN », explique le Dr Lebrun, qui est également professeur au département de médecine de l'Université À¦°óSMÉçÇø.
Une synergie qui éradique presque complètement la tumeur
Dans l'étude, les chercheurs ont remarqué que la vertéporfine induisait la mort cellulaire par apoptose - un mécanisme de mort cellulaire très classique. La torin1, en revanche, induit la mort cellulaire par un mécanisme non apoptotique appelé macropinocytose, un processus d’endocytose qui permet à la cellule d’absorber tous les nutriments et fluides extérieurs à la cellule, pouvant conduire à l'implosion de la cellule et à une mort cellulaire catastrophique.
« La macropinocytose est un mécanisme naturel que les cellules cancéreuses utilisent à leur avantage, pour accélérer leur croissance, dit la Dre Dai. Nous avons réalisé que si on utilisait les deux médicaments ensemble, la torin1 avait recours à ce mécanisme pour favoriser l'incorporation de la vertéporfine dans la cellule, augmentant ainsi les effets ultérieurs de mort cellulaire apoptotique. C'est ce processus synergique qui permet aux deux médicaments d'inhiber efficacement la formation de tumeurs. »
Impacts et résultats
Les résultats de cette étude exhaustive définissent une nouvelle approche visant à prévenir efficacement la formation de tumeurs et à réduire la charge tumorale, c'est-à -dire la taille d'une tumeur ou la quantité de cancer dans l'organisme, en ciblant simultanément les voies oncogènes et les voies suppressives de tumeurs. La polythérapie ciblée proposée pour les patientes atteintes du CSTN contribuera à combler une importante lacune médicale dans le domaine du cancer du sein métastatique.
Enfin, cette étude souligne la puissance et la robustesse du criblage génétique CRISPR in vivo pour identifier des modalités thérapeutiques innovantes et cliniquement pertinentes dans le domaine du cancer.
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À propos de l’étude
³¢â€™Ã©t³Ü»å±ð a été réalisée par Meiou Dai, Gang Yan, Ni Wang, Girija Daliah, Ashlin M Edick, Sophie Poulet, Julien Boudreault, Suhad Ali, Sergio A Burgos et Jean-Jacques Lebrun. Cette recherche a été soutenue par des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).
DOI: 10.1038/s41467-021-23316-4
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À propos de l’IR-CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé À¦°óSMÉçÇø (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université À¦°óSMÉçÇø, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé À¦°óSMÉçÇø (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS).
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Personne-ressource pour les médias
Fabienne Landry
Coordonnatrice des communications, Recherche
Centre universitaire de santé À¦°óSMÉçÇø
Fabienne.landry [at] muhc.mcgill.ca