Le coloris, source de différentiation des espèces chez un poisson tropical
Des chercheurs de Ŕ¦°óSMÉçÇř dĂ©couvrent, chez un certain poisson des rĂ©cifs coralliens, que les coloris dĂ©terminent de nouvelles espèces
Une Ă©quipe composĂ©e de chercheurs de l’UniversitĂ© Ŕ¦°óSMÉçÇř et du Smithsonian Tropical Research Institute (STRI) a trouvĂ© dans les rĂ©cifs coralliens le premier exemple d’un cas oĂą le coloris d’un poisson marque son Ă©volution vers des espèces distinctes.
« Il n’était pas Ă©vident que ce poisson fournirait un modèle de la naissance d’une nouvelle espèce, explique l’auteur principal de l’étude, Oscar Puebla, Ă©tudiant au doctorat dans le programme conjoint de Ŕ¦°óSMÉçÇř et du STRI, Neotropical Environment Option (NEO), car lorsqu’on entreprend d’expliquer la diffĂ©renciation des espèces, le premier rĂ©flexe est d’observer son environnement plutĂ´t que son comportement. »
Prenant leurs coloris comme point de départ, les chercheurs ont étudié, chez le poisson hamlet (genre Hypoplectrus), les habitudes alimentaires et les comportements d’accouplement pouvant documenter la formation de plusieurs espèces. Ils ont observé que ce prédateur suit la piste de poissons non prédateurs de même coloris que lui pour surprendre ses proies, qui n’ont pas l’habitude de se méfier des poissons non prédateurs. Ils ont pu voir aussi qu’il s’accouple avec des partenaires dont le coloris s’apparente au sien. Après avoir décelé certains comportements permettant de le classer par groupes, et d’autres caractéristiques génétiques, mineures mais significatives, les chercheurs ont conclu que chacune de ses 13 morphologies classe l’Hypoplectrus dans une espèce naissante. Leurs conclusions paraissent dans le cahier du 22 mai de Proceedings of the Royal Society of London B. La documentation en ligne permet d’observer les comportements sur vidéo.
« Ce groupe de poissons constituait un vĂ©ritable mystère », dĂ©clare FrĂ©dĂ©ric Guichard, professeur adjoint au DĂ©partement de biologie de Ŕ¦°óSMÉçÇř. « La variation gĂ©nĂ©tique n’était pas un facteur suffisant pour le classer en espèces selon ses diffĂ©rents coloris et il n’y avait Ă première vue aucun mĂ©canisme Ă©cologique nous autorisant Ă le faire. Nous avions atteint la limite de nos compĂ©tences Ă dĂ©tecter de nouvelles espèces et Ă les diffĂ©rencier. »
Dans un cas classique de différenciation, comme l’explique M. Guichard, les mécanismes sont plus évidents. Si les pinsons de Darwin, par exemple, ont constitué de nouvelles espèces, c’est parce qu’on pouvait associer la morphologie de leur bec à une diète spécifique de graines et à un cri de parade unique.
Dans le cas de l’Hypoplectrus, les chercheurs ont constaté qu’à des motifs fluorescents distincts correspondaient des comportements distincts. Mais pour en arriver à détecter ces comportements distincts, l’équipe de Puebla a dû couvrir 94 000 mètres carrés en plongée autonome parmi les récifs de Panama, du Belize et de la Barbade. « Il fallait compter une heure de plongée pour observer en moyenne 6 minutes de comportement distinctif fondé sur la couleur », rapporte M. Puebla.
Il espère que cette étude entraînera des recherches plus audacieuses au plan de la différenciation écologique. « Un des messages de notre étude, c’est qu’il faut être à l’affût de comportements qui, malgré leur rareté, peuvent revêtir une signification singulière aux plans de l’écologie et de l’évolution. On ne peut pas se contenter de photographier une espèce : il faut passer de longues heures à l’observer dans son milieu naturel.
L’étude a été subventionnée par le Marine Science Network du Smithsonian Institution.
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