Les espèces invasives dans les Grand Lacs d’ici 2063
Les Grands Lacs ont Ă©tĂ© envahis par plus d’espèces invasives que tous les bassins d’eau douce au monde. MalgrĂ© des efforts croissants pour freiner ces invasions, les lacs restent vulnĂ©rables, selon des scientifiques de l’UniversitĂ© Ŕ¦°óSMÉçÇř et des confrères amĂ©ricains et canadiens.
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Sans nouvelles rĂ©glementations, ils prĂ©disent d’autres vagues d’invasions et identifientĚý des espèces qui pourraient envahir les lacs dans les 50 prochaines annĂ©es.
En deux siècles, on a dĂ©nombrĂ© 180 espèces qui n’en Ă©taient pas originaires dans les Grands Lacs et les rivières qui s’y versent. Environ 20Ěý% de ces espèces sont nuisibles, Ă©cologiquement et Ă©conomiquement, menaçant la biodiversitĂ© locale et une industrie de la pĂŞche chiffrĂ©e Ă plusieurs milliards de dollars. Avec le commerce d’espèces vivantes et les changements climatiques, de nouvelles menaces Ă©mergent, avertissent les chercheurs dans une Ă©tude de la revue Journal of Great Lakes Research.
Des lois efficaces?
Ces dernières années, les invasions d’espèces ont ralenti au rythme des mesures prises pour protéger les lacs. Constatant cela, les chercheurs ont bâti trois scénarios pour le futur. Pessimiste, intermédiaire ou optimiste, ils dépendent de la mise en place et de l’efficacité des réglementations à protéger le bassin, en bloquant les moyens d’entrée actuels de ces espèces.
Les navires ont longtemps été la principale porte d’entrée des nouvelles espèces, jusqu’à un resserrement réglementaire sur l’eau de lest. Celle-ci est prélevée ou larguée par les bateaux pour maintenir un poids constant quelle que soit leur cargaison. En 2006 et 2008, de nouvelles lois ont contraint les navires à larguer l’eau douce et remplir leur réservoir d’eau salée avant d’entrer dans le Saint-Laurent.
Pour qu’elle n’amène pas de nouvelles espèces, tous les bateaux doivent larguer l’eau douce et remplir leur rĂ©servoir d’eau salĂ©e avant d’entrer dans le Saint-Laurent. Ainsi, seuls des animaux d’eau salĂ©e, incapables de survivre et de se multiplier, sont rejetĂ©s avec cette eau. «ĚýDepuis 2006, on n’a pas trouvĂ© de nouvelles espèces, souligne Katie Pagnucco, principale auteure de l’étude et doctorante Ă Ŕ¦°óSMÉçÇř. On a peut-ĂŞtre fermĂ© une porte aux espèces invasives, celle de l’eau de lest. Cela reste Ă confirmer. Mais d’autres portes sont encore ouvertes.Ěý»
Scénarios futurs
Dans le scénario le plus pessimiste, de nombreuses espèces sont introduites, parce que les navires contournent la réglementation sur l’eau de lest et à cause du commerce des espèces vivantes qui continue de se développer. L’importation d’animaux et de plantes – pour les marchés alimentaires, les aquariums ou encore comme appâts pour la pêche – est très peu réglementée. Dans ces conditions, dans cinquante ans, les Grands Lacs seraient peuplés de nombreuses nouvelles espèces, surtout venues des voies navigables à la jonction entre l’Europe et l’Asie, autour de la mer Noire. Cette région a déjà donné certaines des espèces qui ont le plus perturbé les Grands Lacs, comme la moule zébrée, et compte encore bien d’autres espèces qui risquent d’envahir le bassin, notamment la crevette tueuse ou le gobie fluviatile.
Le scĂ©nario intermĂ©diaire correspond au statu quoĚý: aucune autre politique de protection n’est ajoutĂ©e. La rĂ©glementation sur l’eau de lest reste efficace et les bateaux n’amènent pas de nouvelles espèces. Le commerce d’espèces vivantes devient la principale source de problèmes dans ce scĂ©nario intermĂ©diaire. La menace la plus sĂ©rieuse serait les carpes asiatiques, bien adaptĂ©es Ă la tempĂ©rature dans la majeure partie du bassin. Voraces, elles ingurgitent de grandes quantitĂ©s de plancton, avec un effet majeur sur toute la chaĂ®ne alimentaire, et perturberaient ainsi la pĂŞche.
Dans le scĂ©nario le plus optimiste, le risque d’arrivĂ©e de nouvelles espèces est minimisĂ© par des mesures prises par le Canada et les États-Unis de façon coordonnĂ©e. «ĚýCes invasions sont un problème transnational, explique Anthony Ricciardi, professeur adjoint Ă Ŕ¦°óSMÉçÇř et spĂ©cialiste des espèces invasives, qui a supervisĂ© l’étude. Outre la rĂ©gulation du commerce d’espèces vivantes, les deux pays doivent travailler ensemble pour dĂ©tecter et rĂ©agir rapidement aux menaces Ă©mergentes – avant qu’une invasion ne devienne incontrĂ´lable.Ěý»
La «Ěýbarrière thermiqueĚý» menacĂ©e par le rĂ©chauffement
Enfin, les chercheurs avertissent que le rĂ©chauffement climatique pourrait compliquer chacun de ces scĂ©narios. «ĚýPar exemple, les Grands Lacs ont dĂ©jĂ toutes les espèces invasives venues du Mississipi qui pouvaient y survivre, souligne Katie Pagnucco. Pour les autres, une «Ěýbarrière thermiqueĚý» nous protège. Mais si l’eau se rĂ©chauffe, des espèces venues du Sud pourraient plus facilement s’installer, arrivant surtout par le canal qui relie le Mississipi aux lacs. Le risque d’invasion est un phĂ©nomène dynamique, les rĂ©ponses politiques doivent l’être aussi pour ĂŞtre efficaces, soulignent Ricciardi et Pagnucco.Ěý
ĚýCette Ă©tude sera publiĂ©e dans un numĂ©ro spĂ©cial de le Journal of Great Lakes Research, sur l’évolution des Grands Lacs ces dernières dĂ©cennies et leur futur.
The future of species invasions in the Great Lakes-St. Lawrence River basin.
Journal of Great Lakes Research, publié en ligne le 8 décembre 2014
Katie S. Pagnucco, George A. Maynard, Shannon A. Fera, Norman D. Yan,
Thomas F. Nalepa, Anthony Ricciardi
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Photos
Photo du communiquĂ©:Ěýcrevette tueuse (©Michal Grabowski)
Photos des mĂ©dias sociaux: En haut: carpe asiatique (©Steve Hillebrand, FWS) -En basĚý: Gobie fluviatile (©viridiflavus), crevette tueuse (©Michal Grabowski)
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